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Un mouvement de fond
Après la débâcle des années 60 – 70 on a assisté à un premier renouveau, à partir des années 80, fondé sur la redécouverte de la vie spirituelle et des Saintes Écritures comme Parole de Dieu. On réhabilita ainsi les principaux éléments de la tradition spirituelle : la lectio divina de l’héritage monastique, l’oraison carmélitaine, les exercices de saint Ignace de Loyola, etc. L’illustration emblématique de ce renouveau fut le diocèse de Paris.
Avec le renouvellement de certaines « Cathos » (Toulouse par exemple) et la création de nouveaux Studiums (Venasque, l’École cathédrale à Paris…), l’accent a été mis sur l’étude de la tradition théologique chez les Pères de l’Église et les Théologiens médiévaux, notamment saint Thomas d’Aquin.
Héritage liturgique ?
Après ce double effort de réhabilitation, beaucoup ont pensé être arrivé au septième jour et pouvoir se reposer. Le Cardinal Lustiger chantait à bon droit son Nunc Dimittis. « Tout est accompli » pensaient ceux qui avaient œuvré pour ce renouveau. Il y avait bien sûr l’écho lointain de quelques institutions marginales qui réclamaient d’exhumer aussi la tradition liturgique, mais ça n’allait pas plus loin…
Puisque la tradition liturgique latine n’était, pendant toutes ces années (1970 – 1990), que parcimonieusement accessible, un certain nombre de communautés et mouvements ont, pour contourner cette tacite interdiction, puisé dans la tradition orientale, pour le chant notamment, et ont aussi développé l’adoration eucharistique. Après ce bel effort, beaucoup pensaient pouvoir s’arrêter là… avec une liturgie eucharistique excessivement dépouillée, dans la ligne des traditions cistercienne et carmélitaine…
Mais les jeunes générations, ignorant tout des querelles d’antan, sensibles aux efforts liturgiques du jeune clergé, ne comprennent pas toujours cette extrême sobriété et ces lacunes dans l’héritage d’une liturgie centrée sur Dieu, c’est-à-dire considérée d’abord comme le lieu de la Rencontre avec Dieu avant même d’être le lieu de la communauté et de l’ecclesialité. D’où leur intérêt pour les éléments de la tradition liturgique latine. C’est sur cette vague de fond que surfe la Communauté Saint Martin. Mais son succès ne se limite pas à cela…
Le syndrome conservateur
Il y a dans l’Église un fort instinct de conservation, généralement inversement proportionnel à l’ancienneté des choses… Ce syndrome conservateur illustre la difficulté des institutions ecclésiastiques en France à s’adapter, mais particulièrement celles, plus classiques qui sont nées à partir des années 70…
Face à la débandade un certain nombre de maisons de formation ont voulu réagir et maintenir, bien souvent au forceps face à une très forte contradiction, quelques éléments vitaux de la tradition spirituelle, théologique et liturgique… Mais pour ce faire et pour être accepté – au moins toléré - par l’Institution, il leur a fallu s’imposer quelques bornes infranchissables au-delà desquels ils ne devaient pas aller. Et eux-mêmes, poussés par la très forte pression du moment, devaient fréquemment se dédouaner de ne pas être intégristes, traditionnalistes, conservateurs, etc. Ils se sont donc arc-boutés à cette limitation vitale de ne pas en faire trop, spécialement en liturgie. Exit alors et tabou la soutane, le latin, l’orientation liturgique, le grégorien, la forme extraordinaire… Les exemples de maisons de formation qui ont souffert de ce syndrome sont multiples (Paray le Monial, Ars, Le Puy, Toulon dans une moindre mesure, etc.).
Et par la suite, quand un plus grand nombre de fidèles redécouvrait ces réalités liturgiques, ces Institutions sont restées rigoureusement sur la même ligne sans en dévier (sauf peut-être Toulon). De sorte qu’elles ne répondaient plus vraiment aux attentes nouvelles des plus jeunes générations.
Voici aussi pourquoi ceux qui sont sortis de ces Maisons de formation ont quelquefois du mal à accepter cette vague de fond qui favorise la redécouverte de l’héritage liturgique et ont par exemple accueillis le Motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI avec inquiétude et circonspection.
Mémoire… et Identité
Le clergé français, à partir du début du XVIIe siècle, avait été formé selon les orientations et l’enseignement du concile de Trente : le prêtre, configuré au Christ prêtre, est l’homme du sacrifice. La spiritualité de l’école française a développé cela : le prêtre, par un changement ontologique est revêtu du sacerdoce du Christ - sacerdos alter Christus. Il le réalise spécialement dans l’eucharistie comme sacrificateur et médiateur : il donne Dieu aux hommes. Plus généralement, le prêtre prolonge la mission du Christ d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.
Cet enseignement a parfois été remis en question dans les années 60 : on ne voulait plus considérer le prêtre comme mis à part pour le sacrifice, mais comme un homme ordinaire pour la mission. A partir de ce moment-là on ne le définissait plus d’abord dans son rapport avec le Christ, mais dans son lien avec le peuple de Dieu. Qu’était-il alors dans le peuple de Dieu ? Un père, un guide pour certains ; un frère, un ami pour d’autres… On ne savait plus très clairement ce qu’était un prêtre… La manière de s’habiller suivit : en très peu de temps on passa, presque comme un seul homme, de la soutane à l’habit civil, avec pour certains, une courte transition en habit de clergyman.
