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« De la bouche des enfants Vous avez tiré une louange parfaite pour détruire l’Ennemi »

Si la participation significative de catholiques aux Etats généraux de bioéthique a été relevée par tous les commentateurs [1], elle a également relancé le débat sur la pertinence stratégique du mouvement pro-vie en France [2].

L’illusion de la consultation

En effet, peut-on sérieusement espérer transformer des « états généraux », par définition consultatifs, en assemblée politique où une parole libre s’imposerait au tyran ? Il est plus à craindre que le respect maladif d’une légalité apparente aboutisse au baroud d’honneur habituel : mobilisation virtuelle, manifestations éphémères et satisfaction dans la défaite. Car jusqu’à présent le programme mortifère porté par les gouvernements successifs n’a connu que des ralentissements provisoires, pas de véritable coup d’arrêt. Sûr de sa position, l’Élysée a ainsi confirmé l’entrée de Simone Veil au Panthéon comme pour signifier aux récents Marcheurs pour la Vie les strictes limites de la consultation [3]. Le président du Comité Consultatif National d’Éthique a rapidement renchéri et distingué l’étape « éthique » de l’étape « politique » : la première initiant la population au relativisme moral qu’exigerait le progrès scientifique ; la seconde imposant par la loi ce qui dès l’origine ne devait souffrir aucune discussion [4]. Si "la dictature c’est « ferme ta gueule ! » et la démocratie c’est « cause toujours ! »" (Jean-Louis Barrault), à n’en pas douter la macronie ce sont les deux « en même temps ».

La séduction du marketing

Par ailleurs, depuis les mobilisations de masse de La Manif pour Tous le mouvement pro-vie, qui a toujours prôné la gratuité du témoignage, vertueux par son acte même, hors de toute considération quantitative, semble paradoxalement séduit par des stratégies marketing de plus en plus agressives [5].

L’évolution de la forme n’est pas sans conséquence sur le fond : l’opposition à la « PMA sans père » justifie a contrario la « PMA avec père » condamnée avec raison par l’Église mais promue par d’éminents communicants, quitte à occulter d’autres graves questions comme la manipulation ou la conservation d’embryons [6].

On m’objectera que le mouvement pro-vie en France est justement aconfessionnel et qu’il faut se garder de confondre les plans naturels et surnaturels, la défense de la vie humaine innocente, de la conception à la mort naturelle, pouvant être appréhendée par la raison, éclairée par la science [7].

Un combat eschatologique

Sed contra : « La bataille finale entre le Seigneur et le royaume de Satan portera sur le mariage et la famille » (Soeur Lucia de Fatima) [8]. Dès lors, les défenseurs de la famille et de la vie, qui pour une large majorité en France demeurent de confession catholique, ne sauraient participer efficacement à ce combat eschatologique sans recourir aux armes surnaturelles que l’Église met à leur disposition. « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes » (Éphésiens, VI, 12).

Les catholiques devraient être publiquement le fer de lance des combats bioéthiques, les non-catholiques se ralliant à leur bannière pour l’occasion [9]. En effet, les catholiques ne conçoivent pas la vie au seul plan naturel, comme bonne en soi, mais comme leur ayant été offerte par un Père infiniment aimable et aimant. Et ce cadeau est d’autant plus précieux que ce n’est pas une chose mais une Personne, leur propre Frère, membre de cette « Famille divine » qui les a adoptés. L’amour de la famille et de la vie est au coeur de la foi catholique : y porter atteinte s’apparente à un sacrilège ; en taire sciemment la dimension surnaturelle pourrait relever moins de la prudence que du respect humain.

Un enracinement spirituel et paroissial

La Sainte Écriture et l’histoire de l’Église nous enseignent que Dieu, jaloux de ses victoires, aime manifester sa puissance dans le petit, le faible, le méprisé, afin que nul homme ne puisse s’en attribuer la gloire. Fières des foules qu’elles drainent à grands frais de tout le pays, les grosses machineries nationales rechignent à reconnaitre les limites d’une stratégie restreinte au naturel à laquelle Dieu n’accorde que des succès éphémères. Combien de temps, d’énergie et d’argent les familles de province ont-elles consacré pour participer aux multiples manifestations contre la loi Taubira, quitte à menacer leur équilibre personnel et matériel ? Beaucoup en ont tiré les leçons et reviennent à une prudente économie de moyens au profit d’engagements locaux, moins lourds et plus féconds. Si les grands rassemblements nationaux peuvent avoir leur intérêt, ils deviendront réellement significatifs lorsqu’ils seront le débordement de l’action obscure, quotidienne et intégrale de chacun, fidèle à son devoir d’état et attentif aux sollicitations du Saint-Esprit.

