L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
Il y a tout juste deux ans, la maison d’édition Clovis a publié un imposant ouvrage intitulé La Vie spirituelle [1], avec pour auteur monseigneur Marcel Lefebvre, sa devise épiscopale figurant d’ailleurs en sous-titre : « Et nos credidimus caritati ».
Cet épais volume, qui avoisine les 500 pages, est en réalité une compilation d’enseignements spirituels dont l’impression a été rendue possible grâce au travail méticuleux et attentif de l’abbé Patrick Troadec, f.s.s.p.x., qui a su piocher des passages dans différents livres, homélies, allocutions, conférences et interventions du fondateur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X pour les réagencer afin de donner une charpente cohérente et une articulation logique à l’ensemble. Une simple consultation de la table des matières du livre permettra de mieux se rendre compte du véritable talent de compilateur dont a su faire preuve le supérieur du séminaire Saint-Curé-d’Ars à Flavigny – avec le concours, il est vrai, du frère Cyrille-Marie, puis d’autres prêtres pour l’enrichissement du recueil.
Les morceaux choisis de monseigneur Lefebvre concernent toutes les époques de son ministère, et il s’en dégage une très grande homogénéité, une parfaite continuité, depuis le milieu du siècle jusqu’à la mort du prélat. Cette belle œuvre de spiritualité, au ton clair et à la phrase précise, pouvant faire office de véritable catéchisme pour nourrir la prière des adultes, se compose de quatre grandes parties : « I. Dieu et son amour pour nous » (subdivisée en trois livres : « La contemplation de Dieu », « Le Verbe incarné » et « La vie de Dieu en nous »), « II. Notre réponse : la montée vers Dieu » (là aussi trois subdivisions : « Les obstacles de la vie spirituelle », « Le combat spirituel » et « Les énergies de la vie spirituelle »), « III. Les secours divins à notre disposition » (comptant quatre livres sur « L’Église », « La prière », « Les sacrements » et « La vierge Marie »), et « IV. Notre destinée : l’éternelle vie ». De nombreux articles de la foi catholique sont expliqués avec limpidité, aux côtés d’exhortations à mettre en pratique vertus et bonnes résolutions, avec la force de la volonté et l’assistance de la grâce.
« La religion chrétienne, c’est une religion de l’Esprit Saint, c’est la religion de l’amour, de la charité [2]. » Cela ne surprendra pas : le maître-mot de la spiritualité du fondateur du séminaire d’Écône, c’est la charité, qui relève du premier et unique commandement laissé par Notre-Seigneur. Cette éminente vertu théologale qui s’explique par notre création à l’image de Dieu « est à la fois la clé du mystère de Dieu » et « celle du mystère de notre vie [3] ». Cette charité permet de goûter à la vie éternelle dès notre ici-bas [4]. Elle a été le motif de la Passion du Christ et de la compassion de sa très sainte Mère [5] : voilà le don de soi par excellence [6] que Jésus enseigne dans l’évangile selon saint Jean ! Prions plus assidûment l’Esprit Saint et nous aussi nous pourrons être ravis par la charité [7] ! Les rapports entre la charité et le restant de la Révélation sont intimes et indétricotables : « Le bien, c’est la vérité mise en action, c’est-à-dire la charité : Dieu est vérité et charité, c’est une seule et même chose [8]. » Ne confondons pas cette éminente vertu avec de la mièvrerie : « La charité est vraiment ce qu’il y a de plus divin, mais encore faut-il bien la comprendre. Il ne faut pas que ce soit une espèce de sentimentalisme. Dieu sait si l’on parle de l’amour aujourd’hui, mais on dégrade cet amour [9] ». Évitons également tout contresens au sujet du mot célèbre de saint Augustin d’Hippone : « La charité est exigeante. Quand saint Augustin dit : “Aime et fais ce que tu veux”, le terme aime sous-entend qu’on ne fait que la volonté de celui que l’on aime. […] Par la charité, notre volonté s’unit, c’est-à-dire se conforme à la volonté de Dieu [10] ».
