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Michéa à l’index

6 mars 2012 Ambrogio Riva

Le site Nouvelles de France, qui se définit lui-même comme libéral-conservateur, a publié un article d’un certain Jean Vérité intitulé : " Pour que vive la France : un livre néo-marxiste" [1]. Au delà du titre un brin provocateur, la question de la compatibilité du vote en faveur de Mme Le Pen pour un français de droite, et a fortiori catholique, mérite bien évidemment d’être posée. Et la réponse n’est pas évidente. Quant aux autres candidats, la question ne se pose même pas, l’incompatibilité étant par trop flagrante.

Cependant, et c’est le prétexte de ce bref propos, ledit article, au lieu de se contenter d’une analyse calme et sereine du livre-programme de la candidate du Front National, ce qu’il fait en partie, sacrifie ensuite à l’air du temps et envoie un florilège d’anathémes. Nous n’en ferons pas l’inventaire qui pourrait s’avérer fastidieux. Nous nous contenterons de faire part de la désagréable impression que nous laisse le déroulement des arbres généalogiques d’un certain nombre d’auteurs, soupçonnés de n’être pas dignes d’être cités par quelqu’un qui se dirait de droite. Ainsi, l’on serait communiste de père en fils et pour dix générations, sans rémission possible. Il est vrai que la Corée du Nord fournit un bel exemple de communisme dynastique mais l’idéologie du Juché, de par la place capitale qu’elle accorde à la race, ne serait-elle pas tout aussi proche du national-socialisme que du marxisme-léninisme ?

Selon l’auteur, le camarade Michéa, qui a le tort d’avoir un père communiste, ne serait pas fréquentable. Nous espérons que le sieur Vérité sera aussi précis à l’avenir quant aux origines de bon nombre de néo-conservateurs américains. Jean-Claude Michéa, non content d’être frappé d’infamie pour avoir un père communiste, serait de gauche. Oui de gauche, vous avez bien lu. Au motif qu’il n’est pas de droite. Qui a lu certains de ses ouvrages, et notamment L’empire du moindre mal [2], ne peut bien sûr pas se contenter d’une telle affirmation.

Le partage du corps social en deux entités aussi floues et imprécises qu’irréconciliables - la gauche et la droite - est malheureusement une conséquence inévitable de la démocratie. Cette summa divisio ne fait que s’accentuer en période électorale. Elle épargne bien des efforts intellectuels. Comme le faisait remarquer Paysan Breton il y a peu, « Qu’il soit anathème » est bien l’expression favorite de notre vie politique. Il est donc inutile de lire les ouvrages de Jean-Claude Michéa puisque celui-ci est un auteur « de gauche ». Visiblement, le chroniqueur de Nouvelles de France a appliqué à la lettre cette interdiction puisqu’il semble n’avoir lu aucune ligne du dangereux communiste qu’est Michéa. Et c’est bien dommage ! Car la pensée de Michéa n’est pas inintéressante et mériterait bien plus qu’un anathème. Elle est en tous cas bien complexe pour quiconque se contente de qualifier les méchants de gauche et les gentils de droite. Ou l’inverse (et la Corée du Nord d’ailleurs, est-elle de droite ou de gauche ?) Car Michéa, s’il se revendique bien comme un homme de gauche, n’a pas une pensée marxiste-léniniste. S’il fallait le qualifier, il serait plutôt de la tradition française de l’anarcho-syndicalisme proudhonien. Michéa rejette fermement l’esprit des Lumières. Selon lui, socialisme et libéralisme ne sont que les deux têtes d’une même hydre matérialiste. Il défend une vision transcendantale de l’homme et une conception organique de la société. Sur ces questions, il s’avère être très proche des auteurs réactionnaires catholiques. Le professeur Salazar, qui a gouverné d’une main de maître (catholique) le Portugal pendant une bonne trentaine d’années, développait des thèses similaires [3].
Si être de droite, c’est défendre la Liberté et non les libertés, si être de droite c’est oublier le principe de destination universelle des biens et transformer le droit de propriété en veau d’or à adorer, si être de droite c’est promouvoir les monopoles privés qui s’organisent en cartel pour fausser le marché, si être de droite c’est être à la solde de la haute finance mondialiste et apatride, alors certes la lecture de Jean-Claude Michéa n’est vraiment pas conseillée. Mais dans le cas contraire, nous vous invitons à braver les anathèmes et lire cet auteur contemporain qui ne manquera pas d’intéresser tout homme de bonne volonté.


[2Jean-Claude Michéa L’Empire du moindre mal - Essai sur la civilisation libérale (Ed Climats)

[3Jacques Ploncard d’Assac Salazar (Ed Dominique Martin Morin)

6 mars 2012 Ambrogio Riva

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