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Au premier rang de l’hémicycle, les vieillissantes députés prennent place. Cheveux coupés à la garçonne, allures sans grâce : à leur mine satisfaite, on soupçonne déjà tout le plaisir que ces féministes à tout crin éprouvent à l’idée d’évoquer quelques heures durant le sacro-saint « droit-des-femmes-à-disposer-de-leur-corps ». Elles l’ont fait : après avoir supprimé le délai de réflexion qui permettait aux femmes de s’interroger sur la disparition, ou non, de leur enfant à naître, les voilà vent debout pour tarir « par tout moyen », les informations susceptibles d’indiquer aux femmes l’existence de solutions alternatives à l’avortement.
Dès l’introduction du gouvernement, Laurence Rossignol cherche à rassurer son auditoire. On promet, affable : la question de l’avortement ne sera pas à l’ordre du jour. « Si l’objet de notre débat n’est pas le droit à l’avortement, il n’est pas non plus question de liberté d’expression ». Quel sera donc l’objet de cette discussion, portée par la très militante Catherine Coutelle ? La litanie d’introduction du rapporteur du texte ne laisse pourtant aucun doute sur l’objectif d’un tel texte : « SOS Tout Petits ; Laissez les vivre ; Union pour la Vie ; la Trêve de Dieu : ces noms vous rappellent quelque chose. Ce sont les noms des commandos [anti-avortement] des années 90. [...] Ils ont fait des dégâts ». Non seulement il sera question d’avortement, eu égard au travail de toute sa vie auquel Mme Coutelle semble ici vouloir apporter l’ultime sceau de la victoire, mais il sera surtout question de celle de la liberté de conscience et de la pluralité des opinions. À celles-ci, l’équipe gouvernementale ne semble prêter qu’une attention restreinte : l’arrivée à la tribune de Catherine Lemorton, présidente de la Commission des Affaires Sociales, achève de donner le ton. « Nos détracteurs pensent que nous sommes irresponsables face à la vie qui vient. [...] L’archaïsme n’a pas sa place lorsque nous défendons le droit des femmes à disposer de leur corps », hurle-t-elle à l’hémicycle. Porté comme un axiome, l’objet du débat ne laissait pas augurer une discussion sereine. Mais sur les cinquante députés présents, les parlementaires non-inscrits et les quelques derniers courageux du groupe Les Républicains étaient résolus à ne pas laisser le texte être adopté à la va vite.
Rédigé à la hâte, l’article unique de la proposition de loi ne pouvait que susciter l’ire des défenseurs de la « liberté d’expression ». Dès l’introduction du groupe Les Républicains, Christian Kert l’annonçait : si l’issue s’avérait favorable pour le texte, un recours serait porté par l’opposition devant le Conseil Constitutionnel. En condamnant « par tout moyen » des informations différentes de celles énoncées par les plateformes du Ministère de la Santé ; en employant le terme « d’allégations faussées » dissuadant la femme d’avorter, le groupe se confrontait aux aléas d’une justification portée par la passion, si vaine en politique. De Philippe Gosselin, soulevant l’inanité de la naissance d’un « délit d’opinion » à Jean-Frédéric Poisson, rappelant que cette condamnation était inutile en regard des dispositions juridiques existantes, en passant par Jean-Christophe Fromantin les interventions des députés de droite portaient essentiellement sur l’effacement discret des libertés porté par ce texte. Un texte qui limite par tout moyen l’expression alternative ; qui ne fait une fois de plus que révéler le grand écueil des socialistes : face à la contradiction, le martelage idéologique n’aura qu’un effet éphémère, à mille lieues d’une politique fondée sur le réel et détentrice d’une perspective sur le long terme. « Toutes les mesures mises en place par le gouvernement n’arrivent pas à contrer les offensives numériques des anti-choix ». Derrière les déclarations de Laurence Rossignol, réside tout le fond du problème. Parce qu’ils n’ont réussi à imposer leur paradigme, il faudra brider la parole des adversaires.
Parmi les parlementaires, Jean-Christophe Fromantin s’est fait le porte-parole de l’UDI. « Evoquer le délit d’entrave pour un droit d’expression qui relève de la liberté de conscience est une atteinte grave à la démocratie ! », a-t-il souligné. Du côté des sans-étiquettes, le « féminisme patriarcal » dénoncé par Marion Maréchal le Pen a suscité l’hystérie sur les bancs de l’hémicycle. Mais le plus tenace aura été Jacques Bompard, député de Vaucluse non-inscrit. « Nous serons tous jugés pour avoir permis que l’assemblée nationale diffuse la mort là où elle n’avait pour mission que de servir le bien commun. [...] Jugés pour avoir laissé des gens comme vous présider aux destinées de notre pays en l’inscrivant dans les plus clairs retours à la barbarie », a indiqué le parlementaire en guise de préambule. Une introduction de quelques minutes qui n’a pas manqué d’alarmer les exégètes de l’infantilisation des femmes, persuadés « qu’un enfant n’a d’existence, même virtuelle, quand il n’existe dans un projet parental » (Catherine Lemorton). Des militantes, persuadées qu’il est plus légitime de donner la mort à un enfant à naître plutôt que de faire de lui un « enfant non désiré, qui devra être suivi psychologiquement » (ibidem). Tout l’après-midi durant, le Maire d’Orange tiendra l’hémicycle, dénonçant la « promotion de la culture de mort » malgré les cris d’orfraie d’un Bruno Leroux consterné par des « propos ignobles ». Malgré les alarmes de la droite, du Front National, de l’UDI et de la Ligue du Sud, le texte sera finalement adopté. Mais retardé, fruit de nombreuses altercations, les lacunes qu’il soulève n’auront pas permis au groupe socialiste de le faire passer à sa guise et d’énoncer le message qu’il assène depuis trop longtemps comme une évidence.
« Vous porterez une grave responsabilité ! Vous représentez le passé ». Cette adresse de Nicolas Dhuicq à l’égard de Laurence Rossignol résonne comme un avertissement symptomatique : une page de l’Histoire se clôt. Celle qui, jalonnée des aspirations féministes des années soixante-dix, a fait la preuve de ses échecs. N’en déplaise aux militantes patentées du Haut Conseil entre les Femmes et les Hommes, qui se sont immédiatement réjouies de ce « pas de plus pour garantir l’accès de toutes les femmes à leur droit », celles-là ne représentent plus que l’ombre d’un passé dont elles auront à répondre. Une tribune parue dans Valeurs Actuelles, signée par de jeunes journalistes, membres du cénacle politique et métapolitique, s’en fait, au seuil de cette époque, un écho révélateur : demain, les démissionnaires du réel auront à faire face à une génération résolument persuadée « qu’on peut tout fuir, sauf sa conscience » (Stefan Zweig).
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