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L’infaillibilité et les hérésies

Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que Vous nous avez révélées et que Vous nous enseignez par Votre Église, parce que Vous êtes la vérité et que Vous ne pouvez ni Vous tromper, ni nous tromper.

Peut-on critiquer le souverain pontife ? Voilà bien une question qui se pose depuis le début de la chrétienté. L’apôtre saint Paul fût certainement le premier à en prendre l’autorisation lorsqu’il vit S. Pierre commettre une erreur à Antioche [Galates II, 11-12]. Néanmoins, l’Église, en se basant sur les paroles de Notre Seigneur lui-même et sur les réflexions des docteurs, a érigé des barrières à cette critique, notamment en la matière de l’infaillibilité du pape et du magistère ordinaire et universel. Afin d’éviter de retomber dans les hérésies qui jalonnent l’histoire de la chrétienté, et en nous appuyant sur la première partie du livre « mystère d’iniquité » (œuvre non signée"), nous nous proposons de dresser une liste — non exhaustive il va de soi — des écueils qui nous guettent dans cette disputiato. Le livre susmentionné peut être sujet à controverse, surtout dans sa deuxième partie où il attaque frontalement le deuxième concile de Vatican. Cependant, la première partie est très détaillée et s’appuie sur les écrits des docteurs et des papes d’avant le concile : c’est donc un héritage commun et précieux à toutes les « tendances » catholiques. En outre, pour échapper à une vue partiale de la part de l’auteur, nous avons recoupé ce livre avec différentes œuvres, notamment :

  • Saint Alphonse de Liguori, docteur de l’Église, Autorité du pontife romain, 1842 ;
  • Saint Alphonse de Liguori, docteur de l’Église Histoire des hérésies tome premier, 1842 ;
  • Mgr Fessler, La vraie et la fausse infaillibilité des papes , 1873 ;
  • Jean-Michel-Alfred Vacant, Le magistère ordinaire de l’Église et ses organes, 1887 ;
  • Mgr Tarcisio Bertone, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, À propos de la réception des documents du magistère et du désaccord public, 1996 ;
  • Abbé Lucien, Les degrés d’autorité du magistère, 2007.

Cette étude de l’infaillibilité du pape et des hérésies se découpera en deux parties. Tous d’abord nous aborderons rapidement la question de l’infaillibilité et du magistère. Dans un second temps, nous nous attaquerons aux hérésies.

Quelques rappels préalables sur le Magistère de l’Église et l’infaillibilité du souverain pontife

« L’infaillibilité de l’Eglise est le don surnaturel que Notre Seigneur Jésus-Christ a fait à l’Eglise de ne pas errer en matière de doctrine et de croyance » Mgr de Ségur [1]

On trouve des annonces de l’infaillibilité du pape jusque dans l’Ancien Testament : la chaire de Moïse possédait le pouvoir de régler toutes les questions de dogmes lorsqu’ils n’étaient pas assez clairs pour les juifs. Cette infaillibilité est confirmée par NSJC : « Alors Jésus s’adressant au peuple et à ses disciples leur dit : « les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse. Observez donc tout ce qu’ils vous disent mais ne faites pas ce qu’ils font. Car, ils disent bien ce qu’il faut faire, mais ne le font point » [Matthieu XXXIII, 2-3]. De même, l’infaillibilité du pape en la personne de Pierre est annoncée par Jésus : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment, mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » [Luc XXII, 32]. Très tôt dans l’histoire de la chrétienté, les pères et les docteurs de l’Église ont proclamé et défendu l’infaillibilité du Saint-Père. Citons par exemple S. Cyprien : « La chaire de Pierre est cette Église principale d’où est sortie l’unité sacerdotale auprès de laquelle l’erreur ne peut avoir d’accès » [De unitate Ecclesiæ, ch. 4] [2]. Enfin, les pontifes eux même ont toujours proclamé l’infaillibilité du pape, avec en point d’orgue le concile de Vatican qui déclara par la voie de Pie IX :
« Nous enseignons et proclamons comme un dogme révélé de Dieu : Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra [3], c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit [4], en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l’Église, jouit par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l’Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église. Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu’il soit anathème. [5]. En clair, lorsque le pape en tant que chef suprême de l’Église catholique décrète et définit qu’un dogme ou une question de mœurs doit être tenu pour vrai par les fidèles comme à une vérité révélée, alors il est infaillible, et son décret est irrévocable. Un point de vocabulaire est à retenir, il est impossible d’utiliser la notion de révélation à propos de l’infaillibilité du Saint-Père, il est préférable de parler d’assistance du Saint Esprit.

