Très modeste réponse à l’inquisitoriale de Catherine Rouvier

Très modeste réponse à l’inquisitoriale de Catherine Rouvier

Molière : « Il n’y a point de pire sourd que ceux qui ne veulent pas entendre. »

Jean Giraudoux, Electre : « En un mot tu es faibles et tu as des principes. »

Nos amis du Rouge et le Noir ont eu l’excellente idée d’interroger une experte de la réflexion sur les mouvements de foule pour analyser les manifestations en opposition au mariage homosexuel. Nous sommes parfois d’accord avec les arguments, souvent très intéressés mais aussi à l’occasion surpris par certains propos. Voici donc un éditorial, pour une fois non polémique, qui cherchera simplement à affiner et à questionner l’article de nos camarades. Qu’ils soient en tous cas remerciés de leur excellent travail et que M^me Rouvier soit certaine que cette réponse n’a pour seul objectif que d’éclaircir certains passages et de comprendre les conséquences de son intervention. Si parfois les arguments sont mal compris, que chacun soit certains que c’est par erreur. En outre le ton se veut parfois assez froid quant à la manifestation pour tous : il est bien évident que nous invitions tout d’abord nos lecteurs à se mobiliser pleinement contre le mariage pour tous plutôt que de raffiner sur les moyens stratégiques.

La sociologie est contre nous.

M^me Rouvier considère que la foule des manifestants contre le mariage homosexuel est en puissance capable d’effrayer le gouvernement et François Hollande au point de leur faire amender substantiellement le projet de mariage pour Tous. Cette opinion paraît contestable à trois égards : l’un sociologique, l’autre politique et finalement du fait d’ un aspect plus théorique. Si l’on considère la sociologie des manifestants on est face à un mouvement familial et jeune, très souvent marqué par le catholicisme. C’est l’évidence que cette population ne fait pas peur.

Elle est trop bien insérée socialement pour avoir un intérêt objectif à un soulèvement politique d’ampleur, elle est essentiellement tournée vers des activités neutres politiquement : scoutisme plutôt que militantisme, œuvres de charité plutôt que groupes de pressions. En outre elle est composée d’individus éduqués, dont on a même vanté la courtoisie. L’intégration du cortège de Civitas, si elle drainerait certainement des éléments plus vindicatifs voire potentiellement plus déterminés n’apporterait somme toute qu’une variante de cette même origine sociale. En un mot s’il est évident qu’il faut un mouvement politique pour obtenir un résultat politique, peut-être faut-il alors regretter le grand manque d’investissement politique des catholiques français.

La politique comme morne plaine.

Un des éléments sur lesquels nous vous rejoignons totalement c’est bien la nécessité de voir des français d’origine étrangère nous rejoindre en masse. Ils sont il est vrai une clientèle politique très prisée des notes de Terra Nova et leur implication constituerait un signal d’alarme pour la majorité socialiste. Toutefois, quelques conditions semblent devoir être réunies. Sauf à croire que sur un simple appel citoyen des cohortes de musulmans, puisqu’il s’agit bien finalement de cela, viendraient à nous rejoindre, l’équation semble audacieuse. Sera-ce en effet sur l’instigation de Jean-François Copé qu’ils viendront nous aider, ou alors à l’appel de sites internet d’envergure investis sur le sujet, sites qui dans leur très grande majorité considèrent l’islam comme un danger pour le modèle français ? La seule optique est alors religieuse : seule une union claire des trois grands monothéismes dans un appel à la révolte populaire pourrait créer une union.

En outre nous irions encore plus loin M^me Rouvier dans la grande culpabilité politique au sujet du manque d’efficacité des manifestations précédentes. L’UMP ne s’est emparée qu’avec retard du sujet et ses ténors ont en réalité montré une abdication très rapide. Les quelques processions devant l’Elysée et une envolée de Guaino sont un butin bien maigre. Le Front National a eu un comportement lamentable sur le sujet. Lamentable parce que le FN et notamment sous la direction de Marine Le Pen se montre toujours incapable de produire un intervenant médiatique/intello ayant le talent, certes nécessairement immense, de faire valoir une voix cohérente. A ce titre seul Mariton peut prétendre être parvenu à quelque chose de convenable dans les médias. Lamentable aussi parce que l’indécision des instances dirigeantes sur le sujet montre un énième revirement stratégique interne au front national, ou les tenants de la droite catholique forte perdent du terrain sur les nouveaux venus.

Enfin il est bien claire que les dirigeants de la Manifestation pour Tous s’ils excellent dans la production d’une proposition médiatiquement convertible n’en sont pas moins visiblement très peu efficaces dans la négociation politique. Leur organisation en collectif donne peu de lisibilité et si l’engouement de Frigide Barjot est un atout de poids, la machine à faire fructifier la mobilisation semble pour le moins déficiente.

On ne se mobilise pas du jour au lendemain.

Catherine Rouvier regrette les dehors naïfs de la manifestation : couleurs joyeuses, slogans ironiques, leader comique. N’est-ce pas le prix à payer pour mobiliser une jeunesse catholique/ et ou/ de droite dont la première caractéristique est bien l’apathie politique ?Ou est cette foule au moment d’informer les trajectoires économiques par un point de vue chrétien ? Ou est-elle dans les débats sur la Nation, l’identité, la défense des souverainetés ? Absente, aphone. La mobilisation contre le mariage homosexuel ne peut suppléer à un manque d’habitude à la joute politique, aux analyses des méandres stratégiques et même à l’investissement physique que demande une foule. Ce corps charnel qui chavire et transcende les individualités comment peut-il sortir du port si fort peu de ses membres n’ont jamais eu ne serait-ce que l’envie de prendre la mer politique ? Les organisateurs n’ont-ils pas alors raison d’insister sur la satisfaction des besoins modernes : parcours très sécurisés, très distincts pour éviter
tout effet d’entrainement, tout sentiment de puissance, qui au lieu d’attirer finirait par épuiser des mentalités habituées aux complaintes silencieuses ?

En somme la solution pour que la manifestation du 24 Mars fonctionne n’est-ce pas à l’inverse qu’elle ne tente même pas de procéder par la foule mais par le bruit, le vacarme, ce qui est par ailleurs l’un des procédés préfèrés de La Manif pour Tous. Nous n’aurons pas de Maurras surgissant en un mois de quelque ligue méconnue, nous n’aurons pas de droite unie contre un Etat Mitterrand, nous n’aurons pas de masses dangereuses aptes à effrayer le gouvernement. En revanche une manifestation rassemblant les plus grands dignitaires religieux du pays semble être une solution adaptée : au chef introuvable elle substituerait une figure tutélaire : Dieu/ le dogme/etc. Aux slogans trop gentillets elle substituerait la vigueur spirituelle des musulmans et le trop plein de brimades des chrétiens.

Finalement, ne nous trompons nous pas de comparaison en utilisant 1984, à l’heure de la politique des réseaux, de l’information continue, et de la société dépolitisée ? Cette mobilisation ne doit-elle pas justement se placée sur un champ pseudo culturel/intellectuel par la présence renforcée dans les médias, par une ténacité dans les petits rassemblements et finalement le 24 par un mouvement de rassemblement, ou nul ne chercherait plus la foule, mais simplement un certains mimétisme ?

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