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Le peuple souverain

4 février 2013 Contributeurs extérieurs

Cet article est le sixième d’une série de sept.
Même s’il se suffit à lui-même, nous vous invitons à lire le premier, le deuxième, le troisième, puis le quatrième, et enfin le cinquième.

Le peuple souverain

Henri Guaino a interpellé le Président de la République pour lui demander un referendum sur cette question : non seulement « on ne redéfinit pas le droit familial, les rapports entre parents et enfants, comme on baisse un taux de TVA » (Jean-Marc Ayrault, 2004), mais de plus ne s’abaisse-t-on jamais en demandant son avis au peuple. Bien au contraire, on se grandit. Je suis tout à fait de son avis. On nous rétorquera que le peuple a déjà tranché en élisant François Hollande, qu’un tel referendum serait inconstitutionnel ou tout simplement malvenu, car de nature à exciter toutes les démagogies. Ces arguments s’avèrent particulièrement mauvais.

D’une part, on ne met pas en œuvre un « changement de civilisation » (l’expression est de Christiane Taubira) sans en référer au peuple. Ce projet de loi entend changer la façon dont nous nous reproduisons, excusez du peu, il serait peut-être bienvenu qu’on en parle avant. Un referendum contraindrait les tenants de chaque opinion à exposer leurs arguments, de façon claire, dans un cadre organisé, et placerait la société à l’écoute du débat, permettant ainsi aux citoyens un choix éclairé. Qui peut le craindre ?

Oser affirmer que le peuple s’est prononcé avec l’élection de François Hollande revient à faire preuve d’une assurance plus qu’acrobatique. La proposition n°31 du programme de François Hollande occupait en tout et pour tout deux lignes dans les quarante pages de son projet. Dans l’entre-deux-tours de la campagne, jamais les deux impétrants qualifiés ne s’affrontèrent sur le sujet, ne serait-ce que par médias interposés. D’ailleurs, on sent bien que la légitimité du pouvoir en place vacille, sans quoi jamais une telle manifestation de soutien n’aurait été organisée et financée par le PS. On aura donc du mal à nous faire croire que les Français se sont formellement prononcés sur ce sujet.

C’est probablement ce qui a poussé des centaines de milliers de personnes à se rendre à Paris, à leurs frais, pour défiler contre ce projet de loi et attirer l’attention du pouvoir. On aurait tort de les mépriser : la plupart manifestaient pour la première fois de leur vie et leur engagement, malgré leur réticence initiale — c’est mon cas —, n’en est que d’autant plus révélateur de leur détermination. À moins de considérer qu’il existe des millions d’homophobes dans ce pays, le bon sens invite à s’interroger sur le sens de ce mouvement « consistant ».

Ces manifestants ont d’ailleurs reçu le soutien de centaines de parlementaires. Répondant à la proposition d’Henri Guaino, ils ont signé une pétition invitant le Président de la République à les dessaisir de la question pour la soumettre directement au peuple. Là encore, à moins de considérer que ces gens ne sont tous que de petits politiciens manipulateurs, qui cherchent à faire trébucher les Socialistes par tous les moyens et dans toutes les chausses-trape, on est en droit de se demander s’il ne faudrait pas écouter ce signal.

Enfin, la lettre de la constitution, dans ses articles 3 et 11, autorise tout à fait le Président à recourir au referendum. Non seulement la modification du mariage tombe-t-elle parfaitement sous le coup de l’article 11, mais encore faudrait-il nous expliquer en quoi la souveraineté nationale, exprimée par la voie référendaire comme prévu par l’article 3, pourrait-elle être limitée, comme le suggère Madame Taubira. Si tel est vraiment le cas dans son esprit, il faudrait qu’elle nous prévienne. Et qu’elle se tienne près de la frontière, au cas où. Car qui oserait sérieusement s’élever contre l’avis du peuple souverain ? Si cette question était tranchée par referendum, personne ne trouverait plus rien à y redire.

Quant à l’argument de la démagogie, il laisse pantois tant l’accusation est insultante. Il y aurait donc une petite minorité instruite et éduquée qui devrait éclairer contre son gré une majorité rétrograde, si ce n’est homophobe ? Je n’ose y croire, car nous quitterions là le champ du débat démocratique. Nous creuserions encore un peu plus profondément ce large fossé qui sépare « pro » et « anti ». Entre les militants de la Bastille et les malgré-nous du Champs-de-Mars, la rupture n’est pas surjouée, elle puise au plus profond des convictions intimes de chacun, quel que soit son parti, sa confession ou son origine. Elle est morale et c’est ce qui la rend terrible. Peut-être est-il nécessaire de rappeler nos gouvernants à l’esprit de responsabilité ?

H de K

4 février 2013 Contributeurs extérieurs

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