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[Mariage ganymède] L’homoparentalité en question

« Mais qui parlera au nom de l’enfant ? » En ouvrant par cette question simple son essai L’homoparentalité en question, paru en 2008 au début du mandat du Président Sarközy, Béatrice Bourges invite son lecteur à renverser les termes d’un débat au sein duquel médias et militants gays ont façonné une pensée unique dominante… et paradoxalement ultra-minoritaire. « Sapere aude » [1], la maxime kantienne pourrait pratiquement servir d’éthique – sinon de programme de lecture – à qui veut cerner les enjeux de l’homoparentalité en se tenant éloigné des passions du moment, des bons sentiments obligatoires et des accusations déplacées d’homophobie.

Servi par un communautarisme qui puise aux années 1980 (à cette époque, le sida frappe majoritairement les homosexuels et forge une conscience de groupe autour de revendications glissant de la solidarité nationale au nom de la lutte contre la maladie à une série de droits englobant le mariage et l’adoption), le lobby homosexuel compense son poids infime par un activisme débordant : à titre d’exemple, l’association des parents gays et lesbiens (A.P.G.L.) ne compte en 2007 que 1800 adhérents, ce qui ne l’empêche pas d’essaimer dans l’ensemble des secteurs de la société, aussi bien française qu’européenne et internationale. Ce lobby parvient à préempter la campagne présidentielle de 2007 en exigeant de tous les candidats de se positionner sur la question du mariage gay. Si le candidat Sarközy se déclare en 2006 opposé à cette mesure, présentée de façon trompeuse comme le « sens de l’histoire », il n’en suscite pas moins au moment de son élection les espoirs de Gaylib, satisfait par l’annonce de diverses mesures comme, en 2009, la création d’un « statut de beau-parent ».

Début 2012, la position du Président de la République se brouille : favorable au mariage gay de source officieuse, le candidat Sarközy n’inclut finalement pas cette promesse dans son programme de campagne. Le sort de cette question ne mérite-t-il pas mieux que ces tergiversations et ces calculs politiciens ?

En nous invitant à nous pencher sur cette question, Béatrice Bourges replace le débat au niveau qu’il mérite – un niveau qui regarde l’ensemble de la société – et sur des fondements éthiques forts. Récusant aussi bien la terminologie fallacieuse employée par les tenants du « mariage » et de l’adoption homosexuels (l’emploi de « père », de « mère », de « famille » ne peut viser que des réalités de filiation, d’ascendance et de descendance) que l’existence d’un « droit à l’enfant » (qui amène à réifier l’être humain au lieu de le voir comme sujet de droit), l’auteur nous invite à nous débarrasser de la gangue de sophisme qui nous empêche de voir l’essentiel : l’intérêt supérieur de l’enfant.

Sur ces bases, d’ailleurs implicitement acceptées par le lobby gay qui n’a de cesse de se confondre en « études » concluant à l’innocuité de l’homoparentalité pour l’enfant, l’essai proposé se présente comme un argumentaire méticuleux, précis, largement documenté (les « études » concluant en sens inverse sont aussi nombreuses et aussi sérieuses que les premières) qui ne peut laisser indifférent. Car à défaut – il est raisonnable de le croire – de convaincre les partisans déclarés de l’homoparentalité, du moins aura-t-il nourri le débat et permis aux opinions que l’on n’entend jamais de s’exprimer.

Nous proposons ici un bref tour d’horizon des huit questions successivement traitées, qui ne saurait remplacer la lecture – hautement recommandable ! – de l’ouvrage in extenso. Partant d’une idée communément reçue qui ouvre chaque chapitre (« Ce que l’on entend »), Béatrice Bourges s’emploie avec pédagogie à déconstruire pour reconstruire (« Ce que l’on oublie souvent de dire »).

