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[Bioéthique] Limite & Politique Magazine : Qui ne combat ne se trompe pas

18 octobre 2019 Marc Ducambre

La discussion ouverte par les membres du journal Limite et poursuivie par M. De Meyer dans les colonnes de Politique Magazine offre d’intéressantes considérations à propos de l’engagement contre la révision des lois bioéthiques. Nous tentons d’y apporter notre réponse, sur l’invitation courtoise de monsieur de Meyer faite aux membres de ce journal, en tant qu’une parmi d’autres et sans qu’elle soit pour autant adressée au nom du Rouge & le Noir.

Le projet de loi abordé ici confine à des sommets de scélératesse et de traîtrise. Cette entreprise de forfaiture législative est infecte à tous point-de-vues et cache mal ses véritables fins, l’industrialisation et la marchandisation pures et simples de l’être humain.

En cela, « l’approche technocritique » du sujet avancée par M. Picarretta et ses camarades nous paraît relativement juste, bien qu’elle prouve plus, au fond, la présence latente de l’hérésie capitaliste que les dangers constitutifs de la technique. La technique capitaliste est intrinsèquement néfaste, mais la technique, comme la violence, le désir ou la répulsion nous paraissent être des notions neutres en tant qu’elles ne sont bonnes ou mauvaises que selon le dessein qu’elles servent, dessein qui transforme la façon qu’elles ont d’influer sur le monde. Tout en étant neutres, ces notions existent irrémédiablement. On ne peut, par conséquent, que s’y adapter.

Il nous apparaît donc que la question n’est pas de savoir dans quelle mesure, dans quelle étendue elles doivent s’appliquer, mais bien de quelle façon les orienter vers le Bien, le Beau et le Vrai en utilisant toute l’énergie qu’elles renferment. Toute boutade mise à part, il faut canaliser, et non limiter, le premier faisant naturellement le peu que fait le second.

Ces considérations mises à part, notre constat est, en définitive, le même : les voleurs et les assassins ont pour objectif de robotiser la reproduction, afin de mieux la marchander.

Les rédacteurs de Limite notaient fort justement que l’ennemi est, au fond, ce « fantasme de l’homme auto-construit », bienheureuse formule d’Olivier Rey qui décrit pour nous le postulat aliénatoire que l’on nomme individu, qui n’a jamais existé, qui n’existe pas et qui jamais n’apparaîtra sur la surface de ce monde.

L’entièreté de l’appareil politique et social qui entend régenter nos comportements se fondant sur un mensonge anthropologique pluriséculaire, l’absurdité bioéthique semble être une conséquence logique à cette gigantesque bulle spéculative, et elle n’est d’ailleurs, du point-de-vue de la mégamachine financière, qu’un moindre détail à régler. Elle ne représente rien de plus que la protubérance d’un corps infiniment plus vaste et solide qui, si l’on sectionne son excroissance, renaîtra ailleurs à lui-même. Soyons clair : ces nouvelles lois bioéthiques sont un drame de principe pour la nature humaine. Mais du point de vue du Capital, elles ne sont qu’une niche économique de plus. Si l’on enfreint uniquement sa marche vers la manipulation mercantile de l’embryon, on ne résout rien d’ambitieux. Pire, la putrescente architecture reviendra solidifiée de cet échec et l’imposera plus fort la deuxième fois. Il s’agit donc de tout, ou de rien.

Le problème vient, au fond, de là. Quel qu’il soit, le vœu que portent les rédacteurs de Limite, M. de Meyer ou nous-mêmes pour l’avenir de notre pays exige une évolution politique autrement plus radicale que celle qu’exigeaient les manifestants qui défilèrent le 6 octobre dernier. L’électorat catholique – car c’est bien lui qui s’est mobilisé – ne se rebelle pas contre grand-chose, mises à part les lois dites sociétales ; outre ces thématiques burlesques, il est tout de même agréablement docile. Les « constantes » humaines, en l’occurrence celle qui empêche à une vaste majorité de gens de regarder plus loin que le bout de leur nez, laissent souvent dans le cœur de ceux qui les observent avec lucidité une profonde et furieuse amertume.

