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Vatican II vu par Julien Green (2/3)

Vatican II vu par Julien Green

À l’occasion du Cinquantième anniversaire du Concile

Nous avions laissé notre bon ami Julien Green àl’orée du deuxième concile du Vatican  ; retrouvons-le donc au même moment...

Les années du concile Vatican II (1962-1965)

Très étrangement, nous chercherions en vain, dans le Journal ou ailleurs, une allusion à l’ouverture du concile, en octobre 1962, ou lors de son annonce par Jean XXIII. Ce n’est pas le fruit du hasard, car bien des événements plus anodins sont notés et consignés. Toutefois, Green continue à décrire les visites qu’il reçoit et l’état de la foi chrétienne autour de lui. Toutes ces choses qui le choquent, depuis le début des années 1950, lui paraissent être des faits inédits, allant croissant avec le temps. Le mutisme autour du concile lui-même est patent, puisqu’il n’en est fait aucune mention pendant de nombreux mois : c’est l’omertà. Il faut attendre l’année 1964 pour que sa parole se libère davantage. Nous pourrions cependant trouver une allusion en octobre 1962, peu de temps après l’ouverture, à demi-mot, et peu enjouée :

Les portes de l’Église sont ouvertes à deux battants pour que tous y entrent, ceux qui croient et ceux qui ne croient qu’à moitié, et ceux qui, dans la foi catholique, prennent ceci et rejettent cela. Je ne juge pas, je regarde et je vois. Dans la nasse de Pierre, que d’étranges poissons... [1]

Phénomène particulièrement étrange, et sans doute pas fortuit lui non plus, le Journal est tenu beaucoup moins assidûment à compter de l’automne 1962, et cela encore en 1963 ; sans que l’on puisse dire s’il y a un rapport direct avec ledit concile.

Dans le cercle des fréquentations du romancier, la désacralisation des mystères de la foi et de la figure du prêtre semble être une peur partagée. La banalisation de la condition sacerdotale, trop fortement humanisée et réduite, paraît inquiétante :

Oublié de dire que mon visiteur de province m’a parlé du jeune clergé d’aujourd’hui, si sportif, dit-il avec horreur, si « social » et si familier. « Je ne puis souffrir qu’un prêtre me donne une grande tape sur l’épaule et me dise : ’’Alors, mon petit gars, qu’est-ce que tu fous aujourd’hui ?’’ Cela détruit en moi quelque chose.  [2]

La foi s’affaiblirait chez certains membres du clergé, ce qui ne peut qu’assombrir un auteur si profondément catholique :

Visite d’un jeune prêtre belge qui me dit toute son admiration pour l’homme, pour la gloire de l’homme et sa merveilleuse aventure dans l’espace. « Je suis humaniste », me dit-il, et il me demande si je crois vraiment à l’inerrance de l’Écriture. Il dit sa messe sans rien éprouver de particulier, me confie-t-il, il la dit correctement, c’est tout. La froideur avec laquelle il en parle me frappe. Je reconnais le ton d’un certain clergé d’aujourd’hui. C’est le laïc, lui, qui parle et pense quelquefois comme un prêtre de jadis. [3]

Les thèmes qui inquiètent Green demeurent les mêmes en 1962 qu’auparavant, mais peut-être avec des différences d’intensité, notamment dans le domaine des traductions – point révélateur du changement des mentalités – auxquelles est attachée toujours plus d’importance :

Lu les premiers chapitres de l’Évangile selon saint Matthieu dans une traduction à grand tirage. Elle est par endroits étrange. On a voulu faire, je le vois bien, une traduction accessible à tous, une traduction vraiment populaire. Je trouve, par exemple, que ceci est choquant : « Celui qui dit à son frère : Crétin ! est en danger du sanhédrin. » Crétin, qui prête à rire, est bien du style populaire, mais sanhédrin reste incompréhensible pour un lecteur peu informé des antiquités judaïques. Plus loin : « Si l’on vous requiert d’un mille, faites-en deux. » Pourquoi ce style façonnier et que représente un mille dans l’esprit d’un ouvrier, par exemple ? Ailleurs : « Dans Rama s’est fait entendre une voix, qui sanglote et moult se lamente. » Pourquoi moult ? Pour qui écrit-on ? […] Que dire de ceci : « Qui vous a suggéré de vous soustraire à la Colère prochaine ? » Les voleurs, dans les paraboles, deviennent des cambrioleurs, comme il fallait s’y attendre, mais c’est une erreur de croire que le lecteur le plus simple ne goûte pas instinctivement le beau langage. Il ne demande pas que des messieurs savants parlent comme lui quand il parle mal, cela le déconcerte et le blesse, parce qu’il voit là une sorte de condescendance. Le principe même de cette traduction me paraît douteux. [4]

