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La Fondation Espérance Banlieues, dont notre gazette avait parlé il y a quatre ans, est depuis quelques semaines l’objet d’un audit, demandé par l’organisme qui l’abrite et l’a fondé, la Fondation pour l’école. Cette dernière soutient depuis 10 ans les initiatives scolaires et le principe de liberté scolaire, face à un État dont la tradition est peu encline à respecter le droit des parents à éduquer leurs enfants comme bon leur semble. Si la Fondation Espérance banlieues fut au départ une sorte de vaisseau amiral de l’organisation fondée et dirigée par Anne Coffinier, le torchon brûle désormais entre deux partis dont les intérêts sont aujourd’hui divergents. Alors qu’elle était sensée acquérir la bienveillance des pouvoirs publics toujours prompts à soutenir les projets à destination de la diversité, la Fondation Espérance banlieues veut désormais voler de ses propres ailes. A quel prix ?
Il faut tout d’abord dire que le projet initial, contrairement à ce que disait l’article de 2015 dans notre gazette, n’était pas en soi condamnable. Peut-on décemment faire porter sur des enfants, mahométans ou non, la responsabilité de la venue parfois illégale de leurs parents, ou l’absence criante de leur assimilation dans laquelle la République a joué un rôle terrible ? Si la fermeture des vannes migratoires, voire la remigration, sont désirables, il n’est pas envisageable, en l’état, et certainement pas chrétien, de décider que les enfants des immigrés n’ont pas droit à une éducation correcte. Pire, cela les condamnerait à la stupidité et n’aurait d’autre résultat, bien connu déjà, que de les précipiter dans la délinquance où ils trouvent une autre forme de respectabilité sociale, s’intègrent à une société parallèle où ils prennent part au marché et à la consommation à travers l’économie souterraine.
Il est compréhensible, en revanche, qu’on se demande pourquoi les enfants d’immigrés devraient être aidés en priorité sur les autochtones qui subissent tout autant, et sans recevoir des financements de commisération, la décrépitude totale de l’école républicaine. Si les raisons de communication pouvaient expliquer ce calendrier un peu curieux, les choses ont changé depuis : la Fondation Espérance ruralités a vu le jour, se proposant de venir au secours des populations défavorisées en province, souvent bien plus délaissées par les pouvoirs publics que celles qui occupent le pourtour des périphériques de nos grandes villes. L’idée en soi ne paraissait donc pas mauvaise, et pouvait même relever d’une stratégie efficace de conquête de l’opinion.
Encore eût-il fallu ne pas dénaturer l’œuvre « Espérance banlieues », de bien des manières, comme le firent les instances dirigeantes. Tout d’abord, en cédant à la tentation bien compréhensible de s’adapter à la population, alors qu’il eût été préférable de continuer sans faillir d’exiger que les élèves s’adaptassent aux codes de la France qui les accueille. Que ce soit par le port d’un uniforme « adapté », le pull à capuche, marqueur habituel des banlieusards, ou encore par des chansons à destination de Maitre Gims, saltimbanque notoirement haineux envers les blancs. Ces compromis, si apparents soient-ils, témoignent d’une adaptation qui frôle la soumission, et montrent bien que l’on n’assume pas de vouloir tourner le regard des élèves vers des réalités artistiques de plus grande valeur, mais aussi et surtout que la sous-culture urbaine, bien médiocre pourtant, est toujours une référence : elle était même entérinée par l’équipe professorale. Ce n’est pas avec un spectacle inspiré des Fables de La Fontaine, reprenant les codes de l’art contemporain, organisé à Versailles grâce à l’association LeSpotluz, et joué par les élèves d’une seule école du réseau Espérance banlieues, que l’on se convaincra du contraire…
Dans la série des interrogations, il y a aussi le rapprochement récent avec la Fondation Bettencourt, qui, à coup de millions d’euros, pousse très vraisemblablement le président d’Espérance banlieues, Eric Mestrallet, à se détacher de la Fondation pour l’école. Ce pour deux raisons, la première serait de ne pas avoir à se commettre avec des gens aux opinions sulfureuses, et la seconde serait de chercher à obtenir le financement public des écoles du réseau Espérance banlieues via un contrat, ce qui était auparavant clairement exclu par ce même « aventurier des banlieues ». Il indique clairement cet objectif dans son dernier rapport d’activités… Il s’agit non seulement d’une trahison mais aussi d’un risque majeur, celui de se voir manipulé au gré d’intérêts peu compatibles avec la réussite des élèves. Chaque fois que les milieux économiques ont investi massivement dans des structures éducatives, on a assisté à une dégradation de l’enseignement, à son travestissement en filière de promotion ou de recrutement, via telle ou telle formation professionnelle propre à se rendre à la merci d’un employeur.