Tout cela n’invite guère à autre chose qu’au désespoir. On y serait d’autant plus porté à l’idée qu’au sein de ces cortèges se trouvaient aussi quelques uns de ces gens que l’on dit catholiques bien qu’ils aient hissé au pouvoir, en grand nombre et sans rougir, la plus inénarrable putain que les grands argentiers aient mise à disposition du peuple français lors des dernières élections présidentielles.

Ces mêmes gens, encore, se sont platement vautrés dans le pharisaïsme le plus pur, garnissant les rangs du parti de l’Ordre afin de préserver leurs petites acquisitions méprisables gagnées à tapiner dans la jungle libérale, « parce qu’il faut bien manger », et se sont dits « compréhensifs » vis-à-vis de la jacquerie qui gronde depuis des mois, sans pour autant - et ils y tiennent - justifier les violences « insoutenables » de ces claque-dents mal éduqués qui ont l’outrecuidance de saccager d’honnêtes boutiques situées sur la plus rentable avenue du monde, ce qui sans aucun doute possible doit horrifier notre Seigneur Jésus-Christ du haut du ciel. Et l’on entend au détour des chemins le dimanche des formules qui transpirent le mépris le plus sourd et le plus ignoble envers tous ceux qui, eux, n’ont pas réussi à sortir indemnes de la jungle en se hissant sur un tas de charognes.

Crachant à la figure de tous les indigents, de tous ceux qu’ils ont eux-mêmes laissés pourrir dans la désertification spirituelle au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, ils ont montrés à tous l’incommensurable monceau de vermine, de cadavres et de sang que cache le vocable si maniéré de « conservateur ».

Les meurtriers du Christ étaient, eux aussi, d’honnêtes conservateurs qui savaient se tenir, et qui ne sont coupables que d’avoir voulu préserver le calme du voisinage de cet odieux agitateur, en lui administrant une crucifixion tout ce qu’il y a de plus convenable pour l’époque. A-t-on pensé une seule seconde, dans la cohue générale, à ces honnêtes petits marchands du temple, et aux dommages causés à leurs sympathiques commerces de proximité ?

Malgré tout, le port d’un serre-tête, d’une paire de ballerines en carton peint, d’un pantalon de couleur jaune-pisse, rose-hongre ou encore vert-glaire permet à cette frange de la population d’être sûre que ses membres sont de ces gens convenables, de ces gens biens, de cette élite qui macule les parvis d’église en reniflant les bons partis de ses filles comme on chercherait une escalope épargnée au creux d’une poubelle. On se reconnaît ainsi de loin le dimanche matin ; on se salue, on discutaille, et on retourne faire le trottoir pour le bonhomme philanthrope, M. Lucifer (un ami du préfet et de monsieur le juge, hautement recommandable à tout point de vue) le reste de la semaine.

C’est dire que ces catholiques en ont concédé de belles.

  • Le traité de Lisbonne ? Il faut vivre avec son temps.
  • L’esclavage migratoire ? Laissons faire, tant que le beur ne franchit pas le dix-huitième arrondissement...
  • On délocalise, et on fiche le prolétaire français à la porte ? On arrête pas le progrès.

Par contre, si deux minets s’avisent ne serait-ce que de penser qu’ils puissent se marier au milieu de la cacophonie générale... Où diable va la France ? Vendre des Noirs, des Arabes, des Indiens et des Chinois, c’est dans l’ordre des choses, tant qu’on les entasse loin des actionnaires. Mais vendre de la semence et des embryons de Parisiens, voilà un évènement proprement scandaleux et inattendu.

On conviendra qu’autant que les voies du Seigneur, celles de la bourgeoisie chrétienne sont difficilement saisissables.

Jusqu’ici, nous n’avons pas dit grand chose de plus que les initiateurs de cette discussion. Jusqu’ici, encore, nous n’aurons fourni au lecteur aucune raison d’espérer en la mobilisation du 6 octobre telle qu’elle s’est déroulée. Néanmoins, il reste des raisons de ne pas être tout à fait désabusé.

