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À propos du livre de Dom Pateau, Le salut des enfants morts sans baptême (Artège, 2017, 312p.).
Doit-on reléguer les limbes aux oubliettes de l’histoire ? Beaucoup de parents éprouvés par la perte d’un enfant non baptisé le souhaiteraient, et la publicité du livre de Dom Jean Pateau, paru en février 2017, a largement contribué à installer dans les cœurs la tranquille assurance que tous ces enfants « à qui la vie n’a souri qu’un instant » reposent désormais dans la gloire de la vision bienheureuse. Les lecteurs du Rouge & le Noir ont pu prendre connaissance des arguments de l’auteur, grâce à l’entretien paru le 20 janvier dernier. Les réflexions qui suivent se proposent de remettre en cause la thèse centrale de l’ouvrage en évaluant les arguments qui la fondent, selon trois axes :
Comme l’écrit saint Thomas « discordia in opinionibus non repugnat amicitiae » : les différences dans les opinions ne sont pas un obstacle à l’amitié !
Le sort des enfants morts sans baptême demeure un objet d’angoisse pour les familles confrontées à l’épreuve d’une fausse couche, ou au drame d’un avortement provoqué. La miséricorde de Dieu, « qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 4), les mérites infinis de la passion du Christ, et la sollicitude de Jésus pour les plus petits (cf. Mc 10, 13-14) ne sont-elles pas des données suffisantes pour consoler les parents éprouvés, en les assurant que leur enfant repose désormais dans la gloire du ciel ? C’est animé de ce souci pastoral que Dom Pateau, père Abbé de l’Abbaye Notre-Dame de Fontgombault, a voulu examiner en théologien la convenance d’un salut pour tous ces
petits « à qui la vie n’a souri que durant un instant » (p. 15). L’argument central consiste à affirmer une suppléance universelle de la médiation sacramentelle du baptême pour les enfants dans l’impossibilité de recevoir le sacrement, et, partant, à dégager la « convenance », proche selon l’auteur de la certitude, « d’une sanctification directe par Dieu des enfants mourant sans baptême » (p. 248).
Après un parcours chez les prédécesseurs de saint Thomas, l’auteur examine attentivement la position du Docteur angélique, faisant état des variations de sa pensée, pour proposer une critique, rendue possible par un approfondissement de l’enseignement de saint Thomas (cf. p. 19), de la théorie des limbes. L’ouvrage se conclut par une section au titre éloquent : « Vers un document magistériel ? » Quoique tempéré par un point d’interrogation, l’appel lancé par l’auteur est sans équivoque : pour les enfants morts sans baptême, « [l’]échec de la volonté salvifique de Dieu ne semble pas admissible » (p. 250).
L’affirmation d’un salut universel pour les enfants morts sans baptême ne peut, dans l’état actuel du développement dogmatique, être rattachée avec évidence au donné révélé. Le péché originel, dont naissent marqués tous les enfants, a pour conséquence de fermer les portes du ciel : nul ne peut jouir de la vision béatifique sans en être lavé (cf. p. 20). Et le seul moyen ordinaire que Dieu a voulu nous révéler pour cela est le sacrement de baptême, sous ses diverses formes. Certes, et les tenants de la doctrine des limbes le reconnaissent, « Dieu n’a pas lié sa grâce aux sacrements ; outre ce mode sacramentel, il sanctifie donc certains par privilège dans le sein maternel [1] ». Mais, en l’absence de révélation plus précise, rien n’autorise le théologien à donner une portée universelle à ce privilège.
Or c’est précisément ce à quoi aboutit l’argumentation de Dom Pateau. L’auteur tient qu’un approfondissement de la compréhension du verset de saint Paul : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 4) permet d’affirmer la convenance de sa thèse avec le donné révélé (pp. 248-252). Ce procédé argumentatif appelle deux remarques.
La notion de convenance, centrale dans la doctrine sacrée, permet au théologien de rendre compte de certaines dispositions du dessein de Dieu, qui, quoique non soumises à une stricte nécessité, sont cependant en harmonie avec sa sagesse et sa bonté [2]. On a pu la définir comme « un possible réalisé », et plus précisément comme « l’unité [en matière théologique] du possible probable et du réalisé nécessaire [3] ». L’argument de convenance consiste donc à manifester l’harmonie entre une disposition de l’économie du salut, connue par la révélation, et le mystère de Dieu. Il résulte d’une vue de sagesse, correspondant à la « connaissance que nous pouvons avoir a posteriori de la Sagesse divine qui régit l’économie [4] ». On dira ainsi qu’il était convenable que le Fils de Dieu s’incarne pour offrir une réparation adéquate aux péchés des hommes : selon la rigueur de la justice, seule une personne infinie en dignité pouvait en effet satisfaire pour la gravité infinie du péché [5].
L’argument de convenance admet des degrés : généralement, la convenance d’une disposition du dessein divin n’entraîne pas l’impossibilité de réalisations différentes. Mais il est des cas où la convenance dégagée par le théologien est si profonde que le contraire serait, non pas moins probable, mais inconvenant. La convenance confine alors à l’ordre de la nécessité morale : une disposition contraire de la providence aurait entraîné une disharmonie avec la Sagesse de Dieu. Or il semble bien que la convenance affirmée par Dom Pateau se situe à un tel niveau, puisque, dans sa présentation, la thèse concurrente à la sienne, la doctrine des limbes, est réputée n’être « pas tenable théologiquement » (p. 175) et mettre en échec la volonté salvifique de Dieu (p. 250). C’est la raison pour laquelle il incline à penser que la thèse d’un salut universel pour les enfants morts sans baptême est quasiment certaine, ne manquant que de l’approbation du magistère de l’Église (p. 251).