Néanmoins, il faut bien discerner les enseignements ex cathedra et « prudentielles » du pape. Dans le second cas, le souverain pontife affirme qu’il est hautement probable [6] que la doctrine en question soit vraie, celle-ci pouvant être révisée par la suite si nécessaire. Certains théologiens, en s’appuyant sur le magistère ordinaire et universel, remettent en cause ce point de vue : pour eux, tous les actes, écrits et les paroles des successeurs de S. Pierre sont couverts par l’infaillibilité. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un sujet n’est pas couvert pas l’infaillibilité ministérielle qu’il faut considérer l’enseignement de l’Église comme faux. Le contraire est même un devoir catholique !

« Magistère [7] est la version française du mot latin Magisterium qui, par sa racine, désigne un pouvoir ou plus exactement, une institution d’enseignement » [8]. Ainsi le magistère en lui-même n’est que l’expression technique pour désigner un mode d’enseignement. Par conséquent, il est notable que l’on parle de nombreux magistères différents : magistère pontifical (l’enseignement du pape) , magistère ordinaire et universel (l’enseignement quotidien par la bouche des évêques en communion avec le pape), le magistère Constant ( la Tradition) etc. La magistère ordinaire et universel est implicitement défini par la Constitution Dei Filius du concile Vatican I : « On doit croire de foi divine et catholique, tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise par la Tradition, et que l’Écriture propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel.  » On parle donc de magistère ordinaire lorsqu’il se fait quotidiennement par le pape ou les évêques dispersés et en communion avec le Très Saint Père ; et de magistère extraordinaire lorsque le Vicaire du Christ et les évêques sont réunis en concile et qu’ils proclament des vérités de manière solennelle. [9] C’est d’ailleurs l’affirmation du côté pastorale du second concile de Vatican qui pousse certain à affirmer sa non infaillibilité. Puisqu’il est dit pastorale, c’est donc qu’il n’y a pas de volonté d’imposer et donc que le concile ne rentre pas dans la définition du magistère extraordinaire. Néanmoins, l’abbé Lucien – in op. cit. – s’oppose à cette vision en la définissant de querelle de mots.

Ainsi, le magistère ordinaire et universel n’est que l’expression de la Révélation divine, id est de la Parole Divine. Or la Révélation Divine peut être scindée en deux : d’une part la révélation apostolique qui s’achève avec la mort du dernier apôtre, et la révélation post-apostolique. La première correspondant aux enseignements de Jésus recueillis par les apôtres, et aux Écritures Saintes rédigées sous l’inspiration du Saint-Esprit. La seconde résulte de la compréhension des enseignements explicites — révélation directe — et implicites ou obscurs — révélation indirecte — des Écritures. Et le lien véritable entre les deux est la Tradition, qui est à la foi objet et acte : c’est elle qui permet la transmission de la Révélation divine directe et la progression dans la compréhension de la Révélation indirecte [10]. C’est pourquoi on parle de la Tradition à propos du dépôt de la foi, et des traditions à propos de la transmission du dépôt de la foi [11].

Pie XII
(1939-1958)

C’est par cette découverte quasi-constante de la Révélation — bien qu’elle soit achevée [12] — que le pape Pie XII a pu proclamer comme divinement révélé [13] le dogme de l’Assomption. En conclusion, le magistère ordinaire et universel de l’Église catholique n’est que la résultante de la Révélation divine directe — l’Église est gardienne de la foi — lorsqu’elle réaffirme des vérités de dogme, et indirecte quand elle proclame des "nouveaux" dogmes révélés par Dieu qui ne sont pas présents de manières explicites dans les Saintes Écritures ou la Tradition. Pie XII affirmait notamment que c’est véritablement le rôle de l’Église et de son magistère ordinaire et universel que de travailler à éclaircir les écritures. Dans son encyclique Humani Generis il expliquait :
"Car Dieu a donné à son Eglise, en même temps que les sources sacrées, un magistère vivant pour éclairer et pour dégager ce qui n’est contenu qu’obscurément et comme implicitement dans le dépôt de la foi. Et ce dépôt, ce n’est ni à chaque fidèle, ni même aux théologiens que le Christ l’a confié pour en assurer l’interprétation authentique, mais au seul magistère de l’Eglise."