Par-dessus tout, la volonté actuelle d’atteindre des degrés toujours plus élevés de coopération avec la puissance publique, notamment pour la promotion et l’expansion du modèle, est probablement ce qui pose le plus grave problème. Il n’y a dès lors même plus de logique dans cette démarche, puisque le projet initial consistait précisément à se passer de l’action d’un état défaillant qui, en matière éducative, tend à se comporter comme une boussole qui indique le sud. Se rapprocher de l’Éducation nationale, notamment en obtenant le contrat pour les établissements de la Fondation Espérance banlieues, c’est à plus ou moins long terme s’assurer la perte du contrôle d’établissements qui pouvaient fonctionner. On y verra petit à petit s’imposer des programmes ineptes, et même s’y greffer des matières tout à fait superflues. De l’éco-citoyenneté jusqu’à l’acceptation de la diversité sexuelle…
Si l’on peut en vouloir aux dirigeants de la Fondation Espérances banlieues d’être tombés dans tous ces travers à la fois, en cherchant, émoustillés par le succès qu’ils rencontraient et par leur popularité auprès de certaines personnes bien en vue, à faire de leur organisation une machine rentable avant même d’avoir cherché à poser des bases solides, il ne faut pas s’étonner de ce qu’ils ont pris cette pente.
Quelle éducation, quelle école souhaitons-nous pour demain ?
Le principe de la Fondation pour l’école est justement d’abriter ou d’accompagner des organismes qui promeuvent des conceptions et des projets scolaires fort variés. Leur seul point commun est d’avoir le statut d’écoles hors contrat. Cela permet de faire autre chose que de la surveillance scolaire améliorée. Or, parmi ces organismes, si l’on trouve Espérance banlieues et sa version autochtone Espérance ruralités, qui sont de bonne constitution et vraisemblablement pilotés par la fondation-mère, on rencontre aussi d’autres établissements moins recommandables. Parlons notamment d’un chapelet de « lycées démocratiques », qui fait la part belle à la négociation entre les enseignants et les élèves, sape l’autorité de l’adulte sur l’enfant, n’impose aucun cours ou parcours éducatif, laisse les jeunes jouer toute la journée aux ordinateurs ou sur leur téléphone « intelligent », et noient l’apprentissage - quand il y en a - sous un tombereau de tâches annexes souvent proches du ridicule.
Outre le fait qu’en dehors de questions purement administratives on voit mal en quoi un « lycée démocratique » se distingue réellement de l’établissement lambda de l’Éducation nationale, c’est là faire la promotion d’un modèle éducatif qui a prouvé sa nullité absolue. Est-ce là vraiment un modèle à soutenir ? Défendre la liberté scolaire même lorsqu’elle met en valeur des idées fumeuses, c’est donner une légitimité aux décisions des fonctionnaires de la rue de Grenelle qui s’amusent jour après jour à restreindre la liberté des établissements traditionnels.
En tant que « premier interlocuteur de l’état » autoproclamé, la politique de la Fondation pour l’école gagnerait à être plus lisible. Si elle a bien un rôle, c’est de séparer le bon grain de l’ivraie avant que l’Éducation nationale n’y mette son nez. L’Éducation nationale pourrait s’appuyer sur les projets les plus ridicules ou le plus dangereux, pour pointer les déficiences de la liberté scolaire en soi. Il s’agit donc d’éviter de noyer les bonnes initiatives, qui promeuvent et illustrent l’efficacité de méthodes pédagogiques et éducatives anciennes et éprouvées, dans un flot confus d’autres entreprises beaucoup moins appréciables.
Il y a peut-être eu de la précipitation dans les manœuvres de la Fondation pour l’école. S’il semble évident qu’il faut désormais rappeler la Fondation Espérances banlieue et son président Eric Mestrallet à leurs objectifs initiaux, il sera peut-être bon aussi de se poser des questions sur la stratégie mise en œuvre actuellement. Ce n’est pas en faisant des coups publicitaires et en s’attirant des mannes financières que l’on construit quelque chose de solide, surtout s’agissant d’éducation, matière sensible s’il en est. Mieux vaudrait multiplier, sous tutelle étroite, les établissements du type de ceux qui ont fait leurs preuves (et ceux d’Espérance banlieues en font partie) et attendre patiemment que le contraste avec le naufrage toujours plus profond de l’Éducation Nationale permette de renégocier la mainmise qu’a l’état sur le système éducatif, plutôt que de se disperser dans diverses alliances de circonstance, mariages de la carpe et du lapin, qui, au-delà de la question technique de la liberté d’initiative en éducation, n’ont jamais permis de construire une instruction sérieuse. C’est bien là le but de tous, veut-on croire ; il faut que ce soit plus manifeste, sans quoi on aura du mal à trouver des soutiens à cette entreprise.
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