C’est de ce passage de saint Paul : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4), que Dom Pateau tire son argument scripturaire décisif. L’affirmation paulinienne de la volonté salvifique universelle est la vérité révélée qui lui permet de manifester la convenance de sa thèse. Or ce texte de saint Paul aurait mérité un traitement exégétique plus approfondi. Monseigneur Christophe Kruijen, dans une étude magistrale, fait remarquer que le verbe grec employé est thelô (dont le sens comporte l’idée d’un désir conditionnel) et non boulomai (qui exprime davantage une décision pure et simple). En conséquence, il souligne l’importance de lire ce passage de saint Paul, non comme une formule absolue, « mais en tenant compte de l’économie réelle choisie par Dieu pour communiquer le salut aux hommes [6] ».
Fort de ces remarques, on peut se demander si la démarche de l’auteur respecte l’épistémologie propre à l’argument de convenance. Comme le dit le père Torrell, « le théologien ne crée pas la convenance, mais se borne à la reconnaître [7] ». Or affirmer, comme Dom Pateau, la convenance entre le fait, attesté par la révélation, de la volonté salvifique universelle de Dieu, et le salut, non enseigné par l’Église, de tous les enfants morts sans baptême, n’est-ce pas accorder à une simple hypothèse théologique le rang d’une vérité qui découlerait en toute certitude de la révélation, ou même de vérité implicitement révélée (cf. p. 287) ? En d’autres termes, la convenance affirmée fournirait matière à un argument théologique si le salut des enfants morts sans baptême nous était révélé. Ce qui n’est pas le cas. Précisons : à prendre les choses absolument, il ne semble pas y avoir de contradiction à ce que Dieu, selon sa bonté et sa sagesse, accorde effectivement sa grâce à tous les enfants morts sans baptême. Mais, quand bien même ce serait le cas, il n’a pas jugé opportun de nous le révéler, et les indications du magistère, bien que non infaillibles, inclinent plutôt dans le sens contraire : les conciles se sont à plusieurs reprises engagés contre l’existence d’un moyen ordinaire de salut pour les enfants morts sans baptême :
Au sujet des enfants, en raison du péril de mort qui peut souvent se rencontrer, comme il n’est pas possible de leur porter secours par un autre remède que par le sacrement du baptême, par lequel ils sont arrachés à la domination du diable et sont adoptés comme enfants de Dieu, elle [la sainte Église romaine] avertit qu’il ne faut pas différer le baptême pendant quarante ou quatre-vingts jours […], mais qu’il doit être conféré le plus tôt qu’il sera commodément possible […] [8].
L’autorité de l’Aquinate apporte une confirmation à cette doctrine. Il affirme, à l’occasion d’un développement sur le privilège de la sanctification de Marie avant sa naissance :
Et il ne faut pas croire qu’en dehors de Jérémie et de Jean-Baptiste, d’autres, que l’Écriture ne mentionne pas, auraient reçu cette sanctification dans le sein maternel. Ces privilèges de la grâce, qui sortent de la loi commune, sont ordonnés à l’utilité d’autrui selon s. Paul (1 Co 12, 7) : « À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée pour l’utilité de tous. » Or cette sanctification n’en aurait aucune si elle était ignorée de l’Église [9].
Puisque l’attention du théologien doit se porter sur ce que Dieu a voulu nous communiquer de son propre mystère et de son dessein de salut, il convient d’observer un silence d’adoration sur les dispositions que Dieu a tenues cachées [10]. Sans quoi, le risque est grand de perdre le sens de la transcendance de Dieu en se forgeant de la miséricorde divine une idée trop conforme à nos désirs humains.
On pourrait objecter que la doctrine des limbes tombe sous le coup d’une critique analogue : elle paraît en effet être une construction « scolastique », sans fondement clair dans la révélation. Ce qui n’est pas totalement faux. Mais, outre l’appui non négligeable qu’elle tient de la tradition et du magistère, ses défenseurs ne prétendent pas lui accorder une valeur de principe dans la hiérarchie des vérités de foi.
En effet, les théologiens confrontés au sort des enfants morts sans baptême ont cherché à rendre compte de trois vérités [11] : 1° le péché originel transmis par la nature est remis par le baptême, selon les dispositions ordinaires voulues par Dieu ; 2° un homme qui meurt marqué par le péché originel ne peut jouir de la vision béatifique ; 3° les âmes qui n’ont pas commis de péché personnel ne peuvent souffrir la peine du sens. Ils ont donc postulé l’existence d’un état de terme [12] répondant à ces exigences, ce que Philippe le Chancelier, en 1225-1228, nommera « les limbes » (cf. pp. 78-79). Dom Pateau retrace avec précision les évolutions qu’ont connues les élaborations théologiques au cours de l’histoire, depuis saint Augustin [13], et les peines seulement « très douces » qu’il promettait aux enfants (cf. p. 58), jusqu’aux penseurs des XIIe et XIIIe siècles. Ces derniers donnent dans leurs réponses « un poids de plus en plus grand à la miséricorde » (p. 149), et saint Thomas tient que ces enfants jouissent d’une félicité naturelle, proportionnée aux forces de leur nature humaine. On peut regretter que le poids de cette autorité n’ait pas conduit Dom Pateau à rappeler l’affirmation de la CTI, selon laquelle la doctrine des limbes « demeure une opinion théologique possible [14] ».