Pour résumer, lorsque le pape seul définit ex cathedra qu’une doctrine doit être crue comme révélée par Dieu, il est infaillible ; on parle alors de magistère pontifical.
Quand c’est l’Église entière — en la personne du pape et des évêques subordonnées avec une unanimité morale — qui établit une doctrine divinement révélée, alors son enseignement est infaillible ; on parle alors de magistère universel. Pour les évêques c’est la communion avec le pape et leur unanimité morale qui fait leur infaillibilité, considérés individuellement, ils sont parfaitement faillibles.

À la lumière de ces précisions liminaires, nous pouvons désormais nous attaquer aux hérésies qui ont jalonnées l’histoire de la chrétienté. Nous entrons dans la deuxième partie, s’appuyant sur le livre mystère d’iniquité.

Crucifixion de Pierre

Les hérésies

« Chose digne de remarque ! Tous les hérétiques ont attaqué le chef de l’Église. » S. Alphonse de Liguori, in op. cit.

La négation de l’infaillibilité des papes et la supériorité du concile sur le pape

Une hérésie assez peu commune aujourd’hui mais qui a donné lieu à de nombreux anathèmes est celle de considérer que le pontife est inférieur au concile, ou que celui n’est infaillible que par le concile. Cette hérésie était généralement soutenue dans trois buts :

  • Pour affaiblir le pape afin d’insérer des fausses doctrines dans l’Église. Ce fut surtout le cas au début de la chrétienté, lorsque de nombreux évêques se laissaient pervertir par certaines hérésies. Ainsi, nous dit Saint Alphonse, « le pape Pélage II déclara nul un concile, parce qu’on l’avait célébré sans son consentement » [14] ;
  • Pour établir une Église nationale. Ce fut le cas du gallicanisme en France qui connut ses heures de gloires avec Monseigneur Bossuet. Cette hérésie cherchait à établir une Église autonome en déclarant les conciles supérieurs au pape. Les gallicans furent d’ailleurs rejoints par les jansénistes, ce qui amena la signature de la Constitution civile du clergé en 1790. Ces doctrines ont été condamnées à maintes reprises par les papes. Citons seulement Benoît XIV à propos de l’écrit de Bossuet Defenso cleri gallicani : « Il serait difficile de trouver un ouvrage qui soit aussi contraire à la doctrine reçue partout, hors de la France, sur l’infaillibilité du souverain pontife définissant ex cathedra et sur la supériorité au-dessus de tout concile œcuménique ».
  • Enfin, les protestants ne reconnaissent pas l’interprétation des Écritures sous l’autorité du pape, selon eux, chacun doit tirer sa foi de la Bible, c’est pourquoi l’on retrouve tant d’Églises indépendantes au sein du protestantisme.
    Léon X
    (1513-1521)

    Léon X dans sa bulle Exsurge Domine condamna les quarante et une propositions de luther, dont celle-ci : « Si le pape pensait de telle manière avec une grande partie de l’Église, il ne se tromperait pas ; cependant ce n’est ni un péché ni une hérésie de penser le contraire, surtout dans une question qui n’est pas nécessaire au salut, jusqu’à ce que le concile universel ait condamné une opinion et approuvé l’autre. ». Ce même Luther affirmait également dans un débat l’opposant à Eckius : « Les papes et les conciles n’ont pas le privilège d’être infaillibles » [S. Alphonse, op. cit.]. De même Calvin professait que « L’empereur seul pouvait convoquer un concile. » [15]