A la suite de ce qu’il faut bien appeler la débâcle des années post-conciliaires, où l’on a vu beaucoup de défections dans le clergé, une réflexion profonde sur l’identité du prêtre a été menée, fondée notamment sur le décret Presbyterorum Ordinis du concile Vatican II, et sur les textes nombreux de Jean Paul II parmi lesquels nous pouvons citer l’exhortation Apostolique Pastores dabo vobis. Le prêtre y apparaît comme ministre du Christ, témoin et dispensateur de la vie de la grâce, consacré pour agir dans la mission de l’Eglise qui prolonge celle du Christ : in persona Christi Capitis [1].
Si l’identité du prêtre apparaît à nouveau assez clairement après un temps de trouble, il n’en va pas de même pour le séminariste, dont on ne discerne pas encore aujourd’hui clairement l’identité. Sans même parler de ceux qui sont en année de propédeutique ou de spiritualité et ne sont pas encore séminaristes ! Il y a là un abaissement, une kénose admirable spirituellement mais qui n’est pas forcément une aide sur leur chemin d’engagement.
Le statut du séminariste
Qu’est-ce qu’un séminariste ? Un séminariste est un homme qui se destine à devenir prêtre : de ce point de vue il est dans un état transitoire, en pure puissance, dans la perspective de l’ordination. Mais en attendant l’ordination, qu’est-il ? Dans l’ordre de la grâce, il est baptisé, confirmé, appelé à être une pierre vivante de l’Eglise, témoin du Christ sauveur.
Selon le droit de l’Eglise il est un laïc jusqu’au diaconat qui l’introduit alors dans la cléricature.
Autrefois le séminariste avait un statut : il était clerc à partir de la tonsure ; une identité : par la réception des ordres mineurs, il participait déjà, dans une certaine mesure, au presbytérat (la mission du Christ d’enseigner, de sanctifier et de gouverner) ; une perspective : le sacerdoce (le pouvoir d’offrir le sacrifice et de remettre les péchés).
On devenait clerc par la cérémonie de la tonsure, marque de l’appartenance au Seigneur et d’une certaine forme de consécration. Le clerc est celui qui est mis à part pour le service du Seigneur. Ce statut du séminariste se déployait dans trois domaines : social, ecclésial et liturgique.
Aujourd’hui, dans un contexte qui a bien changé, il peut être intéressant de s’interroger sur la place des séminaristes dans la société, dans l’Eglise et dans la liturgie.
* Le statut social du clerc en général (excepté l’évêque dans une certaine mesure) n’existe plus dans la société française, et ça n’est pas forcément un mal dans la mesure où cette position humble favorise la sanctification du clergé. En tout cas la redécouverte d’un certain statut pour les séminaristes d’aujourd’hui n’est certainement pas de cet ordre.
* Dans l’Eglise, le séminariste peine à trouver sa place pour 3 raisons :
1. Comme le remarquait Mgr Piacenza, alors secrétaire de la Congrégation pour le Clergé, « sous le profil du droit canonique, aujourd’hui, le séminariste est l’une des figures les plus « fragiles », ayant presque toutes les « charges » d’un clerc, sans aucune garantie réelle ou protection. [2] »
2. Les séminaristes, aujourd’hui très peu nombreux, ne sont plus vraiment repérables dans la vie ecclésiale ordinaire.
3. Les laïcs ont pris des responsabilités dans les paroisses. La coordination avec les prêtres (curé, vicaire, auxiliaire) n’est déjà pas toujours très simple. On comprend alors que le séminariste n’y ait pas vraiment sa place…
En outre se pose la question de l’habit pour les séminaristes. Symptomatique à cet égard que cette pratique du diocèse de Versailles d’avoir pour les séminaristes une sorte d’uniforme commun (un polo). Cependant faut-il vraiment réinventer un uniforme là où il existe déjà ? Les communautés traditionnelles ont cette particularité de donner la soutane dès le séminaire : pour certains à l’issue de la première année (Institut du Christ Roi, Fraternité Saint Pierre), en 3e année pour les Missionnaires de la Miséricorde ou par étape comme à la Communauté St Martin (au chœur en 3e année puis en début de 6e année). On pourrait imaginer que les diocèses fassent un peu pareil avec l’habit de clergyman. Mais ça n’est pas le cas hors cette bizarrerie romaine qui veut que les séminaristes français (à partir de la 3e année) portent le clergyman à Rome mais l’enlèvent quand ils rentrent en France [3]…
* Quelle place donner alors aux séminaristes dans la liturgie ? C’est une question à laquelle les diocèses ont essayé de répondre au fil du temps de manières diverses. Une chose est sûre, même s’il y a des évolutions ces derniers temps, il n’y a pas encore vraiment pour les séminaristes de place attitrée et reconnue par tous, prêtres et laïcs.
Les séminaristes sont soit avec les laïcs dans la nef, ou éventuellement comme chantre au micro d’animation, soit en aube s’ils exercent une fonction liturgique, mais moins fréquemment et en général (sauf exception) pas systématiquement en aube dans le chœur, quand ils n’y exercent pas de fonction liturgique particulière (même après leur Admission).
[1] Cf. décret Presbyterorum Ordinis n° 2 et 3, Pastores dabo vobis n°15, 31.
[2] In Kephas n° 32, octobre – décembre 2009, p. 60.
[3] Il se dit que les séminaristes romains qui seront présents à Lourdes au mois de novembre pourraient exceptionnellement être en col romain... Un précédent ?
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