En réalité, cette prétérition est cohérente avec les options théologiques de l’ouvrage. Par quelques références ciblées, Dom Pateau inscrit son travail dans le sillage du père Henri de Lubac, s. j. En publiant en 1946 son livre Surnaturel, ce dernier proposait une exégèse renouvelée – et très personnelle – des textes de saint Thomas concernant les rapports entre la nature et la grâce. Ses thèses ont largement contribué à minorer la consistance de l’ordre naturel, voire même, encore qu’il s’en défende, à estomper la gratuité du don de la grâce. Dom Pateau cite de longs extraits du père de Lubac (pp. 156-158), sans mentionner les sérieuses réserves que ses développements ont suscité et suscitent encore chez de nombreux théologiens catholiques [15]. Il reprend à son compte deux objections opposées à la théorie des limbes : 1° un bonheur naturel est inconcevable, car il laisserait frustré « le désir naturel de voir Dieu », que le théologien jésuite identifie pratiquement à l’espérance théologale de la vision béatifique. Dom Pateau écrit en ce sens : « En tant que membre de la nature humaine, et donc doué d’intelligence même s’il ne peut l’exercer, l’enfant possède un désir inné de la vision » (p. 163) ; 2° les limbes ne sont pas un état possible pour les enfants, puisque Dieu « a appelé de fait tout homme à la béatitude surnaturelle » (p. 163). L’auteur appelle donc à un changement de perspective : comprendre la nature humaine « au sens théologique, en tant qu’ordonnée à la vision béatifique » (p. 155).
Parler d’un « désir inné de la vision », c’est admettre que l’homme a par nature une inclination vers la vie éternelle avant même l’infusion de la grâce et des vertus théologales. Dans cette perspective, on comprend sans peine que ce désir n’étant pas comblé chez les enfants des limbes, il entraîne une frustration incompatible avec l’état de félicité qu’on leur promet. Mais cette interprétation du désir naturel de voir Dieu proposée par Dom Pateau à la suite du père de Lubac s’écarte de la pensée de saint Thomas. D’après l’Aquinate, seules la grâce et les vertus théologales peuvent proportionner l’homme à sa destinée surnaturelle. Pour obtenir, connaître ou même seulement désirer ce bien éminent, les puissances naturelles humaines « ne suffisent pas ». Nous citons ici un passage du De Veritate :
Or double est le bien ultime de l’homme [Est autem duplex hominis bonum ultimum] qui meut en premier comme une fin ultime la volonté. L’un est proportionné à la nature humaine, car les puissances naturelles suffisent pour l’obtenir ; et ce bien est la félicité dont les philosophes ont parlé […]. L’autre est le bien de l’homme qui dépasse la mesure de la nature humaine, car, pour l’obtenir, les puissances naturelles ne suffisent pas, ni même pour le connaître ou le désirer, mais il est promis à l’homme par la seule libéralité divine […] et ce bien est la vie éternelle. […] Or rien ne peut être ordonné à quelque fin s’il ne préexiste en lui un certain rapport à la fin, d’où provienne en lui le désir de la fin ; et c’est le cas lorsqu’un commencement de la fin advient en lui, car une chose ne recherche le bien que dans la mesure où elle possède quelque ressemblance de ce bien. Et c’est pourquoi il y a dans la nature humaine elle-même un certain commencement du bien qui est proportionné à la nature : car en elle préexistent naturellement les principes des démonstrations évidents par soi, qui sont des semences de la contemplation de la sagesse, ainsi que les principes du droit naturel, qui sont les semences des vertus morales. Il est donc également nécessaire, pour que l’homme soit ordonné au bien de la vie éternelle, qu’un certain commencement de cette vie advienne en celui à qui elle est promise. Or la vie éternelle consiste dans la pleine connaissance de Dieu, comme le montre clairement Jn 17, 3 ; il est donc nécessaire que de cette connaissance surnaturelle quelque commencement advienne en nous ; et cela a lieu par la foi, qui tient par une lumière infuse les choses qui dépassent la connaissance naturelle [16].
L’Aquinate est formel : le désir naturel de voir Dieu n’est pas un « désir naturel du surnaturel [17] ». La nature humaine n’inclut pas un désir inné du surnaturel, et l’homme laissé à ses seules forces ne peut vouloir absolument la vision béatifique ; c’est seulement dans la lumière de la foi, infusée en nous avec la grâce sanctifiante, que ce désir devient efficace [18]. Pour autant, un bonheur seulement naturel – la contemplation des philosophes selon la vertu intellectuelle de sagesse – garde un caractère d’imperfection [19]. En effet, toute intelligence créée, dès lors qu’elle connaît l’existence d’une cause, désire aussi connaître l’essence de cette cause [20]. Et une telle connaissance, nulle contemplation philosophique ne pourra l’offrir, si bien qu’au plan strictement naturel, ce désir demeurera de l’ordre de la velléité et ne serait donc pas frustré s’il venait à n’être pas comblé [21]. Au demeurant, la velléité qui demeure dans toute intelligence créée de connaître l’essence de Dieu, est la manifestation du « désir ontologique de la créature intellectuelle en tant que créature, qui est de s’assimiler au maximum possible à son Créateur [22] ». L’élévation à la vie surnaturelle et la révélation du mystère intime de Dieu viendront combler ce désir de l’homme gracié bien au-delà de tout ce qu’il pouvait espérer par ses seules forces naturelles [23].
