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S’il faut se garder d’un optimisme béat, il convient aussi de ne pas noircir le tableau. La décision du Conseil constitutionnel rendue le 17 mai 2013 comporte certains aspects positifs qu’il est nécessaire de mettre en lumière afin d’appuyer nos actions au bon endroit.
II. Les bonnes nouvelles, entre blocage partiel et ménagement du futur
Au préalable, et contrairement à ce qui a pu être dit, il faut noter que le Conseil constitutionnel ne s’est prononcé ni sur la gestation pour autrui (GPA) ni sur la procréation médicalement assistée (PMA). Il considère seulement, d’une part, que la loi dont il est question ne remet pas en cause la prohibition des mères porteuses [1] et, d’autre part, que la PMA est, pour l’instant, réservée aux couples hétérosexuels présentant une infertilité pathologique [2]. De la même manière, le Conseil constitutionnel ne prohibe pas un droit à l’enfant, mais se borne à considérer que la loi en cause n’a ni pour objet ni pour effet de le créer [3]. Le Conseil constitutionnel n’a ni validé ni invalidé ces pratiques, mais s’est contenté de dire qu’elles n’étaient pas entérinées par cette loi, ce qui, dans l’absolu, est vrai. Au demeurant, cela signifie qu’il faudra une loi pour autoriser la GPA et une autre loi pour élargir le cercle restreint des bénéficiaires de la PMA, ce qui est une première bonne nouvelle.
Si le Conseil constitutionnel réfute la création par la loi en cause d’un droit à l’enfant, c’est parce que les adoptants seront toujours soumis aux mêmes règles, conditions et contrôles en matière de filiation adoptive, que ces couples soient formés d’un homme et d’une femme, de deux hommes, ou de deux femmes. La procédure d’agrément visant à protéger l’intérêt de l’enfant reste applicable à tous. Comme le dit le Conseil constitutionnel, « les couples de personnes de même sexe qui désirent adopter un enfant seront soumis, comme ceux qui sont formés d’un homme et d’une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à accueillir un enfant en vue de son adoption ».
Néanmoins, cette procédure d’agrément présentait l’inconvénient de ne pas expliciter ses finalités. Tel est le sens de la fameuse réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel : préciser la finalité de la procédure d’agrément, à savoir protéger l’intérêt de l’enfant.
Que dit exactement le Conseil constitutionnel ? « Les dispositions relatives à l’agrément du ou des adoptants, qu’ils soient de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit délivré sans que l’autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l’exigence de conformité de l’adoption à l’intérêt de l’enfant qu’implique le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 » [4]. Le Conseil constitutionnel n’affirme pas seulement que l’adoption doit être conforme à l’intérêt de l’enfant. Il considère que l’exigence de conformité de l’adoption à l’intérêt de l’enfant est impliquée par le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 [5], signifiant par là que cette exigence a une valeur constitutionnelle.
Par sa réserve d’interprétation [6] , le Conseil constitutionnel inscrit donc l’exigence de conformité de l’adoption à l’intérêt de l’enfant dans le bloc de constitutionnalité.
Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Quand bien même nous trouvons ce principe absurde, tant certains domaines sont hors de la compétence du législateur, la très regrettable immanence du système juridique français peut se retourner contre la loi Taubira. Il restait un doute, celui de savoir si une telle abrogation nécessiterait une loi, ou la révision de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel précise la portée qu’il donne au principe d’égalité. En vertu d’une jurisprudence constante, il était déjà un lieu commun de dire que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Par un raisonnement a contrario les requérants affirmaient que le principe d’égalité imposait de traiter différemment des situations différentes. Le Conseil constitutionnel refuse cet argument [7]. Le principe d’égalité reste différent du principe de justice.
Il reste néanmoins que le Conseil constitutionnel confirme que c’est au législateur d’apprécier les différences de situation justifiant une différence de traitement. Il a par ailleurs déjà considéré à plusieurs reprises qu’« en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille » [8]. Il a tenu le même raisonnement envers la législation relative à l’adoption, restreignant celle-ci aux couples mariés [9].
Il n’y a donc aucun obstacle constitutionnel à une abrogation de la loi Taubira. Du point de vue du Conseil constitutionnel, il ne s’agira que de la variation d’une appréciation relevant de la compétence du Parlement. Il a déjà été dit dans cette gazette qu’il existait deux options : l’abrogation ou la déclaration de nullité [10]. L’abrogation reconnaîtrait les mariages passés entre la loi Taubira. La déclaration de nullité affirmeraient comme nuls et non avenus tous les mariages célébrés entre deux personnes de même sexe.
La deuxième solution est à nos yeux la plus cohérente. Les mariages célébrés entre deux personnes de même sexe ne le sont et ne le seront qu’à la suite d’un abus de pouvoir du parlement français. Il n’est pas plus en son pouvoir de dire que le soleil est vert à pois rouges que de dire que le mariage peut être l’union de deux personnes de même sexe. Néanmoins, cette déclaration d’inexistence de mariages présente le problème de l’instauration d’une insécurité juridique, relative aux statuts des enfants qui auraient été adopté dans le laps de temps. Nous restons convaincu qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par un homme et une femme. Il ne paraît cependant pas non plus dans l’intérêt de l’enfant d’être arraché d’un cadre familial au seul motif qu’il s’agit d’un cadre familial dit « homoparental ». Il faudra donc envisager un cadre juridique permettant de protéger la stabilité de la cellule, dans l’intérêt de l’enfant, tout en évitant la multiplication des situations où l’enfant serait privé d’un père ou d’une mère.
Il ne s’agit pas d’une union civile. Il s’agit de prendre en compte, la réalité des cellules familiales dites « homoparentales » afin de protéger le plus faible, l’enfant membre de cette cellule. Il s’agit d’une étape intermédiaire avant la réhabilitation d’un modèle familial qui devra être plus solide.
Décision du Conseil constitutionnel
Commentaire officiel de la décision du Conseil constitutionnel
[1] figurant à l’article 16-7 du Code Civil
[2] Considérant 44
[3] Considérant 52
[4] Considérant 53
[5] « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »
[6] Une réserve d’interprétation consiste, dans une décision du Conseil constitutionnel, à donner aux dispositions de la loi contestée une interprétation rendant ces dispositions conforme à la Constitution, afin d’éviter une censure de la loi. Les dispositions ne sont alors légales que sous réserve du respect de l’interprétation donnée, par le Conseil. Cette interprétation lie donc le législateur et le juge ordinaire.
[7] Considérant 15
[8] Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre (Interdiction du mariage entre personnes de même sexe)
[9] Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. (Adoption au sein d’un couple non marié), cons. 9.
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