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S’il est indéniable que le militant catholique est en pointe sur les sujets sociétaux à travers ses luttes contre le PACS, le mariage pour tous, l’avortement, l’euthanasie ou l’eugénisme, il faut constater que sa vigueur combattive s’estompe quelque peu lorsqu’il est question de s’attaquer aux problématiques économiques. En général, ces luttes sont réservées à la gauche politique ou syndicale. Pourtant, tenu de se soucier du bien commun, le catholique a un devoir de s’intéresser à l’économie politique tant elle est centrale dans l’entreprise de domination des peuples. La démocratie de marché a pour moteur le profit et pour objectif la croissance. De son côté, le catholique a pour moteur la prière et pour objectif le ciel. Dans une société catholique, l’économie ne peut être qu’un moyen, jamais une fin. Il est donc évident que le système capitaliste ne vise en aucun cas au bien commun. Par conséquent, le catholique ne doit pas laisser aux gauchistes le monopole de lutte contre le système libéralo-capitaliste. Afin de revenir à la source des désordres économiques actuels, il est nécessaire de revenir sur le pilier du capitalisme : la monnaie. Sans monnaie, point d’échange généralisé et point de profit. C’est dire si la monnaie est au centre du dispositif de domination actuelle.
Contrairement au mythe institué par Aristote et repris par Adam Smith, le crédit, et non le troc, est à l’origine de la monnaie [1]. Les peuples primitifs ont fonctionné longtemps sans monnaie. Les échanges s’opèrent alors grâce à des reconnaissances de dette. La monnaie est apparue lorsque les sociétés se sont développées. Au début, elle sert uniquement à payer les soldats envoyés loin de leur patrie afin qu’ils puissent acheter des biens et se nourrir. En échange, ils sont redevables de l’impôt. Puis, la monnaie se généralise peu à peu. Au Moyen-Âge, la monnaie se fait plus rare. C’est à ce moment qu’apparaît le troc afin de pallier au manque de monnaie. Puis l’économie se remonétarise à cause des exigences guerrières impliquant le recours onéreux à des mercenaires. A cette époque, le roi n’a pas le pouvoir de créer de la monnaie mais il est le seul à pouvoir l’authentifier. Au Moyen-Âge et sous l’Ancien Régime, la dette publique ne constitue pas une fatalité. Quand elle atteint des sommets, elle est purement et simplement annulée par le roi et si les créanciers sont récalcitrants, ces derniers sont mis aux arrêts [2]. Ainsi, le peuple n’est dans un tel cas jamais mis à contribution. Durant des siècles, l’économie a reposé sur une monnaie métallique. Ses besoins étant faibles, la faiblesse de la production d’or ou d’argent suffisait.
Au XVIIIe siècle, le système n’a plus la capacité de pourvoir aux exigences du développement de l’économie. Dans sa guerre contre Louis XIV, Guillaume III a besoin de financement. La banque Paterson propose alors la création d’une banque centrale chargée de couvrir les nombreuses dépenses royales. L’idée est d’une simplicité enfantine : la banque fournit au souverain 1,2 millions de livres avec un taux d’intérêt à 8 % auquel il faut rajouter une commission de gestion annuelle [3]. Ce dernier doit payer chaque année les intérêts sans être tenu de rembourser le capital de départ. Naturellement avec un tel taux d’intérêt, le déficit augmente. Le dilemme est donc le suivant : soit le capital est remboursé et la monnaie mise en circulation est supprimée ou soit la monnaie continue à être émise et le déficit s’accroît. Au vu de la situation actuelle, le choix s’est reporté sur la seconde option ce qui aboutira probablement à ce que la dette, devenant tellement gigantesque, ne soit jamais remboursée.
La famille Rothschild a largement participé au changement de paradigme monétaire. Tout commence avec Mayer Amschel Bauer qui naît en 1744 dans le ghetto juif de Francfort. Son père orfèvre mobile et prêteur sur gage l’initie à la finance. Puis, il devient apprenti du banquier Jakob Wolf Oppenheim et accède rapidement au poste d’associé adjoint en raison de ses facilités intellectuelles. L’homme qui deviendra Mayer Amschel Rothschild remarque que prêter à l’Etat plutôt qu’aux particuliers est plus lucratif compte tenu de la garantie principale que constitue l’impôt et du montant plus important des sommes prêtées. Il rencontre le prince Guillaume Ier qui est passionné de numismatique. En échange de vente à bas coût de pièces anciennes, Rothschild devient l’agent officiel de la cour. Cette position s’avère très avantageuse car le prince fournit des mercenaires à toute l’Europe. Il finit même par être nommé agent royal de l’empereur. Après avoir profité de l’instabilité européenne causée par la révolution dite française, la famille Rothschild se place parmi les familles les plus fortunées de Francfort. Ses fils marchent dans le même sillon que leur père.
