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Soirée de propagande sur le service public

Il faut parfois, une brève soirée, se remettre devant son poste pour se rappeler pourquoi on a un jour arrêté de regarder la télévision, et notamment les chaînes qui participent de la domination culturelle du pays, service public comme entreprises privées. Hier, c’est le service public, décidément inégalable dans ce genre de pantalonnades, qui s’est illustré, à l’occasion de la « journée internationale contre l’homophobie », dans une opération de propagande diffusée par France 2, en deux temps : un téléfilm, tout d’abord, sur l’homophobie en milieux familial et scolaire, puis une table ronde rassemblant divers témoignages sur l’homophobie, et prétendant prendre en considération les enjeux actuels du phénomène.

Commençons par la fin, puisque cela s’impose. La soirée animée par Julian Bugier a rapidement tourné à la tribune politique, arc-boutés que furent les intervenants à faire passer le message que la Manif Pour Tous était responsable du « climat d’homophobie », et que la droite jouait un jeu dangereux en laissant Sens Commun s’épanouir en son sein. En dehors des quelques témoignages de personnes (un jeune homme ayant vécu des brimades, le père d’un homosexuel lynché – on ne nous aura bien sûr pas par qui – une femme qui raconte avec force repentance la haine qui l’a prise lorsque son fils lui a annoncé son homosexualité…) qui parlaient réellement de sujets sociaux complexes, lesquels ne furent absolument pas abordés, il fallut subir la présentation militante de Julian Bugier, annonçant avec le sourire que les manifestations de 2013 avaient été l’occasion de laisser passer des idées « d’un autre temps », l’écrivain Philippe Besson et le président de l’association SOS Homophobie Joël Deumier, qui chacun à leur tour utilisèrent leur temps de parole pour répéter les mêmes poncifs sur LMPT et Sens Commun, quelques commentaires de Patrick Timsit qui allèrent dans le même sens, et enfin une lesbienne « mère » d’une enfant conçue par PMA, qui vint expliquer qu’elle n’avait pas les mêmes droits que les autres citoyens, après avoir raconté que l’église catholique avait fait des difficultés pour baptiser « sa » fille.

De l’identité de ceux qui, aujourd’hui, tabassent dans la rue des homosexuels, voire les capturent pour les torturer, il ne fut pas question. Le cas d’Ihsane Jarfi, dont le père était présent, ne fit l’objet d’aucun éclaircissement. Pourtant, lorsque deux homosexuels furent tabassés dans le XIXe arrondissement lors de la période des manifestations, il ne fallut pas bien longtemps pour se rendre compte que les agresseurs, comme d’habitude, étaient des racailles issues de l’immigration, milieu culturel dans lequel, entre islam et société païenne archaïque, la haine des homosexuels n’a strictement rien à voir avec « la parole décomplexée » des militants de la Manif Pour Tous. La réalité, c’est qu’aucun lien logique n’a pu être établi entre les prises de position politiques des uns et les ratonnades des autres, et l’on sait bien que les populations issues d’Afrique qui peuplent nos cités n’ont pas attendu l’Église catholique pour haïr les homosexuels. D’ailleurs, Joël Deumier eut la faiblesse, entre deux logorrhées de petit procureur politique, de reconnaître que les chiffres des actes de violence physique, eux, sont stables depuis bien des années, et que la prétendue « hausse des actes homophobes » ne tient qu’à l’inclusion des « paroles homophobes » dans l’équation. Or, à voir le plateau et les micro-documentaires diffusés lors de l’émission, il est évident que, dans ces calculs militants, sont considérées comme « paroles homophobes » toutes les déclarations des opposants aux prétendues avancées sociales concernant les prétendus droits des couples homosexuels (on se souviendra que si le droit reconnaît l’existence d’individus, les droits des « couples » sont encore un concept à éclaircir). On conclura en rappelant que ce furent, lors des manifestations, les médias qui, instrumentalisant leurs reportages en donnant toujours la parole aux plus originaux des protestataires, et en déformant les paroles des autres, transformèrent ce qui n’était qu’un débat d’idée en « défilés de la haine » et autres appellations qui fleurent bon la censure de la pensée.