Julien Green, un peu masochiste à l’occasion, poursuit néanmoins sa lecture :

Continué la lecture de l’Évangile dans cette traduction moderne. Dans Matthieu, XIX, à la fin du discours sur la continence qu’il est si difficile de garder, le Seigneur prononce cette parole étonnante : « Comprenne qui pourra  [5] ! »

L’Américain aime à prendre connaissance des nouvelles traductions publiées. L’évolution des mentalités vers la désacralisation, perceptible dans ces textes, perdure en 1964 :

« Dans une traduction moderne de la Bible, la Samaritaine appelle le Christ : Monsieur. [6] »

Texte et langue se rejoignent facilement. Là encore, nous observons une gradation dans le désarroi de Julien Green pour ce qui est de la disparition annoncée et progressive du latin abandonné par les prêtres, d’après les épisodes que le diariste nous décrit, avec toujours un refus de porter un jugement, et avec une certaine incompréhension :

À la messe ce matin dans une petite église charmante, mais glaciale. […] Le prêtre lit l’épître en français sans l’avoir lue d’abord en latin. Quant à l’Évangile, il en lit seulement trois mots en latin : In illo tempore, puis il se retourne vers les fidèles et leur lit le reste en français. Cela m’a paru étrange. [7]

Le jeune clergé est toujours l’objet de descriptions qui n’enchantent pas nécessairement notre auteur :

« Visite d’un séminariste un peu hurluberlu qui se déclare révolté par les prêtres pieux disant leur chapelet. On se demande pourquoi cette mauvaise humeur. Peut-être l’habitude de dire le chapelet tombe-t-elle en désuétude.  [8] »

La mort de Jean XXIII est évoquée, avec une brève description de l’homme qui fut nonce, sans opinion particulière [9]. La première apparition de son successeur est plus que favorable : « Le pape Paul VI, admirable visage, son regard tout d’intelligence et de bonté [10]. » Cette communion heureuse de Julien Green avec les Souverains Pontifes ne dissipe ses tourments que durant l’espace de deux pages – puis les inquiétudes reviennent :

« Puissé-je mourir avant de voir entamée la foi catholique ! » Cette parole qu’on attribue à un cardinal italien et qui fut prononcée récemment, elle me revient à l’esprit. Un journal accuse Maritain d’avoir jadis parlé sévèrement de Luther. « Est-ce possible ? » me demande un catholique attristé. Je le regarde avec stupeur, ce que voyant, il me regarde, lui aussi, avec stupeur. Dans le monde catholique d’aujourd’hui, on ne doit pas dire de mal de Luther. C’est ce qui résulte de notre explication. [11]

Le concile est en cours, n’est pas terminé, point encore promulgué, mais les innovations qui étaient apparues dans la décennie le précédant s’enracinent, se multiplient, et agissent comme si elles étaient devenues légitimes sous son empire :

"Je suis parfois pris d’inquiétude quand je pense à l’avenir de l’Église, de l’Église telle que nous l’avons connue et aimée. La messe de jadis, il faut la chercher à sept heures du matin, dans certaines églises. Ailleurs, chants, commentaires et explications qui empêchent de suivre, qui troublent et finissent par exaspérer" [12].

Le leitmotiv de l’influence protestante chez certains catholiques refait son apparition, de manière beaucoup plus nette qu’entre 1958 et 1961, attaqué plus vigoureusement par Green. Au passage, Vatican II est nommé pour la première fois :

"À la radio, un dominicain proteste contre la pompe de Rome, exactement comme les protestants du XVIe siècle, et je crois qu’en effet il souffle sur le monde un vent de protestantisme. En ce qui concerne le mariage des prêtres dont il est souvent question depuis l’ouverture du Concile, je crois que je ne pourrais jamais me confesser à un prêtre marié. Je ne voudrais pas voir changer l’Église de cette façon". [13]

Bien avant la conclusion du concile, une vague d’émancipation se soulève, et certains en profitent pour poser des actes majeurs quand ils ne seraient pas allés aussi loin quelques années auparavant. Le concile est un prétexte pour toute opinion déviante qui souhaite se faire oracle ou dogme. Cela est valable, par exemple, pour l’habit ecclésiastique :