Il faut donc tenir ensemble les deux aspects de la question : 1° les âmes des limbes jouissent d’un réel bonheur naturel, qui a valeur de fin ultime dans son ordre [24], consistant dans la connaissance et l’amour de Dieu à travers le miroir de la création. Le bonheur purement naturel promis aux enfants dans les limbes n’est pas illusoire : il est déjà une forme authentique de « la joie au sujet de la vérité » (gaudium de veritate), par laquelle saint Augustin avait défini la béatitude ; 2° pour autant, les âmes des limbes n’atteignent pas la béatitude parfaite consistant dans la vision de l’essence divine. Sous le rapport de la fin surnaturelle à laquelle Dieu a gratuitement appelé les créatures rationnelles, elles demeurent dans un état d’imperfection.
Mais une différence profonde sépare l’enfer des limbes. La souffrance liée au dam ne peut venir que d’un acte de libre option de la créature raisonnable contre Dieu. Le péché, dans son essence intime, revient en effet à refuser la dépendance naturelle qui lie la créature raisonnable à son Créateur :
Le péché consiste radicalement, pour la créature intelligente, à refuser d’être de Dieu, c’est-à-dire à refuser sa propre condition de créature. Cette contradiction contient en substance la damnation ; car, si elle affecte la créature, c’est en altérant d’abord le rapport de la créature au Créateur : Dieu n’a pas à Se retirer, mais la créature est laissée à elle-même dans l’acte même où elle délaisse Dieu [25].
Une part importante de la souffrance des damnés de l’enfer vient précisément de là : leur refus de Dieu a non seulement rendu impossible l’achèvement de leur vocation surnaturelle, mais également, et dans un même mouvement, les a fixés pour l’éternité dans un état contraire à leur condition naturelle de créatures, qui ne peuvent trouver leur bonheur que dans l’assimilation à Dieu, selon le mode convenant à sa nature. Pour les âmes de l’enfer donc, la privation de la vision béatifique a une dimension afflictive et pénale : les sollicitations de la grâce pendant leur vie terrestre leur ont donné la possibilité de répondre à leur vocation surnaturelle, et leur refus coupable a entrainé une frustration de leur désir naturel de voir Dieu, tant dans l’ordre naturel que dans l’ordre surnaturel.
Au contraire, dans le cas des enfants morts sans baptême, l’état de leur nature blessée par le péché originel n’a pas été ratifié par un péché personnel. La privation de la vision béatifique pour les âmes des limbes n’a donc pas de dimension afflictive, et ce précisément parce que le désir naturel de voir Dieu, pour un homme qui n’a pas eu l’occasion de recevoir la grâce, demeure un désir conditionnel et inefficace [26]. En revanche, parce qu’elles sont dans un état de félicité proportionné aux aspirations de leur nature, leur « désir naturel d’être établi dans le bonheur », dans « une stabilité immuable [27] », est au repos. Elles atteignent en effet, selon le mode qui convient à leur condition, la fin de toute créature intellectuelle : « penser [intelligere] Dieu [28] ». Il semble donc que les enfants des limbes sont dans un état de « nature intègre (natura integra) », correspondant, l’inamissibilité en plus, à « l’état d’Adam avant la chute, donc en possession des privilèges dont Dieu l’a doté au moment de sa création, mais abstraction faite de la grâce sanctifiante [29] ». Un texte de saint Thomas donne quelques indications sur cet état : « Dans l’état de nature intègre, la puissance active de l’homme avait suffisamment d’efficacité pour être capable, par ses forces naturelles (per sua naturalia), de vouloir le bien proportionné à sa nature, c’est-à-dire le bien qui correspond à la vertu acquise, mais non le bien qui dépasse (superexcedens) [sa nature], c’est-à-dire le bien qui correspond à la vertu infuse [et donc au don de la grâce] [30]. » La consistance de ce bonheur naturel, qui implique l’intégrité des facultés humaines, blessées par le péché originel, invite à accueillir avec intérêt les suggestions du cardinal Journet, qui tient que la restauration de la nature humaine pour les hommes présents dans les limbes se fera sous l’influx du Christ ressuscité [31].