La contemplation est quant à elle placée à la portée de tous les fidèles, par la mise en présence de chaque âme avec Notre-Seigneur [11] et la tension vers Dieu [12], sans oublier l’exigence que ce dernier a que nous soyons des saints [13]. C’est là que viennent s’interposer les « divertissements » pascaliens, à savoir toutes les choses qui nous attachent à elles en nous détournant du Seigneur, à commencer par les biens matériels qui nous préoccupent trop souvent davantage que les biens spirituels, lesquels sont pourtant les seuls à n’être point périssables [14]. S’inscrivant dans la lignée thomiste, qu’un Louis Jugnet n’a eu de cesse de remettre à l’honneur, monseigneur Lefebvre explique que le monde spirituel est « plus vivant, plus réel, que le matériel [15] ». Le centenaire des apparitions mariales à Fatima en 2017 devrait nous rappeler que la Vierge a préféré apparaître à des illettrés comme Notre-Seigneur s’est fait proche des tout-petits : gardons ou acquérons l’esprit de pauvreté, en nous souvenant de ce que les connaissances et l’érudition relèvent aussi des biens de ce monde [16]. « Savoir Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, c’est assez savoir ; savoir tout et ne pas le savoir, c’est ne rien savoir » (saint Louis-Marie Grignion de Montfort, L’amour de la Sagesse éternelle, in Œuvres complètes, Paris, Seuil, 1966, chap. 1, § 11, p. 98). La pauvreté doit aller de pair avec l’humilité, étant donné que l’homme est un être dépendant de son Créateur et ne trouvant sa raison d’être qu’en ce dernier ; tandis que la gent angélique semble largement le dépasser, chaque ange – à titre d’exemple – étant une espèce à lui tout seul [17] : vaste sujet à méditer !
L’amour de Dieu, contemplatif et charitable, ne passe pas par des actes rébarbatifs et inconsciemment répétés. Il appelle toute la volonté et toute l’intelligence, en plus du cœur et de l’âme. « Aussi, nous aurions tort de réciter notre Credo machinalement, sans réfléchir aux grandes vérités qui nous y sont enseignées, vérités qui sont vivantes. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire passée, mais elle est toujours actuelle [18]. » La méditation des mystères nous plonge déjà dans l’éternité bienheureuse !
La Trinité occupe une place de choix dans ce grand traité de spiritualité. Le filioque est au passage justifié par Jn 14, 23-26, « la relation du Fils avec le Père [étant] une relation unique alors que, quand il s’agit du Saint-Esprit, le Père et le Fils interviennent [19] ». La contemplation de la Trinité doit en outre nous inviter à repousser un vain œcuménisme irénique, notamment vis-à-vis de l’Islam que l’auteur a côtoyé de près et bien appris à connaître au Sénégal. La Trinité est également le parangon de la charité dont nous avons déjà parlé, avec la circumincession interpersonnelle [20].
L’Incarnation – « le grand signe de l’amour de Dieu pour nous [21] » – nous est ensuite présentée comme un moyen de rapprochement de l’homme avec Dieu, comme le mystère central de la religion [22] : « La grande révélation est que le Verbe de Dieu s’est fait chair et a habité parmi nous [23] », comme nous le récitons trois fois par jour en courbant nos échines de fiers Sicambres lors de l’Angelus. Dieu étant le ciel [24], c’est donc avec Jésus le ciel qui descend sur terre. À nous de nous y unir ! L’Esprit Saint continue cette présence du ciel sur la terre pour les chrétiens [25] : avons-nous assez médité sur ce privilège, fait montre d’assez de gratitude pour cette Personne de la Trinité trop souvent oubliée ? Jésus-Christ est la ligne de partage des eaux de l’histoire de l’humanité, et il est naturel d’en dater tous les événements. Il est aussi le point qui divise en deux bras le fleuve des hommes : d’un côté ceux qui lui disent oui, de l’autre ceux qui s’opposent à lui [26]. Le Messie est à la fois Sauveur, Médiateur et Prêtre [27]. Il relie l’humanité au ciel. Naturellement, à l’Incarnation est intimement liée la Rédemption, où les souffrances morales de Notre-Seigneur à la vue de tous nos péchés ont dépassé encore ses colossales souffrances physiques [28]. La croix doit être au cœur de la vie chrétienne, et nombreux sont les saints prêtres et religieux à avoir quotidiennement fait un chemin de croix ou médité sur la Passion. Le catholique traverse embûches et épreuves dans cette « vallée de larmes », et sa vocation (Col 1, 24) est donc de s’associer à la Passion de Jésus pour que ne soient pas vaines toutes ses tribulations. C’est le seul chemin pour aller au ciel [29], et il commence par l’assomption de son devoir d’état pour rechercher l’inhabitation de Dieu en soi. Il faut apprendre à refréner les actions naturelles afin qu’elles n’étouffent pas la vie de la grâce à la manière du lierre qui recouvre peu à peu toute la surface d’un mur ou qui finit par étrangler certaines espèces d’arbres [30].
En nous comportant ainsi, nous pouvons être adoptés par la Trinité et entrer dans son intimité [31]. C’est un don magnifique que nous n’estimons peut-être pas assez souvent à sa juste valeur. Nous y trouvons un tremplin vers l’oraison, une expérience qui affermit la foi et qui relève, malgré sa grande accessibilité, du mystère si ce n’est du miracle. Et, en ce domaine, le Saint-Esprit est notre moteur, comme il est source de sainteté [32].
