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[Civitas 3/5] Les méthodes de Civitas

Première partie de cette controverse : Qu’est-ce que Civitas ?

Deuxième partie de cette controverse : Que font les évêques ?

Les méthodes de Civitas

Bougainville : La première chose que je reproche à Civitas, c’est de faire de l’entrisme en dissimulant son identité. Civitas ne se présente pas comme un mouvement lié à la FSSPX, et elle fait croire aux jeunes qui reçoivent ses courriels ou ses invitations sur Facebook qu’elle est un mouvement d’Eglise comme les autres. Et quand le Salon Beige laisse entendre, à tort, que certains évêques et Vita soutiennent l’initiative de Civitas, on entre dans la dissimulation caractérisée.

Tancrède : Si les aumôniers sont membres de la FSPPX, le mouvement n’est pas une création de la Fraternité ; il a été créé par des laïcs qui, pour la plupart il est vrai, fréquentent les lieux de cultes de la Fraternité. D’ailleurs, vous savez, les relations entre Civitas et les prêtres de la FSSPX sont parfois houleuses, c’est normal.

Bougainville : Ah ? J’ignorais. Pour quelles raisons ?

Tancrède : Les aumôniers font parfois reproche à Civitas de méthodes irréfléchies. Quoi de plus normal ? Les méthodes des laïcs ne rejoignent pas souvent celles qu’un ecclésiastique peut préconiser. Civitas est un mouvement dirigé par des laïcs souvent impétueux, précisément parce qu’ils n’ont pas la sagesse des clercs ; ils possèdent en revanche l’impétuosité de la jeunesse, ce qui est plutôt une qualité. Si Civitas étaient gouvernée par des abbés, sans doute agirait-elle plus sagement encore, sans renoncer toutefois à l’ardeur, et sans doute son dirigeant ne serait pas M. Escada.

Bougainville : J’ai cru comprendre que M. l’Abbé de Caqueray était très content de M. Escada ...

Tancrède : Oui. Cela s’appelle de la communication.

Rires.

Bougainville : Admettons. Il est toutefois possible de constater qu’à l’instar de la FSSPX, Civitas sait se passer des mandats de l’Eglise catholique tout en se prétendant les gardiens de sa doctrine. Souvenons-nous de l’affaire Castelluci. Dans la pratique, Civitas n’obéit pas aux évêques, mais se réclame de ceux-ci pour attirer des catholiques. Civitas prétend avoir du soutien dans l’épiscopat alors que les lettres concernées transpirent la langue de buis épiscopale et disent seulement ceci : "Priez à cette intention, en communion avec vos pasteurs" [1]. Si les évêques de France étaient considérés comme les pasteurs de Civitas, cela se saurait.

Carl Moy-Ruifey : Je dois dire que Civitas me fait penser à ces députés ultras sous la restauration qui ont malgré eux développé le parlementarisme par leur opposition avec le roi. N’y a-t-il pas le même problème à Civitas ? N’affaiblissent-ils pas les évêques ? N’est-ce pas contraire à l’Evangile ?

Tancrède : Le Christ et les papes ont posé des limites à l’obéissance. A partir du moment où un évêque, investi d’un mandat divin, n’agit pas comme on est en droit de l’attendre d’un ministre de Dieu, alors il est du devoir des fidèles de s’en émouvoir pour lui rappeler son rôle. Innocent III, qui n’était pas n’importe qui, a quand même dit en substance de se méfier des chiens muets, et si votre évêque est un chien muet, il est de votre devoir de dire stop" [2].

Bougainville : On touche là à la vraie raison de notre opposition. L’archevêque de Paris a statué lors de l’affaire Castellucci que Civitas n’avait pas de mandat de l’Eglise catholique, puisque cet Institut est rattaché à la FSSPX qui est dans une situation de schisme avec Rome. Alors, si Mgr Vingt-Trois, le pasteur de l’Eglise du Christ à Paris, dit cela, qui êtes-vous pour juger son propos ? C’est du subjectivisme, à la manière de tas de progressistes. Ceux-là pensent aussi que les évêques ne tiennent pas leur missions, qu’ils devraient bénir des couples homosexuels sur le champ.

Tancrède : Il y a des critères sûrs et objectifs pour juger du respect ou du non-respect d’une mission épiscopale : l’Ecriture et la Tradition. Les progressistes veulent rompre avec la Tradition, ils veulent rompre avec ce critère même qui permet de savoir justement, exactement si un évêque est dans son rôle ou s’il ne l’est pas. De plus, il n’y a pas besoin d’un "mandat" pour agir publiquement en chrétien : ce serait aussi inepte que de dire qu’il faut un "mandat" de l’évêque pour faire le bien.

Charles Cartigny : Je trouve ce débat très intéressant et j’ai une pensée pour celui qui l’écrira (ndlr : merci.). Quand Mgr Vingt-Trois dit que Civitas n’a pas de mandat de l’Eglise catholique, c’est surtout une manière de se laver les mains et de n’y pas mêler tous les catholiques français, mais aux yeux des médias, et non pas en interne. Et il a raison de le faire : si tous les membres de Civitas sont catholiques, tous les catholiques ne sont pas membres de Civitas. C’était une manière d’étouffer l’affaire.