De très nombreuses sectes se sont opposées soit totalement à l’infaillibilité de l’Église en la personne du pape, soit en affirmant la supériorité du concile sur ce dernier, en voici une liste non exhaustive : [16] : la maçonnerie — rappelons au passage que « la maçonnerie est l’institution la plus anathémisée et exécrée par l’Église au cours de son existence bimillénaire (le père Esposito a compté environ 590 condamnations disséminés dans de nombreux documents) » [17] — ; le Hussisme [18] ; l’hérésie de Pierre d’Osma [19] ; le conciliarisme — qui naquît lors du grand schisme d’Occident — ; le febronianisme [20] — appliqué par l’Empereur du saint empire romain germanique Joseph II — ; les vieux-catholiques [21] — dont les livres ont fini à l’index — ; les modernistes [22] et cætera

L’impeccabilité et l’omniscience du pape

Si le pape est tenu pour infaillible en matière de dogme et de mœurs, il n’en reste pas moins qu’il est peccable. Sur ce point tous nos auteurs sont du même avis, citons simplement Mgr Fessler : il ne faut pas « confondre avec l’omniscience ou même avec l’impeccabilité le privilège que le divin fondateur de l’Église a accordé à son représentant sur la terre de ne point se tromper en définissant d’après l’Écriture et la Tradition, les vérités révélée […] ». Et cela se conçoit assez aisément : le souverain pontife est, et reste un homme. Par conséquent, il est toujours soumis à la nature de l’humanité et aux tentations du Prince de ce monde. En outre, les écritures nous donnent une preuve de la peccabilité du pape lorsque S. Paul reprend S. Pierre à propos de son comportement en présence des juifs à Antioche : « Mais quand Céphas [Pierre] vint à Antioche, je lui résistais en face, parce qu’il s’était donné tort. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l’écart, par peur des circoncis » [Galates, II, 11-12] [23]

Le pape peut être hérétique en tant que docteur privé

L’hérésie affirmant que le successeur de Pierre peut être hérétique en privé est un peu plus sensible. Ici, il nous faut définir clairement ce qu’est qu’être hérétique tant le vocabulaire est important dans cette controverse. Un hérétique n’est pas seulement quelqu’un qui professe de fausses doctrines, encore faut-il qu’il le fasse en toute connaissance de cause, volontairement et qu’il persiste dans son erreur [24]. De plus, il faut faire la distinction entre un pape qui aurait pu être hérétique et un pape qui n’aurait pas condamné une hérésie la laissant ainsi se propager. Quelle que soit la thèse défendue à propos de l’infaillibilité pontificale et le magistère ordinaire, deux papes sont cités à chaque fois. Commençons par Honorius premier du nom qui a été anathémisé par Léon II et le troisième concile de Constantinople – qui s’était ouvert sous le règne d’Agathon. La cause ? Dans des écrits et des lettres, le pape a approuvé la doctrine de Sergius ne reconnaissant qu’une seule volonté en Jésus. Pour sa défense, le pape aurait été trompé dans le but de Sergius : celui-ci ayant présenté sa lettre comme résultant de la volonté d’éviter des querelles de vocabulaires, notamment en affirmant les deux natures de Jésus, mais en affirmant une seule volonté : « Confessons une seule volonté dans le Christ, parce que la divinité n’a pas pris notre péché, mais notre nature, telle qu’elle était avant d’avoir été corrompue par le péché. […] Nous savons qu’il n’y a qu’un seul acteur, agissant par la divinité et l’humanité [donc deux volontés], mais doit-on dire qu’il y a une ou deux actions, peu nous importe, laissons chicaner aux écoles des philosophes. » [25]. La question est encore extrêmement fine, car si le pape a clairement pu errer dans sa foi et professer une erreur, l’a-t-il fait en « remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens » [26] ?