« Je pensais à cela hier en voyant venir chez moi mon jeune séminariste, cette fois en « civil », comme on dit maintenant, les prêtres étant sans doute des soldats. Pour le taquiner un peu, je lui demande : « Voulez-vous me dire ce qui vous distingue d’un pasteur aux yeux des passants dans la rue ? » Il me répond qu’au séminaire, seuls les intégristes portent la soutane dans la rue, et sont mal vus. Cette malheureuse soutane, des saints et des martyrs l’ont portée ». [14]

C’est la première fois que l’expression « intégristes » apparaît dans le Journal, et elle n’est pas utilisée spontanément par le diariste, mais rapporté du discours d’un curieux séminariste. En continuant avec la série des futurs prêtres :

Un jeune séminariste à qui je demande (pourquoi ? Mais il fallait dire quelque chose et la conversation languissait) s’il lit les mystiques, me répond d’un trait : « Non, Jean-Jacques Rousseau. » Quels prêtres pourront bien faire ces romantiques en ébullition [15] ?

Les liturgies auxquelles Julien Green a droit semblent prendre de plus en plus de libertés avec l’antique missel romain, pourtant toujours en vigueur en 1964. Les gênes de l’auteur, en ce domaine, proviennent aussi de son caractère mélomane, de son esprit attentif à la beauté artistique, à l’esthétique :


Dimanche dernier, messe à Rambouillet. Des chants d’une laideur tout à fait remarquable. C’est à la fois tonitruant et pleurard. Tout le monde, sauf une personne consternée [s’agit-il du narrateur ?], donnait de la voix [16]
.

Parmi ses fréquentations, il en est certaines qui peuvent avoir un avis similaire. Nous avons ici la deuxième évocation directe à Vatican II – enfin nommé – et un commentaire final pouvant être interprété comme une allusion au déferlement de « l’esprit protestant » :

Un ami me parlait des transformations que subit l’Église depuis le Concile : « Nous glissons vers des temps bizarres. On semble faire ce qu’on peut pour donner aux églises un air nu et sévère ; les statues des saints disparaissent sans explications. Ajoutons à cela les cantiques chantés en français, sur quelle triste musique... Tout a commencé en Allemagne, puis cela a gagné. » [17]

Julien Green poursuit sur la même voie que son ami, s’épargnant toute réserve, parlant également des renouveaux de l’arianisme et du pélagianisme, ressuscités sous de nouvelles formes et semblant fort malheureusement dominer la foi traditionnelle :

« Prends le confessionnal, dit Arius à Pélage. Moi, je me charge du catéchisme. » Dans le monde de 1964, on nous parle de morale, d’énergie, de volonté, laissant de côté le surnaturel. On examine les textes évangéliques pour découvrir quel homme était le Christ. Sa divinité intéresse moins, intéresse peu. Je ne dis pas que cela soit général ; mais fréquent, si. « On dédivinise Dieu », me disait Fumet. La vraie persécution est là. Il n’est pas question de déclarer la guerre aux catholiques. L’ennemi a un pied (au moins) dans la porte et fait son travail de démoralisation. Le catholicisme est attaqué de l’intérieur. Pas besoin de camps d’extermination. On nous a autrement. Le poison des idées fausses nous est versé goutte à goutte, dans l’oreille, comme dans l’oreille du père de Hamlet, alors que ce vieux roi sommeillait. [18]

Le changement de ton dans le style greenien, n’y allant plus de main morte désormais, s’opère parallèlement à quelque agacement désemparé sensible dans les descriptions faites d’un certain clergé s’éloignant de la bonne orthodoxie [19] :

Dans un article du chanoine Vancourt sur les problèmes intellectuels du catholicisme en France, paru dans La France catholique du 17 juillet [1964], je relève cette phrase : « Un prêtre, présentant à des fillettes qu’il catéchisait des photos de stars et de carmélites, leur expliquait que les premières contribuaient plus à l’avènement du beau et du bien que les secondes, perdues dans une contemplation stérile. » J’ai cru avoir mal lu. On se demande s’il ne faudrait pas faire des missions pour convertir une partie du clergé. Les laïcs suivraient peut-être [20].