Ces réflexions permettent de souligner la convenance du don de la grâce aux créatures raisonnables, et de mettre en avant l’harmonie profonde, sur le plan métaphysique, du perfectionnement de la fin naturelle par la fin surnaturelle. Parce que la béatitude naturelle a une réelle consistance, et qu’elle répond à un désir enraciné dans les créatures intellectuelles, le don de la grâce, loin de violenter la nature, peut s’intégrer harmonieusement dans la structure de l’esprit créé. Pour le dire avec le père White, « la sagesse philosophique et le bonheur qui l’accompagne ne sont pas illusoires, et nous révèlent quelque chose de profond au sujet de l’essence intime de l’être humain, quelque chose qui ne vaut pas seulement pour les non-chrétiens, mais aussi pour les chrétiens, qui, quoique enfants de Dieu, demeurent aussi par nature des êtres humains raisonnables [32] ». Cette assise philosophique permet de maintenir la transcendance de la grâce vis-à-vis des inclinations naturelles de l’esprit créé, tout en soulignant la convenance entre les désirs de la nature et ce que le don de la grâce y réalise effectivement [33]. À l’inverse, le regard suspicieux jeté sur « un concept de nature humaine douée d’une fin purement naturelle possible » (p. 154) risque d’introduire un divorce entre nature et surnature : en diminuant la consistance de la nature, on ampute le sujet récepteur de la grâce [34]. Il n’est pas dit que la compréhension de la vocation surnaturelle de l’homme y gagne [35].
Ce n’est pas le moindre des mérites de la théorie des limbes que de rappeler cette consistance de l’ordre naturel. L’élévation à l’ordre surnaturel garde ainsi son caractère absolument gratuit, tout en révélant, a posteriori, la profonde convenance d’un tel don pour les créatures intellectuelles. A contrario, on voit ici que le rejet des limbes doit beaucoup à une mauvaise compréhension des rapports entre nature et grâce. Leur juste articulation permet de répondre aux objections soulevées par Dom Pateau, et de renforcer la probabilité de l’existence d’un état de terme, où les hommes morts avec le seul péché originel jouissent d’un bonheur naturel. Au demeurant, une fois parvenu à cette conclusion, le théologien touche les limites de son champ d’investigation.
Il n’est pas certain que l’abandon de la théorie des limbes permette un réel progrès pastoral. En effet, jusqu’à présent, l’alternative qui s’offrait aux proches d’un enfant mort sans baptême était la suivante : ou bien mon enfant a reçu, par un privilège spécial, la grâce du salut ; ou bien il jouit d’un bonheur naturel dans les limbes. À l’inverse, en rejetant la théorie des limbes, sans que la thèse d’un salut universel pour les enfants morts sans baptême puisse être suffisamment fondée sur le roc de la révélation, on risque d’être contraint d’admettre pour eux la possibilité de la damnation pure et simple. En effet, si les limbes n’existent pas, il reste deux possibilités pour les enfants morts sans baptême : le ciel ou l’enfer. Puisque l’on ne connaît pas d’autre moyen ordinaire que le baptême pour assurer aux petits enfants l’entrée dans la gloire du ciel, on pourrait alors craindre qu’ils souffrent les peines personnelles propres aux damnés [36]. Une telle hypothèse est bien évidemment irrecevable. Mais elle devrait inciter à une grande prudence ceux qui souhaitent voir les limbes englouties dans les oubliettes de l’histoire.
Par ailleurs, on ne voit pas comment l’adoption de la thèse d’un salut universel pour ces enfants n’entraînerait pas de facto une relativisation de la nécessité du sacrement du baptême. Dom Pateau n’ignore pas l’objection (cf. pp. 19-20 ; 235-238), et croit pouvoir la lever en invoquant « la distinction entre le devoir de présenter les enfants au baptême ex parte parentum [du côté des parents], et la possibilité d’une suppléance ex parte Dei [du côté de Dieu] » (p. 238). Poussant la réflexion, il tient qu’un engagement du magistère sur ce point pourrait contribuer à « une redécouverte du sacrement » (p. 20), par une « juste » relativisation de sa nécessité (sic !) : alors que la théorie des limbes « conduit à une absolutisation de la médiation sacramentelle », la thèse de Dom Pateau permettrait, selon lui, de rappeler opportunément que le baptême est « seulement » la cause instrumentale du don de la justification, et non sa cause première (p. 246).
Une telle mise en place, outre les conséquences néfastes qu’elle risque d’entrainer sur le plan pastoral, doit son soubassement théologique au thème discutable du « Christ premier sacrement » (pp. 210-214). Réaffirmant que « l’agir du Christ ne se laisse pas contraindre par les sacrements » (p. 213), parce que, comme Dieu, Jésus est cause première de la grâce, l’auteur tient que « le Christ est le sacrement » dans le don de la justification aux petits enfants. Il supplée, en « s’associant la médiation de la prière de l’Église », à l’absence de médiation sacramentelle (p. 230). En effet, l’état des enfants morts sans baptême présente une « disposition particulière à être conformé au Christ » (p. 215), et donc à bénéficier des mérites de sa passion : d’abord en raison d’une configuration au Christ à travers la mort, et tout particulièrement la mort violente (pp. 214-220), et ensuite, en vertu de l’efficience du Christ dans les mystères de son enfance (pp. 220-230).
Cette proposition théologique, qui ne manque ni d’élégance ni de profondeur, repose cependant sur une ambiguïté sur le sens du mot « sacrement ». Le terme est polysémique depuis les débuts de la pensée chrétienne, et l’effort des théologiens a consisté à en dégager un sens précis pour l’appliquer aux sept sacrements. Au sens strict, un sacrement de la loi nouvelle est un signe sensible et efficace, qui, à titre de cause instrumentale, produit la grâce. À l’inverse, si la nature humaine du Christ est, elle aussi, cause instrumentale de la grâce, ce n’est pas d’abord en tant que signe, mais en raison de son union, dans la Personne du Verbe, à la divinité. « L’instrumentalité qui est commune à l’humanité du Christ et au sacrement n’est pas du même ordre ici et là [37] » : on parle d’« instrument conjoint » pour l’humanité du Christ, et d’« instruments séparés » pour les sept sacrements [38].
