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Le féminisme est un phénomène définitivement étrange et assez absurde. Je m’étais tantôt fait la réflexion suivante : « Selon les théories féministes, la femme, assujettie au système patriarcal depuis des millénaires, s’est enfin libérée du joug inique, il y a peu. Mais alors les femmes sont vraiment des cruches idiotes d’être restées gentiment sous le joug de l’homme pendant des siècles... » Quelque chose cloche : soit les femmes ont été des cruches pendant des siècles, soit le joug de l’homme n’existe pas depuis des millénaires. L’équation est simple, la solution limpide : le joug des hommes est un mythe.
Mais alors, me direz-vous, pourquoi le féminisme est-il né ? Il possède bien une cause réelle, qui doit être le joug des hommes. Effectivement cela est vrai. Mais il faut reprendre l’histoire depuis le début.
Le féminisme apparaît essentiellement à la fin du XIXe siècle. Le point important est bien de se souvenir que ce courant n’a jamais existé auparavant et nulle part ailleurs. Encre moins dans les sociétés traditionnelles, que dénoncent les thèses féministes. Au contraire, dans ces sociétés traditionnelles, les femmes étaient bien plus présentes que dans l’époque contemporaine à tous les niveaux. Pour exemple, je prendrai la société encore traditionnelle aujourd’hui du Japon : on ne compte plus le nombre d’impératrices sur le trône, dont la dernière date de la fin du XVIIIe siècle. C’est la femme qui, encore traditionnellement, gère la bourse de la maisonnée, etc.
La présente réflexion part, en fait, d’une remarque intéressante qu’une Japonaise a faite lors d’une discussion sur les « femmes au foyer ». Alors que nous discutions entre Français de la femme au foyer avec les préjugés bien occidentaux, voilà que la Japonaise cite une étude récente, dont le résultat et le suivant : les femmes au foyer sont en moyenne plus heureuses que les femmes qui travaillent. Ce côté japonais est très agréable : on ne s’occupe pas d’idéologie mais on cite les faits dans le but d’aboutir à une conclusion vraie, et non pas à une conclusion qui correspond à son schéma préconçu de pensée. En bref, n’en déplaise aux pontifes de la pensée moderne, il est possible qu’une femme au foyer soit à la fois plus heureuse et plus accomplie qu’au travail, si la société le permet, comme au Japon.
Cette digression permet de revenir à l’histoire du féminisme. Il est fort probable, en effet, que la même étude faite aujourd’hui en France montre le résultat contraire à l’étude faite au Japon (supposons-le, simplement), pour une raison simple, et qui permet d’expliquer l’apparition du féminisme : la société a travesti un certain nombre de principes, quand elle ne les a pas inversés, ce qui rend impossible l’accomplissement naturel des personnes comme il pouvait se faire avant la modernité. Expliquons-nous.
Dans une conception traditionnelle de la société, il n’y avait pas de vie privé ni de vie publique. On vivait et voilà tout. Il n’y avait pas de femmes au foyer, tout le monde était au foyer : les paysans cultivaient leurs terres et élevaient leurs bêtes, avec la participation de toute la famille, les commerçants boutiquiers faisaient leur commerce de chez eux, avec la participation de tout le monde. Le rythme de vie était beaucoup plus naturel, et se calquait sur les cycles naturels, avec de longues périodes de chôme, ou plutôt d’activités différentes, chez soi et autour de soi. Dans ce contexte la femme travaillait, s’occupait de la ferme, fabriquait des vêtements pour la famille, ou des objets pour le commerce, pouvait négocier et autre. L’autre point différent est la conception de l’autorité. L’autorité paternelle, liée à la transmission du nom, s’explique aisément : comme la femme enfante, elle possède un avantage énorme sur l’homme qui ne peut jamais prouver de façon certaine que son enfant est bien son enfant ; afin de protéger la famille, le père transmet donc le nom et possède l’autorité nominale face à l’extérieur car il est sous-entendu que l’autorité de la mère, naturelle et charnelle, n’a pas besoin d’être légitimée ou renforcée, à la différence de l’autorité du père, qui est toujours en retrait. Et cette autorité paternelle n’était pas un « joug », et d’ailleurs elle n’était pas formalisée et se transmettait par coutume, car ce modèle pratique marchait de génération en génération depuis des lustres : elle était plutôt un service pour la protection de la famille. En cas de souci, de défaillance, le père assume pour la famille, meurt s’il le faut, ou paie. Ainsi la famille reste intacte, et peut transmettre et prospérer pour la postérité.