Apparaissent avec l’an 1965 les premières manifestations de nostalgie – principalement à propos de la liturgie – puisque Julien Green – comme beaucoup d’autres – ne se fait aucune illusion quant au sort futur du rite tridentin :

Dimanche, entendu la messe à la chapelle des Missions de la rue du Bac. Le prêtre, un homme âgé, mais grand et robuste, a dit la messe en latin, d’une voix forte, et l’assistance répondait comme un seul homme, sur le même ton, avec un allant et une conviction admirables. Cela en dit long sur les sentiments de toute une partie de la population parisienne, touchant la messe en français qui va nous être imposée. [21]

Avec le changement de langue, se fait jour un problème inhérent à toute traduction : celui du vocabulaire. Les modifications lexicologiques touchent jusqu’aux mots les plus classiques et traditionnels du répertoire religieux, même en dehors des textes sacrés, et le vocabulaire corporel – celui des gestes – peut lui aussi s’en trouver changé :

On entend parler aujourd’hui de l’assemblée, alors qu’on disait naguère les fidèles. Si ce dernier terme devait disparaître, j’en aurais du regret. Assemblée s’applique à n’importe quoi, à une réunion parlementaire, par exemple ; fidèles est du vocabulaire chrétien. À l’église, ce matin, l’ « assemblée » se tient debout et récite le credo en français. On ne plie plus le genou à s’est fait homme et on ne se signe pas à la fin. Je me suis retrouvé bien des années en arrière dans l’église protestante de mon enfance. C’est le climat réformé. J’ai suivi la messe comme j’ai pu. À trois mètres de moi, il y avait un vieux monsieur si petit que son pardessus lui couvrait les talons quand il s’est agenouillé, et il est resté à genoux pendant toute la messe, le nez dans son missel, cherchant désespérément la messe latine de sa jeunesse. [22]

Mais en dépit d’une nostalgie sincère, l’espérance – la foi en Dieu et en l’avenir qu’Il réserve à l’humanité – reprend le dessus :

Un prêtre me parlait de ce qu’on appelle un peu partout l’Église nouvelle. « Dieu s’efface », me disait-il. Mais Dieu n’est pas un spectateur qui se croise les bras. Tôt ou tard, il parle, à sa façon. J’avoue que devant cette Église nouvelle, je me sens un peu comme les Juifs qui, voyant le second Temple, celui de Zorobabel, pleuraient en se souvenant de l’autre, celui de Salomon. Les jeunes qui n’avaient pas connu ce temple magnifique, ne comprenaient rien à leur tristesse au milieu des acclamations. [23]

La sortie d’un nouveau missel en 1965 ne passe pas inaperçue, et fait l’objet d’une courte phrase, particulièrement incisive : « Le missel new look commence triomphalement par un contresens. Tous ceux qui ont confiance en toi ne seront pas déçus. Par conséquent, certains le seront.  [24] »

Il est possible que l’engouement de foules pour toutes ces innovations liturgiques et certaines souplesses morales ait créé un sentiment de solitude et d’isolement dans l’esprit de Julien Green, même s’il était entouré par des personnes partageant heureusement ses vues. Comme pour couronner sa douleur, la presse anglo-saxonne l’attaque dans ce qui lui est le plus cher : « Un article dans l’Observer de Londres déclare mes idées religieuses aussi loin de ce temps que ’’la transsubstantiation ou l’efficacité de la prière [25]". » Le plus profond témoignage d’inquiétude se retrouve certainement dans une conversation – accordée à sa sœur – qu’il retranscrit dans l’un de ses cahiers :

Ma sœur me disait hier qu’elle était troublée par les nouveautés qui se sont fait jour dans l’Église de France et qu’elle ne s’y retrouvait plus. Je lui ai dit que j’avais parfois les mêmes inquiétudes et que nous n’étions pas les seuls. Je me demande si c’est à cette Église-là que je me serais converti en 1916. Bernanos soutenait que c’était une erreur de laisser pénétrer tout le monde aussi facilement dans la forteresse de l’Église, car on risquait d’y faire entrer une cinquième colonne, et dangereuse. Dernièrement quelqu’un citait cette parole de Lénine : « Le meilleur moyen de détruire la religion est d’y introduire la lutte des classes.  [26] »

Vatican II – « le Concile » fameux – est enfin directement nommé pour la troisième fois :

Un ami me parle des changements survenus dans l’Église depuis le Concile et de la précipitation dans laquelle tout cela s’est fait. « C’est, dit-il, le résultat de quatre siècles de fixisme. La révolution qui a suivi a jeté à bas trop de choses, de même qu’en 1789 l’Ancien Régime s’est effondré avec ce qu’il avait de bon et de mauvais. » Une messe en deux langues ne paraît pas devoir durer. De même, il est inexplicable qu’on dise tu à Dieu et vous au prêtre [27].

Le thème de la fracture générationnelle, du poids de l’habitude et de l’éducation, reparaît, mais toujours avec une acception nostalgique, et une dimension de châtiment :

De tous les côtés on me parle de la nouvelle liturgie et c’est un concert de grognements. Elle aura meilleure presse plus tard, quand tous les hommes de ma génération, et même de la suivante, seront morts. Les enfants qui grandiront dans la nouvelle Église s’étonneront que nous ayons pu nous attacher à ces formes surannées dont la poésie ne leur sera plus du tout sensible. Il m’est venu à l’esprit l’autre jour que peut-être nous sommes punis de n’avoir pas assez aimé l’ancienne Église, du temps qu’elle était près de nous [28].

