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De la Chrétienté dans la Babylone des peuples

9 octobre 2011 Louis Jaeger , ,

Première lettre de la Hofburg

Vienne, le 2 octobre de l’an de grâce deux mil onze

Un fourmillement de touristes venus des quatre coins de la terre ensevelit la place. Motivés par le besoin d’excursion au-delà des mers et des continents, poussés par la soif matérielle et l’artificielle découverte des cultures, ils emplissent un espace pourtant imprégné de la force spirituelle. Les marchands s’accrochent aux pierres de l’Histoire pour en tirer un bon profit. Tous se trouvent au pieds de la cathédrale de Vienne, se dressant fièrement et enracinée, elle semble hélas violée dans son silence et sa grandeur mystique.

Les peuples sont là devant elle, les uns passent en percevant le vestige d’une civilisation qu’ils estiment morte, les autres entrent, persuadés de pouvoir participer à l’accueil de la Présence et à la célébration de l’unité autour de la Rédemption. Les enfants de Dieu ainsi rassemblés dans leur diversité culturelle et selon leurs traditions, tentent de se recueillir, répondant tous du même nom, celui de « catholique ». La messe s’engage. C’est là qu’intervient la perversion.

Un prêtre autrichien préside la « messe des peuples ». Serait-ce la survivance du rêve impérial, de cette sainte Autriche maîtresse des peuples voisins ? Non, à l’image de la liturgie, les prières universelles et l’homélie n’ont plus grand rapport avec l’unité de la Chrétienté. Non, c’est l’amitié entre les peuples qui prévôt. L’entente culturelle et la multitude incohérente. Dans nos sociétés emplies par les vices, des hommes d’Église se sont eux aussi couchés devant l’idéologie nouvelle. Par cette voix, l’Église veut parler à toute les nations en espérant voir cohabiter les peuples sur un même territoire, et ce dans la paix bien entendu. Ce nouvel universalisme aurait donc pénétré notre Église ?

Hélas, il faut le craindre, alors que cette même Église, une, sainte, catholique et apostolique, était, est et sera toujours l’unique source réelle et légitime d’universalité. Réelle car elle a montré dans le passé qu’elle savait dépasser les frontières, les guerres intestines et les divisions. Légitime car son universalisme elle le tient de la mission de Saint Pierre, de l’enseignement du Christ et de la parole de Dieu. L’Église parle aux hommes en tant qu’enfants de Dieu, pas en tant que citoyens du monde. Le Christ a parlé aux nations et aux peuples, il n’a pas précisé qu’il fallait les noyer dans un mélange utopique. Ainsi, la « messe des peuples » a été la messe de peuples au lieu d’être une messe aux peuples et pour les peuples, c’est-à-dire, dans un même message. La liturgie déjà libéralisée et dévoyée, a encore plus perdu de son spirituel et de son mystère en étant célébrée dans différentes langues à différents moments, rendant la messe incompréhensible. Peut-on alors toucher les cœurs et les âmes aux rythmes mélangés des guitares espagnoles et des chants italiens ? D’une homélie dans une langue et d’une lecture d’Évangile dans une autre ? Ces deux temps de la messe seraient-ils de simples artifices ? Ne sont-ils pas nécessaires à l’enseignement de l’Église et à la véritable, sincère et concrète parole de Dieu ?

Ce qui semblait important ce jour-là, c’était de célébrer la cohabitation pacifique des peuples et le multiculturalisme. Et de prier pour les catastrophes naturelles et pour que « les dirigeants de notre monde (!) puissent gouverner dans le soucis de l’amour de Dieu et de la paix ». À ce discours, les patrons des agences de notation, la directrice du F.M.I. ou les membres de la commission européenne seront très sensibles et répondront à l’appel du Christ, sans aucun doute ; nous espérons toujours. Sans enseignement, il n’y a plus de direction pour les peuples de la Chrétienté, le peuple de Dieu.

Nous pourrions nous en tenir à la célébration du Christ ressuscité, de l’amour et de la paix dans un flou total et un esprit abstrait. Seulement, quelque chose s’est produit ce jour-là. Alors que les foules peinaient à suivre la messe compte-tenu de sa liturgie très moderne, que tous essayaient de comprendre ce que signifiaient telles ou telles prières universelles, et que la « paix du Christ » avait été dite par des centaines de personnes à d’autres personnes dans des langues incomprises, il y eut un mouvement général et uniforme. Tous avaient compris que le temps de l’élévation avait commencé, et ce malgré la nouvelle liturgie. Dans les dernières secondes du Sanctus, les foules de la cathédrale se sont agenouillées, spontanément, d’une même adoration, d’une même foi. Ils avaient tous ressenti la Présence réelle et c’est à ce moment là qu’ils surent et comprirent qu’ils répondaient du nom de « catholique ». Et c’est dans ce silence seul que la cathédrale de Vienne retrouvait son éclat, sa force et sa fenêtre vers le Ciel. La communion renforça mon constat, les peuples préféraient attendre plus longtemps pour recevoir l’hostie consacrée en se dirigeant vers une partie du cœur : celle où ils pouvaient communier dans le respect de l’enseignement de notre Saint-Père. Les pointes des pieds pliées sur le sol, les genoux au bord la marche du chœur, les mains jointes, les yeux fermés, le menton levé. Ainsi avait été célébrée au plus profond des âmes et des cœurs la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. La messe n’est universelle que si elle est comprise et ressentie par tous, au même moment et au même endroit.

Le dimanche suivant, l’église Maria-am-Gestade – où est célébrée chaque dominique une messe en français – accueillait un concert de chant grégorien. Cinq hommes, n’ayant pas tous la même origine nationale, chantaient devant un public tout aussi varié. Le Kyrie, le Gloria, le Haec Dies, le Credo, le Sanctus et le Salve Regina final, résonnaient dans cette église aux allures gothiques et portaient la voix de la chrétienté médiévale. Ces chants-là, chaque chrétien les comprend et les ressent de la même manière. Chaque catholique retrouve sa famille, son inspiration, sa source spirituelle. Comme dans le cœur des peuples agenouillés, ce soir là, la Chrétienté vivait.

9 octobre 2011 Louis Jaeger , ,

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