Honorius
(625-638)

En outre, peut-on réellement dire qu’il fut hérétique ? L’on retrouve différentes analyses sur cette question, certains défenseurs de la faillibilité du pape prétendent qu’il fut hérétique. D’autres arguent que des faux ont été utilisés contre Honorius pour justifier qu’il soit présenté comme hérétique [27]. Enfin certains affirment que le magistère infaillible ne s’exerce que par des formes définies ou une volonté précise et par conséquent qu’Honorius n’a fait que dévier de sa foi sans être à proprement parlé hérétique. Quoiqu’il en soit, il semble assez clair qu’il fut trompé plus ou moins malgré lui et que le qualificatif d’hérétique lui correspond assez mal comme le prouve le docteur de l’Église S. Alphonse : « Cette déclaration a été regardée par les hérétiques et quelques écrivains orthodoxes comme l’écueil d’Honorius, une preuve de monothélisme. Ils sont certainement dans l’erreur […] » Néanmoins, ce même docteur affirme que le pontife a « été coupable en imposant le silence à qui parlait d’une ou de deux volontés ; quand il s’agit d’erreur, c’est la favoriser que de se taire ». Et le grand saint d’affirmer que Léon II en confirmant la condamnation d’Honorius par le concile de Calcédoine, l’anathémisa « non pour avoir adopté le faux dogme des hérétiques, mais pour n’avoir pas voulu qu’on en fit justice ».
Deuxième exemple assez tendancieux : le pape Jean XXII. Il aurait affirmé que les âmes des justes ne rencontrent pas Notre Seigneur après leurs morts, mais attendent le jugement dernier. Ce sont surtout des arguments historiques qui sont avancés pour défendre chaque thèse. Certains affirment qu’il n’aurait pas professé cette doctrine mais qu’il aurait simplement cité ladite hérésie pour la soumettre au jugement des théologiens. Ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas ouvertement condamné cette doctrine, ce qui est la preuve que le pape peut faire des erreurs sans être hérétique.

Jean XXII
(1316-1334)

Enfin, ladite doctrine, ne fut ouvertement déclarée comme dogme de foi par Benoit XII que deux ans après la mort de Jean XXII. Peut-on être hérétique avant même qu’un dogme ne soit établi ? Quoiqu’il en soit, le souverain pontife Jean XXII professa avant sa mort la véritable doctrine et remit son âme au Père comme catholique.
Sans trop nous avancer sur une question difficile qui nécessiterait de plus longs développements, nous pourrions dire que le pape – en tant que personne privée ou que pasteur de tous les chrétiens - ne peut être hérétique ;id est qu’il ne peut professer volontaire, en toute connaissance de cause et de manière entretenu une doctrine hérétique. En revanche rien ne l’empêche de faillir personnellement, d’errer dans sa foi et de pécher.

La non primauté du pape

La primauté du pape consiste à reconnaître que NSJC a fait de S. Pierre le chef de l’Église, et que les papes sont les successeurs de Pierre. Cela induit la reconnaissance de l’autorité du pape en tant que Vicaire du Christ.
Les jansénistes faisaient une distinction visant à nier l’autorité du souverain pontife en niant la primauté de ce dernier. Ils affirmaient notamment obéir au « sedes » [ le Saint Siège ] mais non au « sedens » [ celui qui est assis sur le Saint Siège : le pape ]. Par-là, ils affirmaient que Notre Seigneur Jésus Christ avait donné à Pierre l’autorité de gouverner la chrétienté, mais pas à ses successeurs.

Pie IX
(1846-1878)

De même, l’Église orthodoxe ne reconnaît pas la primauté du Saint Père sur les autres patriarches, à savoir ceux de Jérusalem, d’Antioche, d’Alexandrie et de Constantinople. Ils reconnaissent donc bien le pape comme le successeur de Pierre, non pas comme chef de l’Église, mais comme simple évêque de Rome. Rappelons la condamnation émise par Pie IX lors du premier concile du Vatican : « Si quelqu’un dit que ce n’est pas par l’institution du Christ Notre Seigneur lui-même que saint Pierre doit avoir perpétuellement des successeurs dans la primauté sur l’ensemble de l’Église ou que le pontife romain n’est pas le successeur de Pierre dans cette primauté, qu’il soit anathème » [28].

