L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
Cet article est d’abord sorti sur Liberté Politique. Je n’y ai rajouté qu’une petite ligne avant de le publier ici sous sa forme définitive.
Les 18-22 ans, dits « primo-votants », vont voter pour la première fois, en avril prochain. L’Anacej (Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes) a commandé un sondage Ifop pour étudier leurs intentions de vote. Ventre-saint-gris ! Marine Le Pen, la candidate de la réaction nationale, fait 23% (c’est-à-dire presque 7% de plus que pour l’ensemble de l’électorat) : presqu’un quart des nouveaux électeurs semblent souffrir d’ergotisme. Heureusement, c’est tout de même François Hollande, candidat de l’idéologie consensuelle, qui rassemble le plus d’intentions de votes (31%) tandis que le candidat du pragmatisme libéral, Nicolas Sarkozy, arrive troisième (à 21%).
Alors, les journalistes adultes « analysent » ou plutôt « psychanalysent », avec toute l’amertume d’une génération qui n’a pas su arder longtemps du feu de sa jeunesse – et qui l’a même trahi. Usés par leurs épanchements structurels, ils veulent nous éviter un vote « sentimental » ; fatigués par leurs échecs manifestés, ils souhaitent nous garder d’un « vote protestataire » (Mikaël Garnier-Lavalley, délégué général de l’Anacej) ; flétris dans leur « collaboration », ils ne supportent pas ce « vote anti-système » (Anne Muxel, directrice de recherches au Cévipof).
Cet article ne se veut pas un réquisitoire en faveur Marine Le Pen – laquelle joue également avec l’esprit dit « de résistance » de la jeunesse, ni une négation de telles motivations chez les huit plus jeunes pour cent de l’électorat (7,9%, précisément) ; mais bien davantage, une recherche de votre estime. Les primo-votants ne sont pas des bébés, sans parole, jouets de l’opinion, dont l’existence se devrait à votre « bon goût ». Les primo-votants sont doués d’une raison – encore plus spoliée, certes, que la vôtre en son temps – et cherchent à l’utiliser à bon escient ; les primo-votants sont munis d’un coeur – plutôt noyé dans l’alcool que conservé dans du formol – avec lequel ils aiment leur famille et leur pays et les primo-votants ont besoin de votre regard autoritaire – c’est-à-dire, qui fait grandir – pour se réappropier et faire croître une patrie qu’ils semblent plébisciter.
Ces jeunes Français ne sont pas des idéologues zélés, ne vous chaille ! Ils n’ont pas été enrôlés par quelque fasciste tartempion ; pour la plupart (59 %), ils ne sont pas encore décidés et peuvent encore changer d’avis. Au contraire, ils ont pris le parti de la réalité – que ce soit dans le pragmatisme (les sarkozistes) ou la réaction (les lepenistes). S’ils abstiennent beaucoup (seulement 70% de participation prévue au premier tour, 53% au second), s’ils ne disent mot ; c’est peut-être parce qu’ils consentent douloureusement à la méchanceté inhérente à la vie politique, qu’ils acceptent, les dents serrés, que leurs pères ne sont pas parfaits – et ne le seront jamais. Ainsi est notre héritage : un monde où l’Espérance fut pourchassée et les espoirs déçus. Alors, ne dupez pas davantage la jeunesse, vous n’attirerez que son mépris. Elle ne croit plus dans les mythes médiocratiques qui inspiraient vos antiques monômes comme elle ne chante pas la giovinezza à tue-tête ; elle ne considère plus le vote comme un devoir sous prétexte qu’on a tué des gens pour l’accomplir ; elle ne veut pas d’une pseudo « confiance à recréer », ou d’un « dialogue » unilatéral (vu sur je-vote.fr qui va jusqu’à prétendre qu’il suffit déjà de prendre « des mesures, comme la suppression du cumul des mandats, qui permettent d’envoyer un signal fort à même de réenchanter la politique »). La jeunesse est peut-être simplement blasée trop tôt, plus tôt que beaucoup de ses prédécesseurs.
Mais, n’est-ce pas par le retour à la réalité – à la si charnelle France, aux si inconditionnelles familles à la si juste autorité – que nous pourrons gonfler de notre sang vos vieux rêves un peu trop angéliques et (quasi) translucides ? Ce que je vois surtout dans ce vote : c’est qu’entre les jeunes « gauchistes » qui se rendront au pragmatisme et les jeunes « droitards » décomplexés, la France éternelle a encore de beaux jours devant elle, peut-être. Nous ne pécherons pas par présomption, nous n’y arriverons pas seuls. Quel regard nous jugera ? Le vôtre : l’énergie que vous avez déployée nous empêche l’inertie, la fermeture et la paresse. Quel regard nous portera ? Celui de nos enfants, vos petits enfants.
Le R&N a besoin de vous !
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