À la faveur de ce glissement sémantique, il n’y a qu’un pas à franchir pour affirmer que l’humanité du Christ, a, pour les petits enfants, le même mode d’efficacité que le sacrement du baptême. Certes, et Dom Pateau le souligne avec raison, le Christ selon sa nature divine est bien la cause première de la grâce, et, en instituant les sacrements, il manifeste qu’il a sur eux un pouvoir souverain. Il peut donc communiquer la grâce indépendamment de la médiation sacramentelle. Cependant, à proprement parler, le Christ n’est pas un sacrement mais la source de l’ordre sacramentel. Selon l’économie qu’il a lui-même instituée, il a voulu « un régime totalement nouveau de causalité, dans lequel des signes visibles deviennent cause de la grâce [39] ». L’eau et le sang jaillis du cœur ouvert du Christ (Jn 19, 34) en sont la parfaite illustration. Affirmer une suppléance universelle au sacrement du baptême en se référant au thème du Christ premier sacrement, c’est s’engager sur un chemin qui n’est plus balisé par la révélation. L’économie de la Nouvelle Alliance, en laquelle la grâce du Christ nous est communiquée ordinairement par les sacrements, deviendrait alors accidentelle : au regard du nombre des enfants concernés par cette suppléance, l’exception par mode de privilège serait plus fréquente que la loi générale [40].
Les arguments proposés par Dom Pateau ne sont donc pas suffisamment ancrés dans le donné révélé pour emporter l’adhésion. La raison théologique et la prudence pastorale invitent à conserver la doctrine des limbes : c’est, dans l’état actuel du développement dogmatique, la seule possibilité pour qui veut tenir ensemble les vérités de foi engagées dans le sort des enfants morts sans baptême. Pour autant, cette conclusion ne doit pas masquer le fait que Dieu peut, selon sa sagesse et sa miséricorde, élever ces enfants à la vie de la grâce en leur communiquant les mérites du Christ, et leur donner ainsi en partage la gloire du ciel. Mais la réalisation de cette possibilité relève de la seule liberté divine, sans que rien dans la Révélation ne nous autorise à en tirer une loi générale.
En conséquence, la meilleure attitude des pasteurs est d’inciter fortement les parents, dès la conception de leur enfant, à le confier à la miséricorde de Dieu, en priant pour lui, et en faisant célébrer des messes à son intention. Et bien sûr, après la naissance, à ne différer sous aucun prétexte leur baptême : qu’importe la présence des membres de la famille quand c’est la béatitude éternelle d’un enfant qui est en jeu ? Comme l’a rappelé la Congrégation pour la doctrine de la foi : « par sa doctrine et sa pratique, l’Église a montré qu’elle ne connaît pas d’autre moyen que le baptême pour assurer aux petits enfants l’entrée dans la béatitude éternelle [41] ». Pour le reste, à moins d’une improbable intervention du magistère [42], il faut reconnaître que la destinée de ces enfants doit rester pour nous enveloppée des voiles du mystère.
[1] Thomas d’Aquin, in III Sent. d. 3, q. 1, a. 1, qla 3, ad 1um. Voir aussi Somme de Théologie (désormais abrégée en ST), IIIa, q. 68, a. 11, ad 1um. Dom Pateau reconnaît ce point aux défenseurs de la théorie des limbes (p. 149), mais affirme pourtant quelques pages plus loin (soulignements de nous) : « L’hypothèse des limbes apparaît à nouveau comme une théorie inachevée qui, refusant a priori la conclusion menant au don de la grâce sanctifiante en dehors du baptême, ne pouvait que s’arrêter au don d’une félicité purement naturelle » (p. 169).
[2] Cf. ST, Ia, q. 21, a. 4 : « Dieu ne peut rien faire qui ne soit convenant (conveniens) à sa sagesse et à sa bonté. »
[3] Gilbert Narcisse, o. p., Les raisons de Dieu : Argument de convenance et Esthétique théologique, selon saint Thomas d’Aquin et Hans Urs von Balthasar, coll. « Studia Friburgensia, Nouvelle Série » 83, Éditions Universitaires, Fribourg, Suisse, 1997, p. 137.
[4] Emmanuel Durand, o. p., « L’identité rahnérienne entre la Trinité économique et la Trinité immanente à l’épreuve de ses applications », RT 103, 2003/1, pp. 75-92, [note 29, p. 86].
[5] Voir sur ce point ST, IIIa, q. 1, a. 2, ad 2um.
[6] Christophe J. Kruijen, Peut-on espérer un salut universel ? Étude critique d’une opinion théologique contemporaine concernant la damnation, Paris, Parole et Silence, 2017, pp. 279-281.
[7] Jean-Pierre Torrell, Le Christ en ses mystères. La vie et l’œuvre de Jésus selon saint Thomas d’Aquin, t. II, coll. « Jésus et Jésus-Christ » Paris, DDB, 1999, note 6, p. 314.