Dans ce grand combat eschatologique, c’est en priorité dans sa paroisse, subsidiairement son diocèse, que le catholique serait supposé lutter, revêtu des armes de Dieu, faisant « en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications, veillant à cela avec une entière persévérance » (Éphésiens, VI, 13-18). On y solliciterait avec profit l’intercession des enfants, que le Christ nous donne comme modèle spirituel et dont les anges contemplent sans cesse la face de Dieu (Matthieu, XVIII, 10). S’y ajouterait naturellement la prière des mères, et plus particulièrement celles blessées par la perte d’un enfant [10]. On n’oublierait pas non plus les malades et les agonisants offrant, par la grâce du sacrement, leurs souffrances et leur mort pour la vie [11]. Enfin, on en appellerait au secours de ceux qui nous précèdent dans la Vie : confiant les enfants non-nés à la Miséricorde divine [12], on se placerait sous la protection des baptisés morts en bas âge et des saints dont la paroisse conserve les reliques.

Cette puissance de supplication ne devrait pas être consacrée à la défense de la vie et de la famille comme de façon virtuelle, désincarnée, mais viser en priorité les officines et structures de mort établies sur la paroisse ou à proximité de celle-ci. Dieu ne permettant pas que nous soyons éprouvés au-delà de nos forces, les paroisses ayant un centre d’avortement, un planning familial, une loge maçonnique etc. reçoivent des grâces particulières pour réduire leur influence à néant. Elles se doivent d’y recourir pour elles, pour le diocèse, le pays et l’Église universelle.

Concrètement, le centre d’avortement se dissimulant derrière la façade respectable d’une clinique ou d’un hôpital serait démasqué publiquement afin d’en faire la cible privilégiée de la prière personnelle et collective des paroissiens. Chaque passage devant l’établissement concerné, chaque visite de malade ou consultation médicale, deviendrait l’occasion d’un signe de croix, d’un Ave, d’une aspersion d’eau bénite, d’un dépôt de médailles miraculeuses, d’une récitation de l’office divin etc. Le personnel médical catholique contraint d’intervenir en ces lieux où se côtoient la vie et la mort trouverait auprès de la paroisse soutien humain et spirituel pour demeurer « simple comme la colombe et prudent comme le serpent » (Matthieu, X, 16). Rien n’empêchera par ailleurs une future mère d’interroger son gynécologue sur son éventuelle participation aux avortements commis en ces murs et de tirer les conséquences des réponses données. Quant aux Veilleurs et autres Sentinelles en herbes, ils trouveraient sans doute à proximité de ces établissements des sit-in plus chargés de sens qu’une quelconque place publique. De même, la paroisse pourrait en faire le tour en procession à l’occasion par exemple de la fête de son saint tutélaire ou de toute grande fête liturgique.

On veillerait parallèlement à l’accueil en paroisse des familles et des personnes en difficulté, sollicitude que le diocèse encouragerait par le développement de structures subsidiaires adéquates (accueil des mères en détresse, maternités et écoles catholiques, réseau de médecins, thérapeutes, conseillers sociaux catholiques etc.)

Cet enracinement spirituel et paroissial décontenancera probablement les adeptes globalisés de la « guérilla marketing » ; mais si les milliers de manifestants réunis ponctuellement à Paris s’y appliquaient au quotidien à travers tout le pays, les princes de ce monde de ténèbres commenceraient à trembler.

De la bouche des enfants, et de ceux qui sont à la mamelle, Vous avez tiré une louange parfaite contre vos adversaires, pour détruire l’Ennemi et le Vengeur (Psaume VIII, 2-3).

Gladius Columbae



[2Cf. Communiqué d’Alain Escada (Civitas) suite à la Marche pour la Vie 2018 (http://www.medias-presse.info/alain-escada-la-marche-pour-la-vie-impose-une-reflexion-strategique/86669/)

[6Sur les problèmes posés par la PMA avec ou sans père, cf. notamment http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2018/05/les-probl%C3%A8mes-li%C3%A9es-%C3%A0-la-pma.html

[7Cf. Réponse de Jean-Pierre Maugendre (Renaissance catholique) au communiqué d’Alain Escada sus-mentionné (https://www.lesalonbeige.fr/reponse-a-alain-escada-a-propos-de-la-marche-pour-la-vie-du-21-janvier/)

[9Pourquoi le mouvement pro-vie ne s’inspirait-il pas davantage des Associations Familiales Catholiques (AFC), « fondant leur action sur l’enseignement familial et social de l’Église catholique », mais accueillant des membres non-exclusivement catholiques ?

[10Dieu le Père et Notre-Dame ne peuvent que compatir infiniment à la douleur de ces mères. La souffrance de celles ayant perdu leur enfant accidentellement pourrait, offerte dans la foi, acquérir une puissance spirituelle toute particulière pour la défense de la famille et de la vie. Il en serait de même, et peut-être davantage, de la componction de celles ayant eu recours à l’avortement, Satan voyant en quelque sorte son oeuvre de mort contrecarrée par celles-là mêmes qu’il espérait entraîner dans les ténèbres extérieures

[11On s’émerveillera sans doute au ciel de l’emprise sur le coeur de Dieu de grands malades ou de grands handicapés du fait de leur faiblesse physique ou psychique. De même, nos maisons de retraites ne seraient-elles pas moins négligées par une pastorale souvent tentée par le « jeunisme » si l’on réalisait le potentiel spirituel qu’elles renferment ? Ne serait-ce pas parce qu’il est justement conscient de cette menace que Satan incline consciencieusement l’humanité déchue vers l’eugénisme et l’euthanasie ?

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