Il suffit de voir, sur twitter, les qualificatifs jetés à la tête des uns et des autres dès que quelqu’un osait ne pas chanter les louanges du programme de la soirée, pour se rendre compte du chemin qu’ont fait ces réflexes de musellement de la pensée contradictoire. Du reste, qualifiée de « soirée-débat » de tous les côtés par des utilisateurs de twitter extatiques, la soirée n’eut rien d’un débat. Puisque le propos ne tarda pas à verser dans des considérations politiques, il aurait fallu, pour avoir une contradiction, inviter des intervenants opposés au mariage entre homosexuels ; mais comme le programme se présentait comme une « soirée-débat sur l’homophobie », qui aurait-on pu inviter, en bonne conscience, qui pût débattre en faveur de l’homophobie ? C’est là tout l’art des services de propagande de l’État, qui, prétendant débattre de quelque chose de consensuel, instrumentalisent ces questions au service d’un discours politisé loin de faire l’unanimité, tout en se donnant des airs démocratiques. Car, il faut bien le dire, il y avait une question réelle, évoquée notamment par le film, qui fut évacuée à toute vitesse. Elle aurait, quant à elle, mérité des développements bien plus longs car il s’agit d’une question touchant à l’intime. Une fois réglée la question des lynchages homophobes, il reste, en effet, celle du refus, au sein des familles, d’accepter qu’un enfant soit homosexuel. À cela s’ajoutait aussi l’homophobie en milieu scolaire, et la question délicate de l’attitude à adopter pour les encadrants.

Commençons par dire que les « thérapies », venues des milieux évangélistes américains, participent d’une réaction violente, de la part des familles, vouée à l’échec. De même, d’ailleurs, souvent, en milieu scolaire. Les faits sont là : plus les jeunes tentés par l’homosexualité sont brusqués et rejetés par leurs milieux, plus on court le risque, en les éloignant, de les laisser verser carrément dans un mode de vie qu’on ne peut pas leur souhaiter. La société actuelle est ainsi faite qu’il y aura toujours, pour un jeune qui se sent persécuté par ses proches, un moyen de s’échapper et de vivre une vie en conformité avec ses pulsions, auprès d’associations telles que Le Refuge, notamment. Il faut donc une grande prudence dans le traitement du problème : se contenter de dire qu’il faut, à travers les discours familiaux, instiller la honte de ces actes pour mieux en détourner ceux qui en seraient tentés, est une grave erreur. De même au sein des écoles. Il est évident que, par sa tendance à établir une norme, le milieu scolaire joue un rôle important dans la stigmatisation des comportements homosexuels, et que cette stigmatisation peut porter de bons fruits en manifestant cette norme aux yeux de ceux qui seraient tentés par des comportements marginaux. Mais lorsque la stigmatisation des comportements se transforme en stigmatisation des personnes, on court à nouveau le risque de radicaliser les jeunes touchés par ce phénomène dans leurs attitudes ; il n’y a, par la suite, que peu de moyens de sortir de cette situation.

