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Alors qu’en France, la gauche sociétale paye le prix de son entêtement au sujet du mariage gay l’an dernier, le même constat se profile pour le Parti conservateur, qui l’a légalisé au même moment.
A noter qu’au Royaume-Uni, les premiers mariages gays du week-end dernier se sont tenus un an après le vote du Parlement britannique, le temps de mettre méticuleusement à jour les textes juridiques. Cette dénaturation du mariage ne concerne que l’Angleterre et le Pays de Galles : l’Écosse a voté sa propre loi, et l’Irlande du Nord semble partie pour la refuser encore longtemps.
Le mariage gay au Royaume-Uni vient s’ajouter à une union civile équivalente au mariage sur les plans fiscal et symbolique, le Partenariat civil. L’adoption, la PMA et la GPA (depuis les années 1980) existent déjà. Enfin, nuance de taille, l’Église d’État anglicane, dont le clergé est agent d’état civil, est interdite de célébrer les mariages gays.
Officiellement contre le mariage gay, l’Église anglicane compte un certain nombre d’évêques, de prêtres et de fidèles qui y sont favorables. Pour éviter un schisme interne, l’archevêque de Canterbury Justin Welby avait obtenu du gouvernement qu’il spécifie une interdiction officielle pour l’Église d’État de marier des couples de même sexe. En échange, il s’engageait à ne pas résister outre mesure au projet de loi, promesse qu’il a tenue. Le primat, plus soucieux de s’occuper de la pauvreté, et qui estime que ce combat perdu d’avance nuit à l’évangélisation, a fini par déclarer que l’Église acceptait la loi, ce que le Guardian, journal de gauche particulièrement malveillant envers le christianisme, s’est empressé de colporter.
Cette position est cependant intenable. La doctrine anglicane est brouillée : le mariage gay est donc officiellement légitime, d’un point de vue civil, mais toujours contraire à l’enseignement de l’Église. Le lobby LGBT au sein de l’Église anglicane va accentuer la pression pour changer sa position, en désobéissant et en célébrant des mariages. De son côté, le gouvernement a toutes les cartes pour, un jour, forcer l’Église d’État à se conformer à la loi.
Cette situation affaiblit profondément en coulisses le Parti conservateur au pouvoir. Son leader David Cameron a porté le mariage gay contre la majorité de ses parlementaires. Si la plupart des Britanniques semblent indifférents à la question, le noyau de l’électorat conservateur, traditionaliste et chrétien, a très mal vécu ce passage en force. Privé de cette base, le Premier ministre est en très mauvaise posture pour les élections générales de 2015.
Le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) voit donc un créneau se dégager pour lui : autrefois cantonné à la dénonciation de l’Union Européenne, ce mouvement tente d’apparaître comme le « vrai » parti conservateur, en s’en prenant à l’immigration et à la criminalité, ce qui rencontre un franc succès.
Avec le mariage gay, le leader de l’UKIP Nigel Farage, anglican non-pratiquant et libéral-libertaire, qui s’abstient à chaque vote important au Parlement européen sur les questions morales ou LGBT, tente de séduire la base du Parti conservateur, en s’y opposant. Cela lui permet de faire le lien avec son argumentaire anti-Europe, en assurant que la Cour européenne des droits de l’homme risque de forcer l’Église anglicane, ainsi que les autres religions, à marier des couples de même sexe.
Farage n’est toutefois pas prêt à batailler pour l’abrogation du mariage gay : ce n’est qu’une posture opportuniste. Il a donc trouvé un compromis pour les élections générales de 2015, pour le moins original pour ce parti très francophobe : il plaide pour une solution « française » ! Ainsi, l’UKIP propose de dissocier une union civile, reconnue par l’État, et le mariage religieux. Ce raisonnement séduit la tendance libérale de nombre d’Anglais, mais inquiète certains conservateurs : dans la pratique, cela conduirait à dissocier l’Église anglicane de l’État, et donc à séparer les deux. Impensable ! « L’UKIP va dés-institutionnaliser l’Église d’État ! » s’alarme le blog religieux conservateur Cranmer, du nom de l’archevêque de Canterbury qui a introduit la Réforme en Grande-Bretagne.
C’est pourtant une issue salutaire pour l’anglicanisme, et pour le christianisme dans son ensemble. L’Église doit être libre de l’État, qui risque de pervertir son message, par une évangélisation officielle contrainte ou un puritanisme civil, ce qui a dégoûté des générations de Scandinaves, de Néerlandais et même de Québécois, ou par des ingérences politiques voulant changer la doctrine chrétienne.
L’Église peut perdre beaucoup au niveau matériel. Mais elle gagne en dignité, et en vertus, que la pauvreté évangélique confèrent.
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