Comme les manifestations qui ont eu lieu lorsqu’on protesta contre la loi Taubira, la mobilisation qui a commencé qui vient est un échec cuisant. Son efficacité politique sera non seulement inexistante, mais elle permettra de surcroît d’occulter bruyamment tout ce qui est dissonant depuis le début du mandat de monsieur Macron, faisant le gros des recettes aux heures de grande écoute.

Ce spectacle juridique advient fort à propos, et au moment le plus opportun pour le scélérat de service qui, loin d’être stupide, sait que si l’on souhaite faire passer une mesure de truandage sans grand fracas, on la soumet à l’assemblée durant le mois d’août, ou même à n’importe quel instant qui ne soit pas celui de la rentrée des classes, de la rentrée littéraire, médiatique ou politique la plus importante de l’année. Comme les précédentes, cette mobilisation sert donc les intérêt des deux-cent familles.

Pourtant, elle a bien un intérêt, qui semble dérisoire, mais qui possède une importance cruciale. En effet, son échec est la raison même de sa valeur.

Monsieur de Meyer a soulevé le fait que « les lendemains organisationnels » que l’on attendait après les premières mobilisations ne sont pas arrivés. Nous lui demandons d’être encore patient. De nombreuses bandes de jeunes gens abondent timidement de tous côtés, errant avec pour seul moteur cette énergie bilieuse et redoutable qui fait autant de saints qu’elle fait de démons : le désespoir.

Le désespoir frappera bien des gens qui tenaient encore à leurs sauteries politiques guindées et à leurs slogans scandés vers des gens qui ne les écoutent pas, comme il en a frappé beaucoup lors des précédentes manifestations. Il est là, l’intérêt du 6 octobre, car il engendrera, lorsqu’on aura établi sa pleine et entière inefficacité, un désespoir qui rendra nécessaire l’Espérance : ainsi on se mettra à regarder en dehors des ornières, dans le fossé, et afflueront à la politique extraparlementaire de nouvelles et nombreuses volontés, qui en auront eu assez des boniments, des demi-mesures et des compromissions.

La colère jaune baisserait, selon la police. En réalité, il n’en est rien. La détermination acharnée des manifestants les a conduits à traverser, en quelques mois, un deuil politique que les catholiques n’ont - excepté quelques séides - pas réussi à accomplir en plusieurs décades.

Ils ont quitté le pavé, quitté la politique spectaculaire et la figuration révoltée dont les profits reviennent aux empires antifrançais. Aujourd’hui, ces insurgés balbutiants sont plus innombrables qu’avant, mais ils ont disparu du champ de surveillance général. Seuls demeurent sur les pavés un reste de béats, un régiment de minets attifés de noir et un monceau de syndicalistes recyclés, dont le seul but demeure, invariablement, de figurer la révolte sans jamais la faire. Ceux qui ont fait leur deuil agissent en sous-main, pour des entreprises plus efficaces, mieux organisées et bien plus redoutables pour l’État tentaculaire. Gagez qu’ils ont disparu, et vous ferez exactement ce qu’on attend de vous ; ils vous remercieront plus tard.

Il faut que les manifestants, grâce à cette mobilisation qui était d’avance ratée, accomplissent leur deuil. Gageons qu’à l’instar des rédacteurs de Limite, les catholiques non plus ne se tromperont pas de combat : qu’ils se servent du 6 octobre comme d’une mauvaise liqueur qu’on absorbe pour se donner du courage. Qu’ils se servent du 6 octobre comme certains se servent, encore aujourd’hui, du 6 février.

On trouvera d’autres articles et entretiens, qui expriment des avis variés sur la question des gilets jaunes, aux liens suivants :
L’Immaculée Conception, en gilet jaune
Les vidéos de Thibault, le Vendéen en jaune
François Bel-Ker : « Les Gilets jaunes sont le mouvement du pays réel »

18 octobre 2019 Marc Ducambre

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