[8] Concile de Florence (DS 1349). Voir aussi le concile de Trente (DS 1524). On consultera avec profit sur ce point l’article de Brian W. Harisson, « Est-ce que tous les enfants décédés parviennent à la vision béatifique ? », Sedes Sapientiæ 111, 2010/2, pp. 32-54. On peut regretter que cette étude ne figure pas dans la bibliographie établie par Dom Pateau.
[9] ST, IIIa, q. 27, a. 6, c. L’auteur se réfère à ce texte – en omettant la dernière phrase – mais esquive la difficulté d’une façon surprenante : « Dans la mesure où ce texte fait appel au témoignage de l’Écriture, il ne vaut pas pour l’économie de la Nouvelle Alliance » (p. 141).
[10] Le passage de Gaudium et spes n° 22 (« Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal ») est souvent considéré comme un engagement magistériel ayant définitivement écarté l’hypothèse des limbes (voir par exemple p. 287). En fait, comme l’a souligné le père Bonino, « le contexte immédiat manifeste que le concile ne vise in recto [directement] que les adultes […]. Il ne se prononce pas sur la question des enfants morts avant le premier acte de liberté » (« Les limbes et le surnaturel », RT 101/1-2, 2001, pp. 131-166, [note 1, p. 132]).
[11] Voir sur ce point les analyses du père Guérard des Lauriers dans sa Réponse à la « Lettre à un Religieux » de Simone Weil, Éd. Forts dans la Foi, 1971, supplément au n°21, pp. 6-7 : « l’Église n’impose pas directement et explicitement la doctrine des limbes comme devant être crue de foi divine et catholique. Cela ne signifie pas qu’une vérité de foi, quelle qu’elle soit, puisse être considérée comme “marginale”, en ce sens qu’elle pourrait dans certains cas être laissée de côté. Cela signifie que l’ensemble des vérités de foi constitue un ordre, en sorte qu’il faut avoir suffisamment assimilé ce qui a valeur de principe avant d’accéder aux conséquences qui en ont été induites par l’expérience elle-même quasi nécessairement » (Nous soulignons).
[12] Par opposition à l’état de voie, l’état de terme désigne la condition des créatures libres après leur mort.
[13] Comme il se doit, un long développement est consacré à saint Augustin, qui fait figure de pionnier sur cette question. Dom Pateau s’appuie sur ce passage du De liberio arbitrio III, 23, § 68 qu’il interprète dans le sens de sa thèse : « Et qui sait, pour ces petits enfants dont les souffrances brisent la dureté des grandes personnes, ou exercent leur foi, ou éprouvent leur pitié, qui sait quelle compensation de bonheur Dieu réserve dans le secret de ses jugements puisque, s’ils n’ont rien fait de bien, c’est aussi sans avoir péché qu’ils ont supporté ces souffrances ? » (cité p. 48). Or le contexte immédiat – non rappelé par Dom Pateau – de cette réflexion de saint Augustin établit sans doute possible qu’elle s’applique aux enfants morts peu de temps après avoir reçu « le sacrement du baptême du Christ » (Ibid., § 67). Dès lors, et sous réserve d’une étude plus approfondie, il semble trop rapide de s’autoriser de ce passage pour affirmer l’existence d’un durcissement de saint Augustin sur ce point dans la seconde partie de sa vie de théologien (cf. pp. 49 sq). Et l’application de ce texte aux enfants morts sans baptême ne paraît pas conforme à l’esprit de son auteur.
[14] Commission théologique internationale, L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans baptême, 2007 [Désormais abrégé en CTI], no 41. Occasion de rappeler que le document de la CTI n’a pas rejeté la doctrine des limbes, contrairement à ce qui est souvent affirmé (jusque dans le chapeau de présentation du texte dans La Documentation Catholique n° 2387, 7 octobre 2007, p. 852).
[15] Pour ne citer que quelques études parmi les plus récentes : Bernard Lucien, « Radical orthodoxy, Henri de Lubac et le surnaturel », Sedes Sapientiæ 107, 2009/2, pp. 67-107 ; id, Apologétique. La crédibilité de la Révélation divine transmise aux hommes par Jésus-Christ, Brannay, Nuntiavit (Théologie Sacrée pour débutants et initiés, 3), 2011 ; Lawrence Feingold, The Natural Desire to See God According to St. Thomas Aquinas and His Interpreters, Sapientia Press of Ave Maria University, 2010 ; Thomas Joseph White, o. p., « Imperfect happiness and the final end of man : Thomas Aquinas and the paradigm of nature-grace orthodoxy », The Thomist 78, 2014/2, pp. 247-289 ; Serge-Thomas Bonino, o. p., « Thomistica X », RT 111, 2011/1, pp. 279-346. Voir en particulier p. 280, § 1 : « L’interprétation de saint Thomas d’Aquin proposée par le P. Henri de Lubac, autour de la question du surnaturel, porte une lourde responsabilité dans cet “oubli de la nature” qui parasite aujourd’hui le thomisme » (Nous soulignons).
[16] De Veritate, q. 14, a. 2 (traduction du frère Aniorté modifiée). Voir aussi : In III Sent., d. 23, q. 1, a. 4, qla 3 ; De Veritate, q. 22 a. 7 ; SCG, III, 150, 5 ; De virtutibus, q. un., a. 10 ; ST, Ia-IIæ, q. 63, a. 3 ; ST, Ia-IIae, q. 114, a. 2 ; In II Cor., c. 5, l. 2.
