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[CHRÉTIENTÉ] L’épée d’Haïfa et la chevalerie rêveuse

18 novembre 2021 Contributeurs extérieurs

Le 16 octobre dernier, un plongeur israelien a déniché dans le sable, au large du port d’Haïfa (Israël), une épée vieille de 900 ans. L’arme, recouverte de coquillages et de coraux aurait selon toute vraisemblance appartenu à un chevalier croisé.

Cette information a fait le tour du monde car le folklore est à la mode. Comment fait-on des croisés ? Il n’y a malheureusement pas de mode d’emploi même si certains écrivains nous on fournit des pistes de réflexions utiles. La centralité souterraine de cette question réside dans ce qu’Ernst Jünger a nommé « la victoire sur la crainte de la mort ». Voilà ce qui distingue l’éthique chevaleresque de celle des hommes du monde. Le croisé devra toujours préférer une vie brève et intense plutôt que longue et insipide.

L’exhumation de cette glorieuse épée, si elle a le mérite de nous ramener à une époque révolue où nos ancêtres avaient à coeur d’accomplir leur devoir avant de poursuivre inlassablement de nouveaux droits, prête aussi le flanc à la rêverie où beaucoup se réfugient pour se prémunir d’une réalité désenchantée. C’est toute l’impasse de la mélancolie. Ceux qui en sont les victimes ont certes le courage de méditer sur le passé, mais ont la lâcheté de s’y jeter éperdument en désertant les luttes qu’imposent l’ici et maintenant.

L’esthétique du chevalier exerce un éminent pouvoir d’attraction chez les jeunes générations piquées de politique et d’histoire. Beaucoup s’imaginent couverts d’une armure et de gloire mais combien sont ceux qui perçoivent la dignité que requiert ce rang et les devoirs qu’il appelle ? On a tendance à ne considérer que les aspects flatteurs d’une position sans prendre en compte les sacrifices qu’elle demande. On pardonnera à l’enfant de réduire le chevalier à son folklore mais on ne pardonnera pas à l’homme désireux de se battre pour son pays et sa foi de s’engouffrer dans cette impasse stérile. Le labeur et la rigueur sont l’unique source de la puissance du croisé . Se draper dans le costume du chevalier sans en avoir compris l’essence fait de nous des cabotins qui surinvestissent l’esthétique au détriment de la métaphysique. Endosser l’armure du chevalier c’est embrasser la souffrance.

Les meilleurs français “se trouvent aujourd’hui à la veille d’un grand effort et ils voudraient être au lendemain”. Le croisé de demain devra d’abord “revenir à soi pour s’examiner” et “fixer en soi le principe des changements qu’on veut porter dans les choses” pour “se rendre le citoyen d’un Etat qui n’existe pas encore.” Cela implique des sacrifices considérables. Souffrir de la marginalisation pour préserver son honneur. Rejeter le confort matériel qui nous ouate en nous donnant en horreur le travail et la souffrance qui sont pourtant salutaires. Dompter la technique parasitaire, la soumettre à notre volonté, la diriger utilement pour nous préserver de la paresse. Fuire l’esprit du monde citadin qui flatte l’orgueil et fait la publicité des faux semblants. A tout cela il devra dire non, car le rebelle est celui qui ne se soumet pas à une autorité illégitime et qui sait que “le renoncement contient la fécondité ».

Il faut dire que « Le sens de la responsabilité s’est fortement déprimé. » On peut condamner la génération qui nous fait face en la qualifiant de festive et de décadente, on peut vilipender nos élites corrompues autant qu’on le souhaite, “cela n’empêche pas de garder des défauts tout voisins des leurs, ni de partager avec eux la responsabilité dont on voudrait les accabler. »

Les criailleries et les lamentations ne sont d’aucun secours. L’adhésion à des principes est insuffisante. “Tout repoussé qu’il est par le cœur, tout condamné qu’il est par l’esprit, le régime actuel n’en reste pas moins implanté dans les choses, [...] parce que beaucoup de ceux qui le critiquent sympathisent encore avec lui par toute une partie de leur nature.”

Ce début de XXIe siècle a connu le regain de la Réaction. De la Manif pour tous jusqu’aux révoltes contre l’état d’urgence sanitaire, en passant par les Gilets Jaunes, on retrouve le caractère intrépide des gaulois. Les luttes qu’imposent l’ici et maintenant doivent mobiliser toutes nos forces. Le temps des lamentations est derrière nous. Nous ne devons pas contempler cette épée comme la pièce d’un musée baroque. Au contraire, si nous voulons un changement dans les choses, elle devra stimuler notre courage et piquer notre lâcheté.

18 novembre 2021 Contributeurs extérieurs

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