L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
La sortie en janvier 2016 de La France pour la vie [1] avait déjà donné la mesure de l’absence de convictions de Nicolas Sarkozy : après s’y être un temps déclaré favorable, il ne souhaite plus revenir sur la loi Taubira [2].
La publication fin août de son livre-programme Tout pour la France, dans lequel il officialisait sa candidature à la présidentielle, n’avait pas attiré outre mesure l’attention des médias catholiques. C’est sur un passage [3] passé inaperçu que nous voudrions nous pencher. Il est en effet symptomatique de la relation à l’histoire et à la chrétienté qu’entretien M. Sarkozy [4]. Nous nous proposons d’en livrer ici une analyse assez rapide.
Premier point : abordant la question du mahométanisme, M. Sarkozy se livre ici à une généralisation permettant de ne pas stigmatiser cette religion, en l’englobant dans un vague pluriel. L’extrémisme religieux ? Toutes les religions seraient selon lui concernées par le phénomène. Le problème principal n’est pourtant pas là. Alors même qu’il reconnaît que le mahométanisme ne constitue pas une autorité suprême et qu’il n’existe pas de « solide tradition d’examen critique » du Coran, il souhaite mettre en place un « islam de France » de la même manière que l’on a pu soumettre le judaïsme et le catholicisme à la laïcité républicaine. Ces propos annoncent un sérieux problème sur la façon d’aborder la question islamique : considérer qu’il s’agirait d’une religion comme une autre et ne la voir qu’à travers le prisme du catholicisme empêche de saisir une troisième caractéristique toute aussi importante : il est plus qu’une religion, c’est aussi un système politique.
Second point : il faut faire preuve d’un immense optimisme pour croire qu’un « islam de France » puisse réussir en quelques années à se livrer à un travail critique qu’il n’a su mener nulle part ailleurs dans le monde et dans l’histoire.
Troisième point : une telle phrase condense en quelques mots nombre de grossières erreurs historiques sur la chrétienté médiévale.
Quatrième point : « Les épreuves qu’il nous a fallu affronter » : il s’agit là d’une étonnante façon de présenter les violences faites aux catholiques au début du XXe siècle. Notons par ailleurs que les violences anti-chrétiennes de la Révolution Française et les massacres qui lui sont liés sont passés sous silence, comme si l’obscure chrétienté médiévale avait enfin été vaincue par la République en 1905.
Cinquième point : « Nous voulons un islam de France. Nous refusons un islam en France ». La formule est banale. Mais qu’est-ce au juste qu’un « islam de France » qui ne serait pas en France ?
Sixième point : placer les imams sous le contrôle du ministère de l’intérieur ? La mesure est surréaliste et inapplicable en l’état actuel du droit. Au demeurant, imagine-t-on les curés, les pasteurs ou les rabbins placés sous un tel contrôle ? Non seulement une telle mesure serait inacceptable, mais elle équivaudrait presque, dans les faits, à ouvrir la voie à l’établissement de du mahométanisme comme religion de l’État.
Septième point : L’Égypte avait tenté d’imposer une mesure identique lors des prédications dans les mosquées le vendredi dans le but de lutter contre l’extrémisme. Sans succès [6].
Huitième point : « La tolérance zéro nous conduira à fermer toutes celles dont la pratique de l’enseignement est contraire aux valeurs de la République ». Le flou qui entoure les “valeurs de la République” permet d’interdire tout et son contraire. S’il est positif de voir qu’ici le problème est clairement indiqué (les écoles« islamiques »), on est en droit cependant de s’inquiéter des éventuelles contraintes qui pourraient être appliquées à l’ensemble des écoles libres. Quand aux fameuses « enclaves idéologiques », le terme pourrait tout autant s’appliquer au ministère de l’Éducation Nationale.
Neuvième point : Évoquer « une identité musulmane qui se sent humiliée » pour désigner le bloc s’opposant à la nation menacée... On est consterné par l’aveuglement idéologique qu’un tel propos révèle.
[1] Nicolas Sarkozy, La France pour la vie, janvier 2016, Plon, 264 p.
[2] « Jamais je n’ai eu l’intention de contester la légitimité d’un mariage homosexuel. Il ne sera donc pas question de démarier les mariés ou de revenir en arrière sur le principe du mariage homosexuel. J’avais pensé à l’époque que les ambiguïtés de la loi Taubira sur certains points imposeraient une nouvelle rédaction. À la réflexion, je crains que, compte tenu de l’état de tension et de division de la société française auquel a abouti la méthode de François Hollande, le remède soit pire que le mal. Je ne souhaite donc pas qu’on légifère à nouveau, parce que la priorité doit être de rassembler les Français. C’est un point sur lequel, je l’assume, j’ai évolué » (p.119).
[3] p. 48-50.
[4] Et ce même dans l’hypothèse, probable, qu’une bonne partie de l’ouvrage soit en réalité l’œuvre d’un nègre.
[5] Gilbert Dahan, L’Exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, XII-XIVe siècles, Éditions du Cerf, 1999.
[6] RFI, Égypte : la tentative d’instauration du prêche unique ne passe pas, 23 août 2016.
Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don
Dernières dépêches : [NOUVEAUTÉ] Sortie du jeu de société chrétien « Theopolis » • Retour de la communion sur les lèvres à Paris • Etats et GAFA : l’alliance impie est en marche • [CHRISTIANOPHOBIE] Retour sur le concert raté d’Anna von Hausswolff • [ÉGLISE] Les hussards de la modernité à l’assaut des derniers dogmes de l’Eglise • [IN MEMORIAM] Charles, entre idole des jeunes et divinité laïque • [CHRÉTIENTÉ] L’épée d’Haïfa et la chevalerie rêveuse • Le service public l’a décrété : le wokisme n’existe pas • [IN MEMORIAM] L’Heure des comptes viendra-t-elle bientôt ? • [IN MEMORIAM] 4 novembre 1793 : Louis de Salgues de Lescure
Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.
© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0,
tous droits réservés.
Plan du site
• Se connecter •
Contact •
RSS 2.0