Nous conclurons en citant un passage de la conclusion du livre de saint Alphonse Liguori [29] qui nous exhorte à rester toujours fidèle à la Sainte Église Catholique et romaine :

« Ami lecteur, laissons donc les hérétiques dans leurs ténèbres volontaires. [...] Attachons nous fermement à l’ancre sûr et inébranlable de l’Église catholique, au sein de laquelle Dieu nous a promis de nous enseigner la véritable foi [...] Ami lecteur, à la vue de la multitude des infidèles, remercions dans la bonté divine de nous avoir fait naître au sein de l’Église catholique et romaine. C’est une grande faveur du Ciel, ne soyons pas ingrats. Travaillons à correspondre à la grâce qui nous a été faite ; car si quelqu’un de nous se perd, et Dieu ne peut le vouloir, cette grâce elle-même, ce bienfait de la foi qui nous est venu du Ciel, sera pour nous la plus grande des douleurs éternelles. »

Hubert d’Abtivie

[1Cité par l’abbé Marchiset dans L’infaillibilité, 40 ans d’erreurs

[2L’auter renvoie également — parmi les plus connus — à : S. Jérôme, S. Augustin, S. Bernard, il détaille également avec une grande clarté la position de S. Thomas d’Aquin.

[3Depuis la « chaire »

[4Mgr Fessler dans son opus cité fait la remarque que les mots ex cathedra ou definimus ne suffisent pas pour affirmer la solennité de l’enseignement.

[5Pie IX, Constitution Dogmatique sur l’Église Pastor Æternus, 1870

[6Il faut bien comprendre que probable est ici entendu au sens de la probabilité unique. La doctrine ne vient donc pas directement de la révélation ou de la Tradition, mais s’appuie sur des raisonnements théologiques.

[7« NB : contrairement à ce que beaucoup laissent croire, le vocabulaire et la doctrine ne sont pas entièrement fixés sur ce sujet. L’étudiant doit donc faire preuve de beaucoup de discernement lorsqu’il lit un texte sur le sujet » ; Abbé Lucien, in op, cit.

[8J. Rivière dans le Dictionnaire pratique des connaissances religieuses ; [Cité par A. de Lassus In Note sur le magistère ordinaire universel de l’Église]

[9En réalité la distinction est un peu plus fine que cela, mais pour le développement de notre réflexion, cette différence nous suffira.

[10J.-M.-A Vacant in op. cit. : "On voit que chaque génération ajoute quelque chose à la chaîne ininterrompue des enseignements exprès ou implicites qui manifestent la doctrine de l’Église"

[11Au sujet de la Tradition et de la Révélation, se référer à l’abbé Lucien in op. cit.

[12Constitution dogmatique Dei verbum : "L’économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ"

[13« Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste. »

[14Histoire des hérésies tome premier.

[15« Universale concilium salus imperator indicere poterat » cité par S. Alphonse dans Autorité du pontife romain

[16Toutes ces hérésies sont détaillées dans le mystère d’iniquité

[17Conférence du docteur Carlo Agnoli, cité in l’Église éclipsée

[18Condamné par le concile de Constance et par Martin V

[19Condamnée par le pape Sixte IV dans la bulle Licet æ quæ de nostro mandato

[20La réfutation de cette hérésie est laissée à S. Alphonse de Liguori dans son ouvrage De l’autorité du souverain pontife contre Justin Febronius

[21Mgr Fessler réfute les arguments des vieux catholiques de manière admirable dans son opposition au Docteur Schulte dans La vraie et la fausse infaillibilité du pape

[22Condamnés dans l’encyclique Pascendi de Saint Pie X ; qualifiés par le même pape dans le motu proprio Præstantia d’ « égouts collecteurs de toutes les hérésies ».

[23Ceux qui verraient ici une preuve de la faillibilité du pape dans ses enseignements sur la doctrine et les mœurs se référeront au livre le mystère d’iniquité qui explique parfaitement en quoi cela ne prouve rien sinon la peccabilité du Saint Père.

[24S. Alphonse Liguori in op. cit. : « Bien qu’il soit certain, disent Graveson et Noël Alexandre, qu’Abélard ait été l’auteur des propositions indiquées, on ne peut pourtant pas l’appeler hérétique, puisqu’il reconnut ses erreurs et les abjura »

[25Citation d’Honorius rapportée par St Alphonse in op. cit.

[26Définition du premier concile de Vatican

[27Op. cit. « Quelques décennies après, des Grecs falsifièrent les actes du VIe concile œcuménique, en ajoutant subrepticement Honorius sur la liste des hérétiques monothélites anathématisés »

[28Denzinger 1825

[29Histoire de hérésies tome premier

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