*

1. – « Plusieurs milliers d’enfants sont en attente d’adoption et mieux vaut pour eux être adoptés par un “couple” homosexuel que de rester dans un orphelinat. »

Les chiffres nous disent l’inverse. Il y a en France environ 30 000 couples candidats à l’adoption chaque année pour 5 000 enfants adoptés, parmi lesquels 4 000 en provenance de pays étrangers dont certains refusent toute idée d’homoparentalité : ouvrir l’adoption aux couples homosexuels ferait diminuer encore ce chiffre. Du reste, ces enfants fragiles ont un besoin particulier de retrouver la cellule familiale qui leur fait défaut (un père et une mère) : ce sont eux qui ont besoin d’une famille, et non les couples candidats à l’adoption.

2. – « Le plus important, c’est l’amour. Un “couple” homosexuel peut donner beaucoup d’amour, parfois même plus qu’un couple hétérosexuel. »

La psychanalyste Claude Halmos le dit très clairement : « l’amour ne suffit pas » [2]. Un « couple » homosexuel pourrait naturellement se montrer très aimant : cela ne permettrait pas à l’enfant qu’il élève de se construire, en particulier de se situer comme produit du désir de ses parents, dans un rapport de filiation et dans une généalogie à double lignée, celle du père et de la mère. La construction psychique de l’enfant suppose une triangulation père-mère-enfant à l’origine du complexe d’Œdipe.

3. – « Les études disent qu’il n’y a pas de différence entre les enfants élevés par les “couples” homosexuels et ceux élevés par les couples hétérosexuels. »

Non seulement l’unanimité « des » études est en trompe-l’œil (d’autres chercheurs bien moins médiatisés concluent, à l’inverse, à des troubles psychologiques chez les enfants élevés par des « couples » homosexuels : stress, faible estime de soi, troubles de conduite, échec scolaire), mais de nombreux experts très médiagéniques (comme Charlotte J. Patterson) sont officiellement contestés pour leurs méthodes par l’Université et au-delà (la cour de Floride ne considère plus celle-ci comme un expert valable). Ces méthodes manquent en effet de caractère scientifique et conduisent à des études biaisées : faibles échantillons, sélection des personnes interrogées, absence de comparaison avec les couples hétérosexuels, observation du seul comportement superficiel des enfants, etc. Faute de résultats crédibles et probants, le principe de précaution doit être de mise.

4. – « L’homoparentalité existe de fait : des centaines de milliers d’enfants sont élevés par des “couples” homosexuels. Il faut donc créer un cadre juridique pour les protéger. »

Outre le gonflement des chiffres relatifs à l’homoparentalité de fait (l’A.G.P.L. affirme que 300 000 enfants sont dans ce cas de figure, contre… dix fois moins selon l’Institut national des études démographiques, INED), ce propos ignore la situation réelle de ces « familles » : les enfants élevés par des couples homosexuels sont bien issus d’un père et d’une mère. L’homoparentalité découle en premier lieu de la recomposition familiale, laquelle possède déjà un cadre juridique protecteur (la loi du 4 mars 2002 sur la coparentalité). La procréation médicale assistée réalisée à l’étranger au profit d’une « mère » seule est, en comparaison, un cas marginal, d’ailleurs interdit par la France.

5. – « Les homosexuels sont victimes de discrimination. Ils doivent avoir, comme les hétérosexuels, le droit de se marier et le droit d’avoir des enfants. »

En France, les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les homosexuels ont, comme les hétérosexuels, le droit de se marier à titre individuel. Nulle discrimination n’est alors constituée, dès lors que le mariage ne traduit pas l’amour réciproque d’un individu pour un autre (l’interdiction du mariage entre frères et sœurs ou entre parents et enfants serait alors tout autant discriminante) mais la création d’une cellule familiale visant la procréation. Surtout, le « droit à l’enfant » n’existe pas : cela revient, selon le pédiatre Aldo Naouri, à faire de l’enfant un « objet de consommation ». Pas plus que les couples hétérosexuels infertiles ou inaptes à l’adoption, les « couples » homosexuels ne peuvent faire valoir de droit à l’enfant. Dût-il être reconnu, ce droit créerait une réelle discrimination, entre les enfants cette fois, certains étant arbitrairement privés du développement psychologique normal que seuls permettent un père et une mère.

