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Le sénateur Victor Hugo aurait-il voté pour la loi Taubira ?

Christiane Taubira a déclaré lors de la création du premier opéra de Robert Badinter, le 27 mars, nourrir « une passion de longue date » pour Victor Hugo. Elle nous offre une excellente occasion de nous pencher sur cette gloire de la République. Sénateur de 1876 à sa mort en 1885, Victor Hugo a — faut-il le rappeler ? — toujours été un ardent défenseur des droits des enfants. Nos enfants apprennent aujourd’hui encore à l’école Melancholia, qui dénonce le travail des mineurs.

Dans L’Homme qui rit (1868), récemment adapté au cinéma, Hugo développe un thème qui fait écho à notre actualité : une assemblée de représentants mêlée à un trafic d’enfants. Le héros est abandonné par son père au profit de son demi-frère : « C’était l’époque où l’on coupait court aux filiations ». L’enfant est défiguré par les « comprachicos », les « achète-petits » : « ils démarquaient un enfant comme on démarque un mouchoir ».

Hugo dénonce le droit à l’enfant : « Un enfant destiné à être un joujou pour les hommes, cela a existé. [Ndlr : Cela existe encore aujourd’hui] Pour que l’homme-hochet réussisse, il faut le prendre de bonne heure. Le nain doit être commencé petit ».

A la fin du récit, le héros s’adresse à la Chambre des Lords : « Milords, vous avez le pouvoir, l’opulence, l’autorité sans borne, l’immense oubli des autres ». Mais la séance se poursuit dans un ricanement tragique : « Les cénacles d’hommes souverains ne demandent pas mieux que de bouffonner ».

Hugo s’est inspiré de faits réels. Il a voulu, dit-il, « renseigner la démocratie » sur l’épisode dit des enlèvements d’enfants à Paris, sur ordre du lieutenant de police Berryer, en application d’une ordonnance du 12 novembre 1749. D’Argenson, témoin direct, écrit : « Mai 1750. Révoltes dans Paris pour des enfants enlevés par la maréchaussée sous le prétexte d’extirper la mendicité. Les archers de Paris ont arrêté de petits gueux et quelquefois, se méprenant, ils ont arrêté des enfants de bourgeois. Grands attroupements de peuple le 17 et le 20. Les archers font exprès de telles méprises pour extorquer quelques pistoles aux bourgeois. Le dimanche 24 mai, les rues étaient si pleines de monde que celui qui écrit a été obligé de se réfugier dans un café, où il est resté enfermé trois heures ». Michelet date de cette époque le moment où le roi devint « un objet d’horreur »

 pour les Parisiens.

L’intérêt de Victor Hugo pour les manifs parisiennes en faveur des enfants annonciatrices de la Révolution devrait en toute logique interpeller son admiratrice d’aujourd’hui, Madame Taubira. Elle pourrait aussi relire Victor Hugo à ses concitoyens (1848), document disponible sur le site du Sénat : « Deux Républiques sont possibles. L’une ruinera les riches sans enrichir les pauvres, abolira la propriété et la famille, décapitera la pensée, niera Dieu, en un mot, fera froidement ce que les hommes de 93 ont fait ardemment, et, après l’horrible dans le grand que nos pères ont vu, nous montrera le monstrueux dans le petit. L’autre fondera une liberté sans usurpation et sans violences, une égalité qui admettra la croissance naturelle de chacun. Je suis prêt à dévouer ma vie pour établir l’une et empêcher l’autre ».

Claire Proszwimmer

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