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Nazisme et catholicisme : faux complices, vrais adversaires !

La partialité que suscitent certains sujets est parfois hautement prévisible. La facilité avec laquelle le point Godwin s’impose comme le seul horizon argumentatif de notre société prouve magistralement que la passion qu’ils soulèvent s’accompagne d’une certaine perte en lucidité. Dans une Europe d’après-guerre dominée par l’intellectualisme gauchiste, tous les moyens paraissent bon pour décrédibiliser les obstacles au prétendu progrès. Ce sont bien évidemment les mêmes idées qui sont jetées en pâture au tribunal de la pensée unique. Ce sont les mêmes personnes que l’on cloue au pilori, victimes de cette spirale médiatique qui ne connaît le repos qu’une fois la place remplie de cadavres. Un media comme le Petit Journal sera toujours prompt à moquer l’homme blanc, catholique et hétérosexuel. J’attends pour ma part le jour où il s’attaquera au CRIF ou aux musulmans. Mais cette lâcheté dialectique qui émane d’incultes notoires est moins redoutable que toute une historiographie qui martyrise son sujet à coups d’idéologie mensongère.

Parmi les mythes de l’antifascisme, celui de la complicité directe du catholicisme, via ses représentants, le pape en premier lieu, avec le nazisme. Elle puiserait sa source dans la prétendue foi chrétienne d’Hitler. Son éducation fut certes catholique. Mais du christianisme, « religion de juifs », il ne retenait que ce qui servait à appuyer sa vision païenne ; une forme d’agnosticisme conjuguant providentialisme et loi naturelle. La seule transcendance qui existait dans son esprit était celle de la race. Si Hitler avait de la considération pour le Christ, il n’a jamais reçu de Lui qu’un seul enseignement, celui du sort qu’Il fait subir aux marchands du temple – et sûrement pas ceux qui concernent l’amour du prochain. Il pensait y voir la critique du mercantilisme, la dénonciation des biens mal-acquis, paradigmes ultimes du gripsou. Le message découlant du comportement du Christ est pourtant aux antipodes de cette appréhension essentialiste et anachronique.

Quant à l’Église, elle dénonce certes les juifs pour n’avoir pas voulu suivre le Christ mais n’a jamais prôné leur extermination. Le discours était théologique et non racialiste. Le Vatican et les docteurs de l’Église ont d’ailleurs souvent pris la défense de ces derniers, parfois envers et contre les ordres des princes. A leur sujet, Bernard de Clairvaux disait qu’ils étaient « la chair et les os  » du Seigneur ; rappelant ainsi, à l’instar de Saint Paul, que Jésus constituait l’aboutissement de l’histoire juive. S’en prendre aux juifs conduisait donc à atteindre le Christ, qui intégrait dans sa personne l’héritage de l’ancienne alliance. Chose à laquelle Hitler répugnait.

Dans l’ensemble, il percevait cette religion comme le fossoyeur de la grandeur antique, car le christianisme était d’abord judéo avant d’être chrétien, « un bolchevisme sous un masque métaphysique ». Il embrassait à ses yeux les contours de l’obscurantisme le plus vil ; un crime culturel qui avait émasculé l’Occident. A cet égard, il renchérit : « Le christianisme est la chose la plus stupide qu’un cerveau délirant ait pu produire, une honte pour la divinité. Un nègre avec son fétiche est incomparablement plus évolué que celui qui croit sérieusement au miracle de la transsubstantiation.  »

On objectera : que faites-vous de ses soldats allemands aux ceintures inscrites du « Gott mit uns » ? Avant d’établir des agencements simplistes entre foi religieuse et dévotion nazie, plusieurs choses sont à prendre en compte : il n’a pas fallu attendre la Seconde Guerre mondiale pour voir les soldats allemands arborer ce genre de devises. Cet effet de mode peut également être observable durant la Grande Guerre. Du côté français, les fanions ornés du Sacré-Cœur composaient régulièrement avec les autres symboles de la République parmi les poilus, jusqu’à leur interdiction... Ces personnes étaient très croyantes, mues par une foi indépendante de toute allégeance politique, fût-t-elle à l’égard d’un régime condamné par l’Histoire. S’appuyer sur la contradiction humaine, et un jeu de coïncidences malveillantes, pour dénoncer la religion constitue aussi bien un signe de lâcheté qu’une hypocrisie. Dans les deux cas, l’intelligence n’en sort pas grandie.