[17] Selon l’expression du père de Lubac, Surnaturel. Études historiques, Paris, Aubier, 1946, p. 487.
[18] Ce point a de nouveau été mis en lumière tout récemment par l’abbé Alain Contat, « Une clef pour comprendre le désir naturel de voir Dieu selon saint Thomas d’Aquin (II) », RT 117, 2017/4, pp. 531-568, [p. 554]. Mais nous ne partageons pas toutes les analyses et conclusions de l’auteur.
[19] Cf ST, Ia-IIæ, q. 3, a. 6 ; SCG, III, 48, 14.
[20] ST, Ia, q. 12, a. 1.
[21] Cf. In II Sent., d. 33, q. 2, a. 2, ad 2um. Sur la velléité, on pourra se reporter également aux indications que donne saint Thomas à propos de la volonté du Christ : ST, IIIa, q. 21, a. 4.
[22] Bernard Lucien, « Radical orthodoxy, Henri de Lubac et le surnaturel » art. cit., p. 106.
[23] Ces quelques remarques invitent à distinguer au sein des créatures rationnelles trois niveaux dans le désir de voir Dieu : 1° le désir ontologique, propre à tout étant créé, de s’assimiler autant qu’il est possible à son créateur ; 2° le désir élicite de connaître l’essence de la cause première, une fois qu’on est parvenu à la connaissance de son existence. Ce désir, philosophique, reste conditionnel, puisque dans l’ordre naturel, l’essence divine transcende les forces de l’intelligence créée ; 3° le désir propre à l’espérance théologale, rendu possible par l’infusion de la grâce sanctifiante qui proportionne la nature humaine à la gloire de la vision béatifique. Il va sans dire que l’élévation à l’ordre surnaturel assume les désirs des niveaux 1 et 2.
[24] Cf. ST, Ia, q. 62, a. 1 ; De Veritate, q. 14, a. 2.
[25] Michel-Louis Guérard des Lauriers, « Marie est co-Rédemptrice », La Pensée Catholique, 152, 1974, pp. 24-25.
[26] Voir sur ce point les remarques du père Serge-Thomas Bonino, « Les limbes et le surnaturel », art. cit., pp. 156-158.
[27] SCG, III, 48, 3.
[28] SCG, III, 25.
[29] Jean-Pierre Torrell, « Nature et grâce chez saint Thomas d’Aquin », RT 101/1-2, 2001, pp. 167-202, [p. 183].
[30] ST, Ia-IIæ, q. 109, a. 2. (trad. J.-P. Torrell, art. cit. pp. 182-183).
[31] Cf. Charles Journet, La volonté salvifique sur les petits enfants, DDB, 1958, pp. 19-29.
[32] Thomas Joseph White, art. cit., p. 254.
[33] Cf. Thomas Joseph White, art. cit., p. 250.
[34] Voir les remarques du père Labourdette, « Grand cours » de théologie morale, tome 8 : La foi, coll. « Bibliothèque de la Revue Thomiste », Paris, Parole et Silence, 2015, p. 69.
[35] Le Père White a ainsi montré que l’affirmation dogmatique de la vision béatifique pour les élus serait inintelligible sans la reconnaissance d’une réelle consistance à une béatitude purement naturelle. Voir Thomas Joseph White, art. cit., en particulier pp. 277 et 286.
[36] Nous laissons de côté ici la thèse de l’option finale, que l’on peut être tenté d’appliquer aux cas des enfants morts sans baptême : Dieu donnerait la possibilité à ces enfants, dans l’instant même de la mort ou même après, de poser un acte libre pour ou contre lui. Ce qui déciderait de leur salut éternel. Les analyses du Père Pie Noonan ont bien établi les impossibilités de cette thèse. Cf. P.-M. Noonan, L’option finale dans la mort : Réalité ou mythe ? coll. « Croire et Savoir », Paris, Téqui, 2016. Pour un résumé de ses arguments voir Sedes Sapientiæ 139, 2017/1, pp. 19-34.
[37] Emmanuel Perrier, o. p., dans « L’enjeu christologique de la satisfaction (II) », RT 103, 2003/2, pp. 203-247 [p. 246].
[38] ST, IIIa q. 64, a. 3. Dom Pateau, qui renvoie à ce texte p. 213, ne mentionne pas cette différence entre le Christ et les sacrements. Elle est pourtant en toutes lettres dans l’article de saint Thomas.
[39] Emmanuel Perrier, art. cit., p. 247.
[40] La liberté divine restant sauve, il nous semble que la remarque de Journet (Le mal. Essai théologique, Paris, DDB, 19622, p. 183) s’applique ici : « Pourrait-il [Dieu] le faire toujours [intervenir miraculeusement] ? Le lui demander serait attendre de lui un autre monde que celui qu’il a choisi de faire, où l’extraordinaire deviendrait ordinaire, où l’exception serait changée en loi ».
[41] Instruction Pastoralis actio, 20 octobre 1980, no 13.
[42] Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le texte de la CTI n’a pas de valeur magistérielle proprement dite. (Il jouit cependant d’une autorité théologique de premier ordre, en raison de la compétence de ses rédacteurs). Aussi est-on surpris de le trouver mentionné dans la section bibliographique réservée aux actes du magistère (cf. p. 263).
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