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À la fin de la première guerre mondiale, la Société des Nations est née. Avec cet organisme, un nouvel ordre international vit le jour. Spectateur attentif de cette évolution, le juriste allemand Carl Schmitt propose dans son ouvrage Le tournant vers le concept discriminatoire de la guerre, paru en 1937-1938, une critique en règle de cette nouvelle vision du droit international et donc de la guerre. Il ne faut pas s’étonner que cette charge vienne d’un allemand ; le Traité de Versailles de 1919 fut en effet vécu comme une humiliation par le peuple germanique. En son temps, Jacques Bainville avait lui aussi, sous un autre angle, prédit les conséquences désastreuses de ce traité.
L’avènement de la Société des Nations a été accompagné par de nombreuses justifications émanant de juristes européens. Le juriste français Georges Scelle fut l’un d’entre eux. Pour lui, l’État est un concept moyenâgeux, antiscientifique et anthropomorphique qui relève plus de la métaphysique que de la réalité. Le seul sujet de droit est l’individu. L’ensemble des individus forme un groupement social appelé État. Dans l’esprit du juriste français, le droit international a vocation à primer sur le droit national, et comme ce dernier, il a pour finalité la protection des droits et libertés fondamentales. Dans ces conditions, le droit interne agit sur délégation du droit international. La législation internationale a pour socle les traités. Schmitt note ici une importante contradiction juridique : comment un traité par nature contractuelle c’est-à-dire liant ses parties peut-il avoir force de loi c’est-à-dire s’appliquant à des personnes non contractantes ? Scelle voit la communauté internationale comme une communauté d’individus pouvant choisir leur nationalité dès l’instant où leur pays d’origine ne respecte plus les droits de l’homme. Dans un style plus prosaïque et moins idéologique, le juriste anglais Lauterpacht constate que la communauté internationale existe de fait. Par conséquent, il faut la doter d’une juridiction internationale.
Ce nouvel ordre international a accouché d’un nouveau rapport à la guerre. Durant l’époque précédente, les nations européennes avaient réussi à neutraliser le concept de guerre. La guerre, qui pouvait être auparavant juste ou injuste, est alors devenue neutre. Avec cette neutralisation du concept de guerre, les considérations morales de la guerre n’ont plus d’importance. Dès lors, il ne s’agit plus de savoir si la guerre est fondée moralement parlant ou si le vaincu doit être sanctionné mais de conférer aux acteurs de la guerre des droits, notamment quand ils sont vaincus. L’avènement de la Société des Nations a mis fin à cette conception pour lui substituer une vision plus proche d’une opération policière internationale contre un criminel que d’une guerre au sens classique. Pour Carl Schmitt, si l’on reconnaît cette notion de guerre, on ne peut dès lors admettre un pendant juste et un pendant injuste. Autrement, un crime pourrait alors être juste dans certains cas et injuste dans d’autres.
Cet ouvrage de Schmitt, récemment réédité par les éditions Krisis, proches de la Nouvelle Droite d’Alain de Benoist, est un peu décevant. Trop court, laissant le lecteur sur sa faim, il fait plus penser à des notes de lecture de l’auteur qu’à un véritable livre à thèses. Il ne souffre pas la comparaison avec les livres importants de son auteur tels que La notion de politique ou La théorie de la constitution. Néanmoins, les intuitions contenues dans cet ouvrage ont été largement développées dans un autre livre majeur de l’auteur : Le Nomos de la terre.
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