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Nouvelles Causeries japonaises – La volonté générale revisitée

XXX – La volonté générale revisitée

Avril 2014, à Hiyoshi

Dans tous les cas, le peuple qui fonde la “volonté générale” ne se trouve absolument pas dans la dimension horizontale et spatiale matérialisés par le droit de vote contemporain des électeurs. Le peuple qui porte la formation de la volonté générale se trouve dans la synthèse et la compréhension de l’ensemble des volontés des hommes qui forment le peuple japonais depuis qu’il existe. Le peuple doit par conséquent être compris dans sa dimension verticale et temporelle. Il devient ainsi parfaitement clair que la volonté de ce “peuple” passé n’est pas sujet à changement. Cela correspond à la totalité des volontés de nos ancêtres, totalité qui fut transmise depuis un lointain passé jusqu’à nous, contemporains vivants, et que nous portons en nous. Quand on pense à l’histoire de cette façon, on se rend bien compte de l’absurdité des idées se fondant sur une fausse présupposition qui peut se formuler par : “si la volonté générale change”. Toute personne sérieuse qui tente de penser à peu près justement ne peut que rougir de honte à l’idée de déclarer des idioties aussi simplistes [1].

Il est essentiel de rétablir une vérité élémentaire, à savoir que seule la tradition peut nous faire aller vers l’avenir. Un des drames que les Français ont subis face aux illuminés fut de se trouver réduits à réagir devant des folies inimaginables, et parfois confinés à contrer une vague irrésistible. Il était certainement difficile de faire autrement devant tant de violence et de folie… Cela fut néanmoins manipulé par de tristes sire afin de faire accroire aux simples que les idées révulsantes étaient synonymes de « bon », « bien » et « progrès », et que la tradition, la sagesse millénaire, le respect des anciens et du sacré étaient les partisans obligés, en bon boucs émissaires, d’un passéisme rétrograde, mortifère et tueur de liberté [2]. Tout cela est bien entendu de la fumée de prestidigitateur, fumée qui se dissipe heureusement bien vite pour toute personne se penchant un peu sur la question.

La pente à remonter n’en reste pas moins immense, car la tendance à réagir entraîne parfois à nier en bloc ce qui amène au mal, sans s’attarder à rétablir les mensonges et à relever les fautes. Le Japon nous apporte encore une fois un exemple qui consiste à redresser les concepts faussement utilisés par les illuminés, mais qui, en eux-mêmes, ne sont pas forcément mauvais. Le drame en Occident fut d’avoir laissé les fous définir malicieusement tous ces mots qui sont devenus autant de poisons. Il faut donc s’atteler à les redresser car, parfois, il ne suffit pas de les éviter, à cause de la malicieuse impression qu’ils exercent sur les esprits du commun. Ils peuvent au contraire être la source d’un renouvellement et d’une restauration de l’esprit en interrogeant les fausses définitions habituelles et en discutant toutes choses plus en profondeur.

La volonté générale, présentée à la japonaise et résumée dans notre citation d’exergue, est en cela exemplaire et digne d’estime. Jean-Jacques Rousseau et ses suiveurs n’ont rien compris à la volonté générale, en ce sens qu’ils ont ignoré sa dimension verticale et historique. La volonté générale ne consiste pas simplement en cette synthèse des volontés des vivants dans d’hypothétiques représentants, mais dans une synthèse immuable de toutes les volontés du pays dans l’histoire depuis le début des âges, volontés qui s’incarnent en particulier dans le roi [3] : il ne convient pas changer la volonté générale ou de la convaincre, mais de s’y conformer. On peut donc bien évidemment ne pas se conformer à la volonté générale, qui se rapprocherait ainsi de la Tradition, par les votes absurdes d’esprits flottants et d’opinions versatiles qui, par force, peuvent tant faire le mal que le bien. Seule l’observance de la Tradition et des volontés, des bonnes habitudes et du droit chemin préparé par les ancêtres peut permettre de se conformer à la vraie volonté générale. La royauté sacrée incarne ainsi cette volonté générale par le pont qu’elle constitue au-delà des temps et par l’arbre vivant qu’elle tend entre le Ciel et la Terre. La volonté générale est bien transcendante, comme le sont la Tradition et l’Esprit. La volonté générale inamovible ne demande que le génie des hommes pour s’y conformer et la dévoiler, ce qui ne peut se faire que par l’étude, l’humilité, la foi et l’amour des hommes et du passé. Tout cela n’a rien à voir avec une illusoire démocratie totalitaire obligeant tout le monde – au nom d’une folie conceptuelle mal définie : la « volonté générale » – de commettre les pires atrocités.

Si, déjà, on entendait par « peuple » « tous les Français », depuis la nuit des temps, en comprenant leur lien continu avec le sacré, bien des discours empoisonnés commenceraient à se redresser. Il ne faut pas avoir peur de couper le mal à sa racine et de restaurer le sens des mots. Respecter la volonté générale, c’est respecter la sagesse de la Tradition d’un peuple plusieurs fois millénaire. Et la jonction réelle de cette Tradition ne se trouve nulle part ailleurs que dans la personne du roi sacré.

— Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France

[1Keiichirô KOBORI, La voie de la défense du banseiikkei (万世一系を守る道), Tôkyô, Kairyûsha, 2012, p. 139.

[2Ou de « Liberté » ?

[3Comment ne pas voir ici une extraordinaire analogie entre cette pensée japonaise et la doctrine du vicomte de Bonald ?

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