Naturellement, il n’est donc pas question d’encourager les encadrants scolaires à faire la promotion de l’homosexualité comme si elle était normale. Rappelons rapidement qu’il est tout à fait salutaire, et même naturel, pour une société, de se protéger des comportements qui lui portent atteinte (ici, de manière purement démographique), et que l’établissement d’une norme n’a rien de fasciste. Les interventions devant des classes, orchestrées par des associations militantes, dans lesquelles l’homosexualité est présentée comme parfaitement indifférente de l’union entre un homme et une femme, sont absolument néfastes, et propres à encourager, à l’âge adolescent, qui comporte déjà son lot de questionnements hasardeux et de comportements risqués, des expériences que l’on pourra regretter toute sa vie, voire l’entrée dans un mode de vie présenté comme épanouissant, mais qui se révèle toujours destructeur par la suite. De même, il va de soi que les parents ne peuvent pas non plus, de crainte de s’aliéner leurs enfants lorsque ceux-ci présentent les signes de comportements homosexuels, leur expliquer avant toute chose que les choix qu’ils feront seront de toute façon les bons, et qu’ils les soutiendront avec ferveur quoi qu’il en soit. Dans une perspective chrétienne, on ne peut pas dire à son enfant que « son bonheur passe avant tout », comme on l’entend très souvent dans ce genre de situations.

C’est de là que découle, d’ailleurs, le fait que certains chefs d’établissements, qui sont comptables envers les parents d’élèves, aient des réticences à faire intervenir ces associations militantes (un fait que la présentation de Julian Bugier a artificiellement gonflé, alors que l’intervenante qui devait en parler n’a pas du tout établi que cela représentait un problème massif : la réalité, c’est que les personnels de l’éducation nationale – ce n’est pas le cas dans les établissements privés – sont en général plus qu’acquis à ces démarches, et cela même souvent au mépris des exigences éducatives des parents parfois considérées comme des influences néfastes sur leurs enfants…). La loi passée en Russie, qui interdisait ce genre d’intervention, et qui avait bien sûr déchaîné les passions en France, tient à cet égard du pur bon sens. Il importe, encore une fois, de protéger les enfants de ces discours potentiellement néfastes pour leur développement personnel. [1] Ne nous en cachons pas : dans une perspective chrétienne, et même en général, la ligne de crête sur laquelle doit marcher un encadrement éducatif pour ne pas tomber dans l’un des écueils énoncés plus haut est particulièrement étroite.

Il faut d’abord avoir en tête que la maltraitance contre les homosexuels, quoi qu’elle en soit certainement le phénomène le plus saillant, appartient au domaine du harcèlement scolaire. Lorsqu’une jeune fille est harcelée à cause d’une photo révélatrice postée sur les réseaux sociaux, pour protéger l’individu en butte aux brimades, les éducateurs n’en vont pas néanmoins jusqu’à faire l’apologie de la nudité ou bien du dévergondage sexuel, d’autant plus que ces comportements continuent de se manifester de plus en plus tôt chez les élèves, notamment au collège. C’est, en réalité, toute l’approche purement mécanique et sans pudeur qui fait actuellement loi qui est à revoir. La première chose qu’il est bon d’instaurer, au sein des établissements, c’est tout simplement le bannissement des comportements amoureux. Quelles que soient les attirances des uns et des autres, il est bon de rappeler que l’école n’est pas le lieu de l’épanouissement personnel de l’enfant (encore que ce soit, bien sûr, l’orientation que lui fait prendre la gouvernance soixante-huitarde, et de là découlent nombre de nos problèmes actuels), mais celui de l’apprentissage, et que l’opportunité donnée aux uns et aux autres de transformer le collège et le lycée en réseau de rencontre est le meilleur moyen de perdre toute efficacité dans le travail scolaire, et d’installer une ambiance délétère entre tous.