Sans doute l’académicien serait-il ravi, aujourd’hui, de lire les différentes plumes du Rouge & du Noir... C’est ainsi que les années du concile correspondent à une période où certains catholiques considèrent qu’il est leur est enfin permis d’innover, en toute liberté personnelle, comme légitimement. Pour Julien Green, le désarroi augmente ; la nostalgie aussi. Il se montre inquiet, craintif, même s’il garde confiance, à terme. Il est peu satisfait des nouvelles traductions, des nouvelles liturgies, des nouvelles mentalités religieuses. C’est un tableau tortueux, tout en nuances. Pour finir, nous trouvons un excellent résumé de ces choses dans la correspondance entre J. Green et Jacques Maritain :

Elle est curieuse, la jeune Église, celle des séminaires. On devine chez elle une volonté de rupture avec le passé, avec ce que le passé a de statique et de paralysant, et jusqu’à un certain point je comprends, et suis d’accord avec elle, mais je redoute qu’on aille trop loin. Heureusement nous avons de grands papes dociles au Saint-Esprit. Les images de Paul VI en Palestine m’ont profondément ému. Il fait ce qu’il faut, il bouge, comme bougeait Paul. J’aurais voulu parler de tout cela avec vous, car il y a eu des moments, surtout avant Jean XXIII, où j’ai eu de grandes inquiétudes, voyant le tour que prenaient les choses dans les milieux ecclésiastiques aussi bien que chez les laïcs, ce grand remue-ménage dans les idées, pour ne pas dire dans les croyances que nous tenions pour indiscutables. Sans être le moins du monde intégriste, je me suis demandé si l’essentiel de la foi n’était pas menacé. J’ai entendu dire à des prêtres des choses stupéfiantes. Il est probable qu’aux environs de 1900 des opinions fort étranges étaient également exprimées, mais la lame de fond du modernisme n’a pas emporté l’Église. Des épreuves comme celle-là font bien voir qu’elle est bâtie sur de la pierre [29].

Qu’en sera-t-il après le deuxième concile du Vatican, au moment de son application immédiate, censée être réelle et effective ? Les paroisses de France l’appliqueront-elles véritablement, ou continueront-elles à lui préférer les contrefaçons apparues plusieurs années auparavant ?

Vivier du Lac


[1Ibid., « 17 octobre 1962 », p. 320.

[2Ibid., « 3 janvier 1962 », p. 294.

[3Ibid., « 4 janvier 1964 », p. 344.

[4Ibid., « 30 avril 1962 », p.304 

[5Ibid., « 9 mai 1962 », p. 306.

[6Ibid., « 11 mars 1964 », p. 347.

[7Ibid., « 6 mai 1962 », p. 305.

[8Ibid., « 4 mai 1963 », p. 327.

[9Ibid., « 5 juin 1963 », p. 330.

[10Ibid., « 23 juin 1963 », p. 332.

[11Ibid., « 7 juillet 1963 », p. 333-334.

[12Ibid., « 16 juillet 1963 », p. 335.

[13Ibid., « 6 novembre 1963 », p. 338.

[14Ibid., « 13 janvier 1964 », p. 344-345.

[15Ibid., « 8 février 1964 », p. 345-346.

[16Ibid., « 23 mars 1964 », p. 347.

[17Ibid., « 26 avril 1964 », p. 348.

[18Ibid., « 6 juin 1964 », p. 349-350.

[19Les catholiques sont seuls orthodoxes, les schismatiques orientaux n’étant que des « photiens », selon le juste rappel du comte de Maistre dans son Du Pape.

[20Ibid., « 18 juillet 1964 », p. 352.

[21Ibid., « 19 janvier 1965 », p. 360.

[22Ibid., « 23 mars 1965 », p. 363-364.

[23Ibid., « 26 mars 1965 », p. 364.

[24Ibid., « 4 avril 1965 », p. 365.

[25Id.

[26Ibid., « 12 avril 1965 », p. 365-366.

[27Ibid., « 6 mai 1965 », p. 367-368.

[28Ibid., « 2 juillet 1965 », p. 375.

[29Julien GREEN, Lettre n° 152 à Jacques Maritain, datée du 28 janvier 1964, dans Une grande amitié. Correspondance 1926-1972, Paris, 1979, p. 151.

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