Nathan part à l’assaut de l’Angleterre et de la city, centre financier du pays depuis le XVIIIe siècle qui possède son propre système judiciaire. Le fils Rothschild s’illustre lors de la guerre de l’Angleterre contre Napoléon. La famille Rothschild a toujours eu un avantage sur les autres : avoir la primeur de l’information grâce à un réseau d’agents dispersés aux quatre coins de l’Europe. Nathan est averti que l’Angleterre est en train de prendre le dessus sur les gallicans. Possédant des bons du trésor anglais, il décide de les vendre [4]. La masse des détenteurs des bons vend en pensant que l’Angleterre va perdre. Le cours des bons du trésor s’effondre et Nathan rachète tout à bas prix. Fier de sa réussite, il déclare :
« Je me fiche de savoir quelle marionnette est placée sur le trône d’Angleterre pour diriger l’Empire sur lequel le soleil de se couche jamais. Celui qui contrôle la masse monétaire de la Grande-Bretagne contrôle l’Empire britannique ; et, je contrôle la masse monétaire britannique. »
James Rothschild s’occupe de la France. D’abord méprisé car parvenu, c’est en manipulant les cours des obligations émises sous Louis XVIII que le banquier réussit à devenir une personne respectable en France. Il achète en masse les obligations ce qui augmente le cours pour ensuite les vendre en masse ce qui a pour conséquence son effondrement. Louis XVIII l’implore de cesser ses agissements pour sauver la France. James accepte et devient la deuxième fortune du pays après le roi [5]. Anticipant sans doute le péril bancaire, Napoléon aura en 1815 le propos suivant :
« Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. […] L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. »
Au milieu du XVIIIe siècle, alors que l’Amérique est encore sous tutelle britannique, le gouvernement américain décide d’émettre de la monnaie papier pour faire face à la pénurie de monnaie métallique en circulation [6]. Cette nouvelle monnaie n’a pas de garantie ce qui évite ainsi l’emprunt aux banques privées. En effet, si cette monnaie était basée sur de l’argent, le gouvernement américain aurait dû emprunter avec intérêts de l’argent aux banques privées pour l’émission de sa monnaie. Furieuse, la banque d’Angleterre interdit au gouvernement américain d’émettre cette monnaie et lui impose de payer l’impôt dans une devise convertible en or ou en argent. Cette décision fondée sur le lucre provoque du chômage, une récession et précipite la guerre d’indépendance.
Les premiers présidents des États-Unis ont indéniablement lutté contre la création d’une banque américaine contrôlée par les banques privées [7]. Ainsi, Jefferson s’oppose au renouvellement de la première banque centrale américaine, créée sous l’impulsion d’Hamilton, homme des Rothschild. Son capital était détenu à 80 % par les banques privées. Jefferson sera suivi par une partie de ses successeurs ce qui fait qu’au moment de la guerre de sécession, l’Amérique n’est pas encore aux mains des banquiers.
A propos de cette guerre (1861-1865), le chancelier Bismarck déclare : « Il ne fait aucun doute que la division des États-Unis en deux forces fédérales égales fut décidée bien longtemps avant la guerre civile par les puissances financières d’Europe. » La branche française des Rothschild soutient le Sud tandis que la branche anglaise et allemande s’attache au Nord. Faisant face au début de la guerre à des victoires sudistes, Lincoln cherche des financements. Il décide alors d’émettre de la monnaie étatique, les greenback, uniquement fondée sur la crédibilité du gouvernement du Nord. Lincoln souhaite conserver ce système mais fait immédiatement face à l’opposition des banques privées. Il résiste mais face à la pression bancaire et ses menaces de suspendre le prêt au Nord et d’organiser l’impossibilité pour les citoyens américains de retirer leur or, Lincoln consent à un compromis : la délégation aux banques privées d’émettre de la monnaie.
En 1913, la FED (Federal Reserve System) est créée à la suite d’une réunion secrète entre banquiers et politiciens au cours de laquelle le projet de loi sur la FED est rédigé [8]. Le capital de cette banque centrale américaine est détenu par les banques suivantes : Kuhn & Loeb, Morgan, Rothschild, Warburg, Lazard, Goldmann Sachs et Lehmann Brothers. Parallèlement sont fondées les organismes mondialistes comme le CFR (Council on Foreign Relations) et la Commission trilatérale en vue de peser sur le pouvoir politique. La FED est en capacité d’édifier des lois impossibles à remettre en cause par la loi fédérale ou le peuple. L’émission de la monnaie fiduciaire américaine repose donc dans les mains des intérêts privés peu réceptifs à une quelconque notion de bien commun. La FED prête au gouvernement américain de la monnaie papier qu’elle créée ex nihilo en échange d’intérêts remboursés par les impôts des citoyens américains. Pour résumer l’arnaque : des agents privés quasi incontrôlables prêtent de la monnaie étatique à un agent public en échange d’intérêts ponctionnés sur les impôts du peuple soumis à l’agent public. Ce modèle n’est pas propre aux États-Unis, il existe avec plus ou moins de différences dans les pays occidentaux. Il est à noter que la Chine émet directement sa monnaie sans passer par l’intermédiaire crapuleux des banques privées [9].