Dans ce domaine comme dans bien d’autres, c’est dans le secret que doivent se régler les problèmes. Tout d’abord, au sein d’une famille, nous nous contenterons de dire que c’est aux parents, et au père spirituel, de faire en sorte, en respectant la liberté de l’enfant, que celui-ci comprenne ce qu’il gagne à ne pas se laisser aller à ses passions. En outre, faire, comme c’est le cas dans le film, toute une affiche de la question de la maltraitance d’un homosexuel au sein de l’établissement est la pire des choses, notamment parce que le soutien du personnel enseignant est rarement un avantage pour une victime de harcèlement. Au contraire, lorsqu’un problème se fait jour (et il y en aura d’autant moins, répétons-le, qu’on aura banni les comportements de petits couples de l’enceinte scolaire), c’est en convoquant discrètement les personnes concernées que doit être traitée la question. À cet âge, l’être humain n’est pas prêt à mettre une vraie distance entre sa vie intime et ce qu’il en affiche autour de lui. S’ils voient bien qu’il n’y a pas de différence de traitement entre eux et les autres élèves, et qu’il est clair à leurs yeux que ce n’est pas l’homosexualité qui est chassée de l’espace scolaire, mais la vie intime, qui n’aurait jamais dû y entrer, les jeunes en proie à ces tentations seront d’autant moins tentés de se réfugier dans une posture de victime qui, on le sait, aggrave la tentation qu’ils ont de s’enfermer dans ce style de vie.

Il va donc de soi que, au-delà des caricatures peu crédibles qu’il y a dans le film Baisers Cachés (la famille moderne mais ultra coincée, complètement incapable de traiter le problème de l’homosexualité avec la moindre sérénité) et des carences filmiques (dialogues d’une platitude totale, jeu parfois très mauvais), le vrai problème tient à une chose : tout d’abord, il est révoltant de mettre en scène une amourette entre jeunes de seize ans (les deux personnages sont en classe de Seconde) dans les termes qu’utilisent souvent les adultes (comment ne pas voir que faire se répéter « je t’aime » ou « je l’aime » tout au long du film aux uns et aux autres pose un grave problème, à une époque où il faudrait justement relativiser la puissance des passions et des sentiments pour appeler à des comportements plus prudents et raisonnables ?). Il y a quelque chose de très malsain à voir des jeunes tout juste sortis de l’adolescence se comporter comme des adultes dans ce qu’il y a de plus intime. Adressé potentiellement à des jeunes du même âge, ce film peut avoir des effets dévastateurs sur le public, dans le sens où, au travers d’une mise en scène léchée, et du choix minutieux des acteurs en fonction de leur physique, il s’apparente aussi (il n’était que de voir les photos utilisées en promotion du film avant son passage, notamment sur le compte twitter associé, toutes axées sur le contact physique entre les deux garçons) à une opération de promotion de l’homosexualité.

La question de l’homophobie vécue par les mineurs ou les jeunes adultes est plutôt bien exposée dans ce film. Elle est un problème réel, car elle fait violence à des personnes humaines, qui ne savent pas forcément faire la différence entre attirance personnelle et mode de vie (à cet égard, si l’attirance homoérotique n’est pas choisie, avoir des relations homosexuelles et le mode de vie qui les accompagne souvent, tout cela constitue bien un choix – témoins les personnes qui, pour une raison ou une autre, refusent de vivre en fonction de leurs pulsions homosexuelles). Mais ce problème, dans le film comme dans la soirée politisée qui l’a suivi, n’est pas réellement traité. Tout n’est vu, au mieux, que sous un jour émotionnel assez peu constructif, au pire dans une perspective de racolage politicien, qui, au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, n’augure rien de bon quant à l’utilisation du service public de télévision par le pouvoir. En dehors de quelques homosexuels parisiens, il y a peu de chances que ceux qui vivent ces problèmes au quotidien trouvent des réponses vraiment efficaces à leurs souffrances.


[1Ajoutons, au sujet de la Russie, que les propos, en fin d’émission, sur la répression en cours en Tchétchénie contre les homosexuels, furent révélateurs au-delà de tout espoir du ton politicien de la soirée. Alors que ce qui guide les Tchétchènes dans les comportements barbares qu’ils adoptent en ce moment, c’est bien évidemment leur religion, l’islam, et le rejet de l’Occident qui la sous-tend dans ses orientations géopolitiques actuelles, la seule dénonciation que Deumier, décidément en forme, crut bon de formuler, fut dirigée contre Poutine, « probablement complice » de ces exactions…

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