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Pour saluer une reine

« Sur l’ancienne place Louis XV, un concours de peuple dévore des petits pains et des noix, en buvant de la limonade. Elle monte sur l’estrade, marche sur le pied du bourreau et luit dit : « Monsieur, je vous demande excuse, je ne l’ai pas fait exprès. »
On lui dit d’avancer, elle avance. À midi un quart, comme il était convenu, on lui coupe la tête. » [1]

Hier était l’anniversaire de la mort d’une Reine, d’une Reine morte pour reprendre le titre du petit texte de Roger Nimier consacré à la dernière reine de France. Cet opuscule brosse à grands traits le portrait d’une jeune Lorraine, toujours traitée d’Autrichienne, à qui rien ne fut épargné. Pas même les plaisirs, pas même l’ennui. À en croire l’auteur, Marie-Antoinette mourut sans courage, sans peur non plus. Elle monta sagement, poliment, à l’échafaud. Mais c’est précisément ce qui constitue le crime, ce qui drape d’une grandeur un peu encombrante la jeune bergère de Versailles.

À Trianon, dans le Hameau, rôde encore son ombre fantomatique. Car Marie-Antoinette n’était qu’une enfant. Elle voulait s’amuser, on la maria. On la maria à un roi ; elle se fit reine, donna des héritiers. On voulut la mêler aux intrigues ; elle voulut défendre son honneur. Face à la comtesse du Barry, face aux graves magistrats qui instruisirent l’affaire du collier. Dans la tourmente, encore, c’est vainement qu’elle déploya ses talents pour sauver le roi son mari et ses chers enfants.

« La France superstitieuse et renfermée lui reproche d’être autrichienne. La France avare suppute ses dépenses. La France ennuyeuse la hait d’instinct. La France jalouse lui invente des amants, en dresse la liste, arrive au chiffre de trente-quatre, les femmes comprises. Elle est la désirable ennemie de la jeunesse libérale.
On la convoite dans les provinces, on la poursuit comme un amant, on la critique comme un mari. » [2]

Marie-Antoinette fut à l’image de l’aristocratie de son temps : enjouée, plaisante, séduisante, dépensière, parée de bons sentiments, haïe. Elle ne fut pas seule à tomber sous la guillotine souillée des froids archanges de la vertu. Mais pour tous les autres, avec beaucoup d’autres, elle s’acquitta du lourd impôt prélevé par ces grains de sable dans l’engrenage de la Providence que sont les révolutions.


[1NIMIER Roger, Le Palais de l’ogre, Paris, Éditions de la Table Ronde, collection « la petite vermillon », 2012, p.118.

[2Idem, p.102.

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