Si les Etats déclenchent les guerres, le système bancaire a intérêt à les provoquer, voire à les soutenir. En effet, l’effort de guerre réclame des capitaux et donc des prêts. Les banques ont aussi les capacités de causer des récessions en étendant au préalable le crédit pour ensuite faire éclater la bulle ainsi créée et en dernière instance racheter tous les actifs à bas prix. Lors de la première guerre mondiale, la FED pousse les États-Unis à entrer en guerre afin que les prêts aux alliés soient remboursés [10]. Lors de la négociation du Traité de Versailles, les délégations étatiques sont composées de nombreux banquiers poussant à l’augmentation des réparations allemandes avec les conséquences funestes que l’on sait. En commençant par faciliter le crédit ce qui pousse les américains à acheter des actions plus rentables que l’épargne pour finir par augmenter le taux d’intérêt ce qui a pour conséquence l’éclatement de la bulle avec la vente massive des actions achetées, la FED est responsable de la crise de 1929. Les milieux financiers américains continuent leur œuvre néfaste en soutenant financièrement Hitler qui reçoit entre 1924 et 1931 pas moins de 52 milliards de marks [11].
Après la seconde guerre mondiale, quelques obstacles à l’hégémonie bancaire persistent. Le premier d’entre eux est levé en 1971 par Nixon avec la fin de la convertibilité dollar-or. N’étant plus fondé sur du métal par essence limité, la création monétaire peut devenir illimitée. La fin de la séparation entre banque d’affaires et banque d’épargne sonne le glas du deuxième obstacle. Cette mesure protectrice permet de protéger les épargnants pour éviter que les pertes de la banque d’affaires ne s’imputent sur leur épargne. Le troisième obstacle réside dans la limitation des capacités de prêt. En revenant sur cette limitation, les banques peuvent prêter un certain nombre de fois l’argent qu’elles détiennent en propre. L’idée simple de ce système des réserves fractionnaires est de parier sur le fait que tous les épargnants ne vont pas venir tous en même temps retirer leur argent.
A l’heure actuelle, la monnaie créée par les banques centrales, c’est-à-dire la monnaie fiduciaire constituée par les pièces et les billets, représente uniquement 7 % de la monnaie mondiale en circulation [12] . Le reste s’apparente à de la monnaie scripturale ou monnaie électronique (monnaie présente sur les comptes bancaires) émise par les banques privées lorsqu’un prêt est contracté [13]. Dès lors, les banques privées contrôlent aujourd’hui dans le monde occidental tout le processus de création monétaire qu’il aille de la monnaie scripturale à la monnaie fiduciaire. La capacité donnée à des intérêts privés de créer à partir de rien de la monnaie de façon illimitée ne peut qu’entraîner des bulles financières, de l’inflation et une augmentation de la dette publique. C’est pourquoi, certains économistes plaident pour un retour à l’étalon or, à une séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt et à la fin des réserves fractionnaires. Il faudrait aussi que les Etats retrouvent le pouvoir de battre monnaie. Sans ces préalables nécessaires, il sera difficile de fonder une politique sur le bien commun.
[1] David Graeber, Dette : 5000 ans d’histoire, Les Liens qui Libèrent, 2013.
[2] Philippe Simonnot et Charles Le Lien, La Monnaie, histoire d’une imposture, Perrin, 2012.
[3] Hongbing Song, La guerre des monnaies, Le Retour aux Sources, 2013.
[4] Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve Fédérale, Le Retour aux Sources, 2010.
[5] Hongbing Song, La guerre des monnaies, Le Retour aux Sources, 2013.
[6] Hongbing Song, La guerre des monnaies, Le Retour aux Sources, 2013.
[7] Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve Fédérale, Le Retour aux Sources, 2010.
[8] Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve Fédérale, Le Retour aux Sources, 2010.
[9] Hongbing Song, La guerre des monnaies, Le Retour aux Sources, 2013.
[10] Hongbing Song, La guerre des monnaies, Le Retour aux Sources, 2013.
[11] Hongbing Song, La guerre des monnaies, Le Retour aux Sources, 2013.
[12] André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, La dette publique, une affaire rentable , Yves Michel, 2011.
[13] Dominique Plihon, La monnaie et ses mécanismes, La Découverte, 2013.
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