Tancrède : C’est un argument intéressant, mais c’est un argument médiocre.

Rires.

Tancrède : C’est un argument médiocre dans la mesure où Mgr Vingt-Trois visait ainsi à dénoncer la Fraternité Saint-Pie X publiquement au lieu de déplorer d’abord les offenses faites publiquement au Christ. Autrement dit, cette saillie épiscopale faisait passer les conflits internes à l’Eglise avant la défense de l’Eglise, défense qui devait a priori tous nous réunir. Et d’ailleurs, au mouvement initié par Civitas se sont spontanément greffés des catholiques qui n’étais pas forcément adeptes des lieux de culte de la FSSPX, mais qui avaient été scandalisés par ces affaires blasphématoires. Il faut rappeler que les laïcs sont aussi des acteurs de l’Eglise, au même titre que les évêques, à défaut de l’être au même niveau hiérarchique. Ils ont le droit d’agir en chrétiens. S’ils dérapent et s’ils dérapent seulement, alors l’évêque se doit d’intervenir pour les recadrer. L’intervention de Mgr Vingt-Trois n’avait pas cela en ligne de mire, puisque ces catholiques agissaient en catholiques, non, son intervention se cristallisait de manière obsessionnelle contre la FSSPX. Et c’est Mgr Vingt-Trois qui a mis sur la place publique ces dissensions, certes réelles, entre la FSSPX et lui : "Vous n’êtes pas MES amis, vous n’avez pas MON mandat." Petit.

Charles Cartigny : Au-delà de sa médiocrité supposée, je pense que mon argument n’a pas été compris. Mgr Vingt-Trois s’adressait essentiellement aux jounalistes, pour préserver l’image que les gens qui n’y connaissent rien se font de l’Eglise.
Ardent : Cela nous amène justement à cet enjeu crucial : la forme. La CEF semble très attachée à la forme, pour rejoindre les gens là où ils sont. La vérité a-t-elle besoin d’avancer "déguisée" pour évangéliser ? L’action de Civitas, plus dépouillée, n’a-t-elle pas plus d’effets sur les âmes ?

A suivre...


[2Cum enim subditus videt peccare praelatum, facile exemplo corrumpitur, et in suam culpam excusationem praetendit : sufficit discipulo si sit sicut magister suus ; non enim potest filius facere, nisi quod patrem vidit facientem. Et sic uno eodemque peccato praelatus et semetipsum condemnat, et populum perdit. Nam si sacerdos qui unctus est peccaverit, faciet delinquere populum (Lev. IV).

En effet, quand un homme qui se trouve en position de sujétion par rapport à un prélat voit ce dernier pécher, il est immédiatement corrompu par son exemple et fait valoir ce prétexte pour se disculper de sa faute : il suffit au disciple d’être à la ressemblance de son maître ; or le fils ne peut en effet rien faire sinon ce qu’il voit être fait par son père. Et ainsi le prélat, par un seul et même péché, et se condamne lui-même, et mène le peuple à la perdition. De fait, « si c’est le prêtre ayant reçu l’onction qui a péché, [il rend] par là le peuple coupable » (Lev. 4, 3).

« Mercenarius quidem est, qui locum pastoris habet, sed pastoris opus non agit ; qui pro mercede non spirituali, sed pro temporali ; non vera, sed falsa ; non aeterna, sed transitoria pascit oves. »

Celui qui occupe le rang de pasteur mais qui n’accomplit pas la mission du pasteur, celui qui agit en vue d’une récompense non spirituelle mais temporelle, celui qui travaille non pour la vérité mais pour l’erreur, celui qui fait paître les brebis sur les terres de l’éphémère et non de l’éternel, celui-là est un mercenaire.

« Quia latet, tacet et sustinet, cum minime videt injustitiam, violentiam et perfidiam, contra impotentes, orphanos et egenos ; quasi canis mutus non valens latrare (Isa. XLVI). Heu quot hodie tales habemus et dolemus [al. videmus] in Ecclesia mercenarios : propter quod cum nomen pastoris habeant, et officium, non meritum, invalescunt haeretici, tyranni saeviunt, et perfidi persequuntur. Quia vix invenitur, qui ponat se murum pro domo Israel, aut stet ex adverso in die Domini (Ezech. XIII). »

Car il se cache et il se tait pour se maintenir à sa place, et il ferme complètement les yeux sur les injustices, les violences et les perfidies qui sont faites contre les faibles, les orphelins et les plus petits ; celui-là est un chien muet, qui ne peut pas aboyer (Isaïe 56,10). Hélas ! Avec quelle douleur nous voyons aujourd’hui de semblables mercenaires pulluler massivement au sein même de l’Église : or, bien qu’ils aient le nom et la charge de pasteur, ils n’en ont pas le mérite, et c’est pour cette raison que les hérétiques s’affermissent, que les tyrans se déchaînent, et que les perfides s’obstinent. Mais c’est qu’il est difficile à trouver, celui qui sera capable d’édifier une muraille autour de la maison d’Israël, pour tenir ferme dans la bataille, au jour du Seigneur (Ézéchiel 13,5).

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