Mais parce qu’Hitler pouvait montrer de la complaisance envers les catholiques, il faudrait voir en eux ses complices objectifs ? Certainement pas. Si certains prélats ont pu juger positivement le nouveau régime à ses débuts, il s’agissait surtout de faire barrage au communisme, perçu comme « intrinsèquement mauvais ». Ce faisant, l’Église n’était pour les nazis qu’un moyen de peser sur la société. Ils n’eurent ainsi aucun scrupule à déporter les prêtres solidaires des juifs. Et complaisance ne signifie pas toujours connivence, encore moins adhésion. C’est une question de degré et non de projection abstraite. Ainsi, le matérialisme biologique, les dérives eugénistes et les rituels païens du nazisme ont été largement condamnés par la papauté [1]. Le christianisme promeut une égale dignité devant Dieu. Il s’agit de protéger et donner un sens à la notion de personne. Alors qu’au regard de la religion nazie, ancrée dans une logique d’atomisation, l’individu se doit au contraire d’être sacrifié sur l’autel de la Volksgemeinschaft c’est-à-dire la « Communauté du peuple ». Vie privée et vie publique deviennent les détaillants d’un même grossiste : la masse. Dans un autre registre, le fantasme aryen n’était ni plus ni moins qu’une négation du véritable homme ; créature pécheresse mais douée de raison, qui n’avait pas vocation à une perfection physique uniforme. Les nurseries SS, par exemple, ont poussé dans une dimension diabolique ce qui révulse le chrétien : la substitution à Dieu par la manipulation des lois de la nature.

Sa Sainteté le Pape Pie XII

Malgré de faibles moyens, les instances ecclésiastiques ont rapidement réagi. En Allemagne, les entreprises de stérilisation ou d’enfermement forcé des handicapés ont été immédiatement dénoncées par les évêques. En Italie, quoi qu’en dise la reductio ad Hitlerum tenace à laquelle on soumet injustement Pie XII – notamment à cause des intellectuels et historiens communistes –, ce sont près de 8 000 juifs qui ont été sauvés ; et 4 500 rien qu’à Rome. Le grand rabbin de la Ville éternelle en personne, à jamais marqué par le courage de ce dernier, se fit baptiser et prit le nom d’Eugène, prénom originel du pape - né Eugenio Pacelli. Mais si le nazisme ne fut que « timidement dénoncé » durant la guerre, on peut donner au moins une raison compréhensible ; à savoir que l’armée allemande était omniprésente en Europe et risquait d’user de représailles envers les catholiques. Lorsque les évêques hollandais décidèrent de faire connaître le sort des juifs dans les camps de la mort à l’échelle de l’Europe, les nazis réagirent en exécutant, dans les jours qui suivirent, près de 70 000 d’entre eux. Preuve que le Vatican se trouvait dans une situation critique qui empêchait une action généralisée. Il est également plutôt maladroit d’assimiler Pie XII à un pape nazi quand on sait que la presse nazie considérait le cardinal Pacelli comme « l’ami des juifs ». Une certaine mentalité « antifa » vous poussera pourtant à lire – selon des préceptes idéologiques bien huilés – n’importe quel phénomène comme une totalité, excluant ainsi toute demi-mesure dans le traitement des informations et l’analyse des événements. La demi-mesure (autrement dit la nuance) vaudra cependant toujours mieux que la mauvaise foi. Et si le mensonge passe, la vérité reste.

Quentin du Plessis
R&N Alsace

[1Lire l’encyclique « Mitt brennender Sorge » de Pie XI (1937)

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