L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
L’événement est anecdotique, mais il témoigne que la France compte encore en son sein des défenseurs éperdus de sa langue.
Lundi dernier, le député UMP Julien Aubert a été sanctionné pour s’être adressé à Sandrine Mazetier, vice-président de l’Assemblée nationale, en l’appelant « Madame le Président » et non « Madame la Présidente ». Les quelques sommations du président n’ont pas entamé le panache du député du Vaucluse qui a ponctué son intervention par ce bel hommage : « j’applique les règles de l’Académie française ». Malheureusement, cette si prestigieuse institution ne modèle même plus, non seulement la langue des députés, ce serait trop demander, mais encore le règlement langagier de l’Assemblée nationale. Ce dernier prévoit en effet que, lorsque le président est une femme, il convient de l’appeler « Madame la Présidente ». Ce nouveau règlement date de 1998, première année de la cohabitation, ce qui n’étonnera personne. Ce qui est pire, c’est qu’en 1999, la Documentation française a publié un catalogue de métiers, titres et fonctions arbitrairement féminisés. Lionel Jospin l’avait préfacé ; le pouvoir cherchait alors à brusquer la langue, méprisant son harmonie et son histoire.
Il y a quelques jours, environ cent quarante députés ont adressé une lettre ouverte au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Ils lui demandent de revenir sur l’injuste sanction qui frappe M. Aubert, lequel s’est contenté de parler un bon français.
Toute cette affaire est grotesque. Elle donne néanmoins l’occasion de revenir sur les règles qui concernent la féminisation des titres, grades et fonctions. Il faut reconnaître que ces règles sont assez compliquées : entre l’évolution de la langue, le respect de la tradition et le militantisme le plus bêta, il est difficile de s’y retrouver. Heureusement, l’Académie a publié aujourd’hui même une « mise au point » pour rappeler sa position, qu’il est avisé d’adopter. Le paragraphe le plus important est le suivant :
La Commission générale [de terminologie, dont l’Académie approuvait les conclusions] rappelle que, si l’usage féminise aisément les métiers, « il résiste cependant à étendre cette féminisation aux fonctions qui sont des mandats publics ou des rôles sociaux distincts de leurs titulaires et accessibles aux hommes et aux femmes à égalité, sans considération de leur spécificité. […] Pour nommer le sujet de droit, indifférent par nature au sexe de l’individu qu’il désigne, il faut se résoudre à utiliser le masculin, le français ne disposant pas de neutre ». Elle ajoute que « cette indifférence juridique et politique doit être préservée dans la règlementation, dans les statuts et pour la désignation des fonctions ». Elle affirme « son opposition à la féminisation des noms de fonction dans les textes juridiques en général, pour lesquels seule la dénomination statutaire de la personne doit être utilisée. » Elle « estime que les textes règlementaires doivent respecter strictement la règle de neutralité des fonctions. L’usage générique du masculin est une règle simple à laquelle il ne doit pas être dérogé » dans les décrets, les instructions, les arrêtés et les avis de concours. Les fonctions n’appartiennent pas en effet à l’intéressé : elles définissent une charge dont il s’acquitte, un rôle qu’il assume, une mission qu’il accomplit. Ainsi ce n’est pas en effet Madame X qui signe une circulaire, mais le ministre, qui se trouve être pour un temps une personne de sexe féminin ; mais la circulaire restera en vigueur alors que Madame X ne sera plus titulaire de ce portefeuille ministériel. La dénomination de la fonction s’entend donc comme un neutre et, logiquement, ne se conforme pas au sexe de l’individu qui l’incarne à un moment donné. Il en va de même pour les grades de la fonction publique, distincts de leur détenteur et définis dans un statut, et ceux qui sont des désignations honorifiques exprimant une distinction de rang ou une dignité. Comme le soutient la Commission générale, « pour que la continuité des fonctions à laquelle renvoient ces appellations soit assurée par-delà la singularité des personnes, il ne faut pas que la terminologie signale l’individu qui occupe ces fonctions. La neutralité doit souligner l’identité du rôle et du titre indépendamment du sexe de son titulaire. »
Il fallait bien dire : « Madame le Président. »
Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don
Dernières dépêches : [NOUVEAUTÉ] Sortie du jeu de société chrétien « Theopolis » • Retour de la communion sur les lèvres à Paris • Etats et GAFA : l’alliance impie est en marche • [CHRISTIANOPHOBIE] Retour sur le concert raté d’Anna von Hausswolff • [ÉGLISE] Les hussards de la modernité à l’assaut des derniers dogmes de l’Eglise • [IN MEMORIAM] Charles, entre idole des jeunes et divinité laïque • [CHRÉTIENTÉ] L’épée d’Haïfa et la chevalerie rêveuse • Le service public l’a décrété : le wokisme n’existe pas • [IN MEMORIAM] L’Heure des comptes viendra-t-elle bientôt ? • [IN MEMORIAM] 4 novembre 1793 : Louis de Salgues de Lescure
Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.
© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0,
tous droits réservés.
Plan du site
• Se connecter •
Contact •
RSS 2.0