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« Chacun des actes d’obéissance à la volonté divine, chacune de ces bonnes œuvres, comme on dit, nous sont utiles, en ce qu’elles nous détachent peu à peu du monde des sens et marquent nos cœurs d’un sceau céleste. »
Cardinal John Henry Newman [2]
Si une notion a le vent en poupe chez les nationaux-païens, c’est bien celle d’héroïsme. Ce dernier consiste en une vision particulièrement virile d’un acte fort au service d’une entité supérieure comme la France ou l’Europe. Il est indéniable que cette notion fait facilement mouche chez certains catholiques désireux de voir une Église plus « virile ».
Commençons par jeter quelques bases : l’héroïsme et la sainteté ont en leurs seins quelques points communs. Les deux soumettent l’homme à une cause supérieure : matérielle ou idolâtre pour le païen ; spirituelle pour le catholique. L’héroïsme au sens païen réside dans la citation de Maurice Bardèche susmentionnée ; il s’agit d’un acte éblouissant et soumis, unique ou répété de manière plus ou moins continue, lié à la force et à la virilité. Bien souvent, cet acte trouve sa plénitude dans son caractère mortel.
Toute autre est la définition de la sainteté. Cette dernière réside dans une soumission totale à Dieu ; c’est une somme d’actes quotidiens permettant à l’âme d’être élevée par Lui.
Ainsi, héroïsme et sainteté sont — du moins en théorie — des moyens et non des fins : La fin vers laquelle tend l’héroïsme est la gloire ou la puissance d’une entité physique tels que la cité ou le pays. Quant à la sainteté, son but n’est autre que la séparation d’une nature pécheresse pour s’offrir à Dieu.
Partant, nous pourrions définir le héros comme un homme ayant accompli de grandes choses au service d’une cause supérieure à laquelle il est rattaché, sans que ce soit son intérêt personnel qui soit le moteur de l’acte. Par conséquent le saint est un héros — mais la réciproque n’est pas vraie. Le premier nommé met d’abord son corps et sa raison au service d’une cause supérieure : Dieu. Il accomplit de grandes choses que ce soit par la force de la prière comme le Vénérable Marcel Van ; par le service à autrui, faisons ici référence à Mère Teresa ; ou bien encore par le sacrifice de sa vie pour un autre tel Saint Maximilien Kolbe. Nul besoin de montrer que ce n’est pas son intérêt personnel qui prime, à moins de considérer que les saints n’agissent qu’en vue d’être reconnus comme tels par l’Église. Ainsi, nous pouvons raisonnablement conclure que le saint est un héros, qui, toutes choses égales par ailleurs, privilégie l’action de l’âme par la soumission du corps et de la raison. La sainteté est donc une forme d’héroïsme totalement offerte à Dieu, par laquelle en soumettant le corps à l’âme on obtient la sanctification de cette dernière.
La sainteté, nous l’avons vu, est une forme particulière de l’héroïsme. On ne peut tenir la réciproque pour vraie. Répétons-le : la sainteté exige une soumission totale du corps à l’âme et de l’âme à Dieu. Cette dimension intrinsèquement spirituelle de la sainteté ne se retrouve pas dans l’héroïsme. Assurément nous nous verrons répondre que certaines doctrines nationales-païennes se rapprochent de la religion des Anciens. Réglons cette question tout de suite : ces formes de religiosité ne sont qu’idolâtries, elles étaient totalement attachées à un peuple, et même parfois à une cité, caractère qui leur conférait l’impossibilité de se développer dans d’autres contrées. Sur ce point l’étude de Fustel de Coulanges sur La Cité antique démontre combien chaque cité, et surtout chaque famille avait son propre culte. Par conséquent il n’y avait absolument aucune universalité de la foi, et nous pouvons faire l’hypothèse que de ce caractère exclusif résulte, pour bonne part, l’attirance des païens pour ces "croyances". En outre, nous ne pouvons pas dire qu’il y avait de religions à proprement parler car il n’y avait pas de transcendance spirituelle, mais tout au plus l’adoration d’une entité matérielle plus ou moins divinisée. Citons ici Ernest Renan qui le dit sans ambages : « La religion d’Athènes, c’était le culte d’Athènes même, de ses fondateurs mystiques, de ses lois, de ses usages » [3]. En actualisant ses propos, la religiosité nationale-païenne résiderait simplement dans l’idolâtrie des Anciens — Grec, Celtes, Romains, etc. — et des traditions nationales ou européennes.
