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Le 9 mars dernier, Marine le Pen participait à une émission de télé poubelle, fréquentée par tous les candidats se serrant pour se faire moquer par l’idole des jeunes, Yann Barthès, l’impertinent de carnaval Made in Canal+. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Michel Denisot décida de pimenter la soirée en faisant venir un représentant « du monde de l’art et du spectacle », expression qu’il n’a certes pas utilisé, mais qui sied pleinement à l’intervenant dont il était question, attendu que cette formule s’applique d’abord et avant tout aux artistes dénués de culture. André Manoukian, maître incontesté de la musique d’ascenseur, pilier de bar à la Nouvelle Star de M6 [1], fut donc jeté face à Mme le Pen.
Décidé à faire rendre gorge à l’infâme, il commença par lui asséner une phrase qui me mit hors de moi, non pas parce que je soutiens Marine le Pen, ce que je ne saurais faire, mais parce que se servir du chant grégorien à des fins politiques me donne des accès de rage qui ne seraient réédités que si les français avaient la bêtise d’élire François Hollande le 6 mai prochain. Déjà, j’étais dans de très mauvaises dispositions… Mais notre « musicologue », terme utilisé pour qualifier des musiciens ratés, en langage politiquement correct, [2], trouva bon de dire ceci :
« Mais madame le Pen, la musique, c’est une histoire de métissage. Vous êtes catholique, je crois. Savez-vous que le chant grégorien vient du chant mozarabe. C’est-à-dire que nos moines ont fondé tous les chants qu’on entend sur des chants arabes. On apprend ça en première année de musicologie ».
Alors, deux réflexions naquirent dans mon occiput bouillonnant à cet instant précis d’une rage toute mérovingienne. La première fut celle de Madame le Pen : Que diantre une question pareille peut bien faire là ? La deuxième : Que peut-on bien apprendre en musicologie de nos jours… Je pense que les musicologues devraient commencer par revenir à la musique, pour changer, ça leur éviterait de gratifier nos oreilles de sornettes et de sons aussi mélodieux que le crissement produit par la levée de la benne d’un camion poubelle.
Cher M. Manoukian… Commençons par parler de ce qu’est le chant grégorien. L’adjectif grégorien vient du nom du pape Grégoire le Grand, mort en 604… Rassemblons nos faibles facultés mentales : soit les arabes avaient inventé la machine à remonter dans le temps, ce qui est possible, puisque l’on nous rabâche de plus en plus qu’ils auraient tout inventé, soit M. Manoukian est un ignare, ce qui est plus probable.
Alors il est certain que le chant éternel de l’Église ne se développa pas par décret. Il commença avant Grégoire le Grand, pour poursuivre son évolution jusqu’à ce que les génies des années 1970 décident de nous abreuver de chansonnettes aussi laides que stupides. Héritage direct du vieux chant romain et de chants orientaux, à savoir grecs, le grégorien se développa dans la région de Rome jusqu’au VIIIe siècle, avant de devenir lors de la période carolingienne le chant de l’Empire restauré. Certes, les arabes sont arrivés jusqu’à Poitiers, mais je ne crois pas qu’ils en aient profité pour composer un Credo ou un Asperges me. En somme, le grégorien est un mélange de chant romain et de chants locaux… Bref, c’est une musique d’origine européenne. Elle est comme notre culture : grecque, romaine et chrétienne.
Maintenant, parlons du chant mozarabe, bien que je n’y connaisse pas grand-chose. Le chant mozarabe, chant liturgique des Églises d’Espagne, est une survivance du chant wisigothique, ce peuple ayant régné sur l’Espagne jusqu’à la conquête arabe en 711. Si les Mozarabes ont adopté des coutumes arabes, et ont utilisé l’alphabet arabe, leur musique fut très peu altérée, presque « sanctuarisée »… Et cela, tout musicien honnête vous le dira. S’il y eut des influences, ce qui est possible, on ne peut pas dire que le chant mozarabe lui-même eût des origines arabes, puisqu’il est antérieur à la conquête arabe.
Vous verrez qu’un jour ce gros-jean nous apprendra que Léonard de Vinci était chinois, que le sumotori est d’origine juive ou que la philosophie d’Aristote a été inspirée par Averroès. Puisque le chant grégorien a été inspiré par les arabes, n’ayons pas peur des anachronismes...
Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit. Le « métissage » est permanent dans les arts, et même dans nombre de domaines, y compris sociaux... Le chant grégorien lui-même, mélange de cultures européennes, en est l’expression. Cela n’est absolument pas une honte de le dire. Ce qui m’effraie, c’est que l’on utilise la musique la plus sacrée pour asseoir ses opinions politiques... Et qu’on le fasse qui plus est en assénant des mensonges. La musique ne fait pas de politique, surtout quand on ne sait manifestement pas de quoi on parle. Et ils sont nombreux, les artistes, dans d’autres genres, à s’offrir une bonne conscience par un engagement politique, si possible le plus médiatique possible, cela leur fera de la publicité… Mais l’art, mon Dieu, l’art, devenu mercenaire, se couvre de bubons, provoque au lieu d’émouvoir, heurte au lieu d’apaiser, et sombre au lieu d’élever.
Au vu de l’inculture rampante, la seule prière qui nous reste est la suivante : « De profundis clamavi ad Te, Domine » : Des profondeurs, je crie vers Toi, Seigneur.
[1] Au vu des programmes de la chaîne, vous n’aurez aucun mal à savoir le mot qui se cache derrière le « M »
[2] et ce n’est pas la peine de commenter, je le dis à dessein
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