6. – « Si l’union homosexuelle et l’adoption d’enfants par des “couples” de même sexe sont interdits en France, comment considérer les “couples” homosexuels qui vont se marier ou adopter à l’étranger ? »

La loi est claire : les citoyens français à l’étranger restent soumis au droit français. Un acte de mariage ou d’adoption établi à l’étranger en violation de la loi française ne peut produire aucun effet utile sur le sol français. Le contraire serait choquant : il créerait une discrimination entre citoyens ordinaires et citoyens violant la loi en quittant provisoirement le territoire national.

7. – « Il n’y a pas de différence réelle entre les hommes et les femmes. Le droit à l’adoption pour les “couples” homosexuels est justifié au regard des enseignements de la gender theory et de la queer theory. »

Dans la lignée du propos célèbre de Simone de Beauvoir (« On ne naît pas femme, on le devient »), les théories du genre et queer postulent que le sexe naturel ne doit plus déterminer le sexe social. Réhabilitant toutes les formes de sexualité, ces théories investissent le champ social et visent à en détruire les fondements, perçus comme prescripteurs et oppressants. L’adoption d’enfants par des « couples » homosexuels n’est en ce sens qu’une étape qui précède empiriquement (cela s’est observé en Espagne, en Californie, aux Pays-Bas) l’interdiction des termes de « père » et de « mère », l’interdiction de diffusion de certaines données (par exemple le taux plus élevé de séropositifs parmi les homosexuels), la triparentalité, la polygamie, la réhabilitation de la pédophilie, etc.

8. – « Le statut du beau-parent et le contrat d’union civile ne sont pas des étapes vers l’adoption par des “couples” de même sexe. »

Le statut de beau-parent représente une évolution contestée d’un droit déjà protecteur de l’enfant, celui issu de la loi du 4 mars 2002 sur la coparentalité (cf. ch. 4). Ce statut marquerait un pas de plus vers la « parentalisation » artificielle du lien entre l’enfant et le tiers vivant avec son père ou sa mère, et surtout il conduirait à écarter le juge d’un processus devenant purement contractuel : plus rien ne protègerait l’enfant des abus faits de ce statut (multiplication des beaux-parents dans le temps au gré des ruptures et recompositions, conflit d’autorité entre le parent biologique écarté et le beau-parent, mise à l’écart du père ou de la mère biologique, etc.). Quant au contrat d’union civile dont il fut question sous le mandat du Président Sarközy, les garanties qu’il aurait offert et son ouverture à des couples hétérosexuels autorisés à faire valoir leurs droits de parents dans ce cadre aurait, comme en atteste ce qui s’est produit dans les autres pays européens, débouché sur un droit à l’adoption pour les « couples » de même sexe.

*

Si les questions évoquées par Béatrice Bourges en fin d’ouvrage ont eu une actualité plus brûlante en 2008 qu’aujourd’hui, où il est purement et simplement question de « mariage » homosexuel, nous gageons en revanche que le reste de l’argumentaire ci-avant résumé pourra servir à nos lecteurs à nourrir un débat au sein duquel il est primordial de faire valoir les intérêts de l’enfant. Eux-seuls, en définitive, doivent autoriser les évolutions sociales qui les touchent, eux-seuls doivent les empêcher s’ils ne sont évidemment garantis.


 » Béatrice Bourges, L’homoparentalité en question. Et l’enfant dans tout ça ?, Monaco, éd. du Rocher, 2008


[1« Ose te servir de ton entendement ». Emmanuel Kant, Qu’est-ce que les lumières ?, 1784.

[2Claude Halmos, Pourquoi l’amour ne suffit pas. Aider l’enfant à se construire, 2006.

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