De la même manière, il s’explique aisément que, à peu près partout, les hommes aient eu la responsabilité de la guerre et la charge de diriger – j’évite le mot « politique », dont le sens est aujourd’hui dévoyé – dans une société traditionnelle. Toute responsabilité publique est une charge que l’on préfère éviter car elle est très exigeante, voire dangereuse ; il faut bien avoir à l’esprit que, dans une société traditionnelle, les esprits sont emplis de bon sens, et si un chef gère mal, voire tombe dans des comportements mauvais, ses subordonnées le lui font comprendre, parfois par la force. L’autorité était acceptée car bénéfique et – souvent – quand un chef était renversé, c’était sous le couvert de la légitimité qu’il ne parvenait pas à maintenir. Deux raisons principales. La première est que la femme enfante et assure l’avenir de la famille. L’homme peut bien partir loin, mourir, sans que les conséquences sur l’avenir de la famille soient aussi dramatiques que si la femme partait : que deviendraient, alors, les enfants laissés, et ceux qui pourraient naître loin et déracinés ? Ensuite, il est assez logique que l’homme puisse se détacher plus facilement de son foyer pour une raison naturelle. L’homme n’enfante pas. Ici se trouve la grande inégalité (sans jugement de valeur) naturelle entre les hommes et les femmes : les hommes sont privés de l’honneur de perpétuer l’espèce en enfantant. La conséquence est assez facilement déduite : l’homme est beaucoup moins précieux que la femme. Même si la majeure partie des hommes mourraient, si les femmes étaient encore en vie, elles suffiraient encore. Dans le cas contraire, les dommages pour le genre humain seraient catastrophiques : si la majeure partie des femmes meurent ou n’enfantent plus, c’est la fin de l’humanité...
Cela étant dit, nous pouvons maintenant comprendre pourquoi le féminisme est apparu. Les conséquences idéologiques de la Révolution française ont affaibli et détruit cette conception naturelle de l’autorité, de l’ordre, de l’accomplissement et du bien. En conséquence, la société de la fin du XIXe siècle, une des pires pour la condition des femmes – mais aussi des hommes –, a perverti les vieux principes de la société. On se retrouvait dans une situation dramatique : les anciennes coutumes perduraient, mais sans que les protagonistes sussent bien pourquoi : ceux qui avaient l’autorité ne rendaient plus le service qu’ils devaient rendre, hommes et femmes confondus. On voulait aller contre la nature, se libérer d’entraves qui, en fait, étaient des soutiens à l’accomplissement de tous. Perversion de la liberté qui devient le droit de faire le mal, alors qu’auparavant la liberté était faire le bien [1]. Certes, les bons principes se sont maintenus un peu partout. Mais il suffit de quelques dégénérés pour détruire un édifice patiemment construit pendant des siècles, dont les briques – c’est-à-dire les gens – ne pensent pas à se protéger quand on les détruit, tellement leur existence est naturelle et va de soi : il est impossible de détruire ; voyons : « un peu de bon sens suffit à comprendre le bien intrinsèque de l’édifice », disent-ils. Pourtant, aujourd’hui, il n’existe plus qu’à l’état de débris. Qu’il faut protéger contre sa réduction en poussière.
[1] S. S. Léon XIII a eu une formule remarquable : « La liberté est la capacité de se mouvoir dans le bien. »
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