Par ailleurs, l’héroïsme et la sainteté divergent totalement lorsque l’on étudie la question des moyens, La sainteté ne réside pas dans un acte beau et magnifique, mais bien dans l’action simple et continue au service de Dieu. Pour être un héros il suffit d’une seule occasion, d’un acte magnifique soulevant les peuples : une bataille gagnée — ou perdue dans la plus pure tradition française — suffit à transformer un homme en héros. Cette différence est absolument capitale : il est bien plus simple de savoir être grand et majestueux un jour que de se lever tous les matins en offrant sa journée aux faibles et à Dieu. Mais si l’héroïsme ne laisse pas de place aux petites actions du quotidien, la sainteté, quant à elle, n’empêche pas l’action magnifique d’un jour.
La sainteté englobant totalement l’héroïsme, le saint est également capable d’actes grandioses reconnus à la fois par l’Église et par le paganisme le plus intransigeant, pensons ici à Sainte Jeanne d’Arc qui est une — sinon la — figure emblématique de sainte et d’héroïne. Nous ne nous attarderons pas outre mesure sur la possibilité pour un saint d’être un héros, l’histoire nous le prouve suffisamment, et Chateaubriand n’en dit pas moins dans son chapitre intitulé : Danger et inutilité de l’athéisme . [4]
Nous disions précédemment que les deux notions ne sont pas des fins. Il convient ici de distinguer théorie et pratique. S’agissant de la sainteté, celle-ci ne peut plus être qualifiée de telle dès lors qu’elle est recherchée pour elle-même. Un homme qui a pour but d’être reconnu pour saint ne le sera jamais, en revanche un homme qui met sa foi en Dieu et lui obéit en toute chose peut se rapprocher de la sanctification. L’héroïsme ne connait pas ce garde-fou ; cette dérive se vérifie fréquemment. Souvent, les hommes ne cherchent plus à agir pour l’entité supérieure mais bien pour la gloire : cela transparaît dans le culte du sacrifice et du martyre chez les nationaux-païens. Il assez révélateur qu’Alain de Benoist ait conclu le débat qui l’opposât à Rémi Brague par ces paroles : « En temps de paix, le suicide est le geste le plus noble qui soit [5], justifiant par la même l’acte satanique et profanateur de Dominique Venner. Rappelons simplement que l’Église condamne fermement aussi bien l’acte du suicide que celui de chercher la mort pour elle-même. [6] En outre, les saints martyrs reconnus par l’Église sont la démonstration même que rien n’empêche d’accepter la mort en sacrifice pour une cause supérieure sans vouer un culte au sacrifice lui-même, prouvant, là encore, la supériorité de la sainteté sur l’héroïsme
Le sujet est vaste. Nous avons tâché de défendre ici que la sainteté, loin d’être opposée à l’héroïsme, en est au contraire une voie supérieure et bien plus difficile. Soyons idéalistes : ne rêvons pas de gloire terrestre ! Notre Seigneur nous propose de partager son Royaume Céleste : il serait dommage de viser petit … et de ne faire qu’une piètre récolte pour la Vie éternelle.
Crédit Photo : Vitrail de l’église Saint Jacques à Compiègne.
[1] Maurice Bardèche, Spartes et les sudistes
[2] J. H. Newman, Parochial and Plain Sermons
[3] Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation
[4] http://www.lerougeetlenoir.org/contemplation/les-contemplatives/inutilite-de-l-atheisme-pour-faire-un-bon-guerrier
[5] http://www.lerougeetlenoir.org/contemplation/les-contemplatives/recit-duel-paiens-vs-chretiens-au-sommet
[6] Cf point numéro 2280 du Catéchisme de l’Église Catholique
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