La garde de la foi par l’Église fait l’objet d’une description étoffée, et l’on comprendra pourquoi : « Après Jésus, il n’y aura plus de prophète, mais les apôtres, étant les instruments du Prophète, constitueront par la Tradition et l’Écriture le dépôt de la foi, qui sera clos à la mort du dernier des apôtres. Les successeurs des apôtres n’auront plus qu’à transmettre fidèlement et exactement les vérités contenues dans ce dépôt. À la période prophétique succédera la période dogmatique, durant laquelle les papes et les évêques auront la charge de conserver et de transmettre le dépôt sans altération, in eodem sensu et eadem sententia, jusqu’à la fin des temps [33]. » Et cette Tradition d’irriguer la chrétienté, la civilisation chrétienne [34] dont saint Pie X nous rappelait les bases.
L’obéissance n’est pas laissée de côté : elle est présentée au lecteur comme étant l’adéquation de la volonté de l’homme avec le dessein de Dieu. Par conséquent, « [t]out ce qui est une désobéissance volontaire à Dieu, même dans les petites choses, s’oppose à l’action de l’Esprit Saint en nous [35] ». Obéir, c’est aussi nécessairement vouloir se sauver et être un saint : le péché contre le Saint-Esprit, sans miséricorde possible, est peut-être celui de l’indifférence vis-à-vis de la grâce [36] ou, plus exceptionnellement, celui de son abus. Même si notre petitesse ne devrait faire de nous que de simples serviteurs, Dieu a voulu que notre obéissance soit celle de fils par rapport à un juste père [37]. L’obéissance n’est cependant pas la servilité, monseigneur Lefebvre citant (p. 218) avec à-propos un passage fameux de saint Thomas d’Aquin, en Somme théologique, II-II, q. 33, a. 4, ad 2, lorsqu’il y a abus des supérieurs. Le sujet de l’obéissance ne doit pas être absolutisé aux dépens de son objet : « L’obéissance aveugle n’est pas catholique : nul n’est exempt de responsabilité pour avoir obéi aux hommes plutôt qu’à Dieu, en acceptant des ordres d’une autorité supérieure, fût-ce du pape, s’ils se révèlent contraires à la volonté de Dieu telle que la Tradition nous la fait connaître avec certitude [38] ». L’abbé Jean-Michel Gleize, f.s.s.p.x., étoffe cette affirmation au sujet du concile Vatican II et de l’attitude de monseigneur Lefebvre dans les premiers chapitres de son remarquable et exigeant Vatican II en débat (Versailles, Courrier de Rome, 2012, 226 p.).
L’alimentation de l’esprit et de la connaissance, loin de toute tentation gnostique, est essentielle pour consolider la foi du chrétien. « De même que l’intelligence est faite pour la vérité, la volonté est faite pour le bien [39]. » Malheureusement, de nos jours, l’intelligence et la volonté sont laissées de côté, ou à l’abandon, ou à elles-mêmes, versant dans la perversion. Nous vivons au milieu d’une génération « maudite », d’une humanité de mollassons. D’où une inconstance devenue règle de tous les comportements : « Souvent, à la place de la fermeté, on trouve l’instabilité, le changement d’humeur, l’horreur de l’effort, la mobilité. Il y a des périodes d’enthousiasme et des périodes de dépression. Le manque de force est une constatation de faiblesse que nous faisons vite au contact de difficultés qui sont neuves, inattendues, insoupçonnées [40]. » Ce n’est qu’en prêchant l’Évangile que nous pourrons inverser, par la grâce de Dieu, cette dynamique démoniaque.
Dans la contemption des défauts les plus répandus à notre époque, monseigneur Lefebvre décrit les vices capitaux et leurs diverses applications et ramifications, en commençant par la gourmandise – ou intempérance –, toute-puissance des appétits. Pour combattre ces maux, l’auteur nous invite à emprunter la voie du « bon combat », le combat spirituel contre le Malin. En la matière, la tranquillité devrait nous inquiéter : « Jusqu’à notre dernier soupir, il va falloir combattre [41] ». Il y a d’abord une lutte contre soi-même, à savoir « le vieil homme » caractérisé par le premier péché d’Adam et Ève. Certaines vertus, comme l’humilité et l’esprit de pauvreté, sont d’une efficience toute particulière pour y parvenir : « par le péché originel, nous avons pris possession de quelque chose qui ne nous appartient pas. Aussi, il faut nous déposséder et nous reconquérir pour nous donner complètement à Notre-Seigneur [42] » Nous sommes soit à Dieu, soit à Satan, mais sans manichéisme, comme ce sera le cas après notre mort terrestre. L’homme est une unité qui n’admet pas de partage entre deux maîtres : Mammon ou César d’un côté, le Seigneur de l’autre.
Dans notre pèlerinage ici-bas, aux allures guerrières, il ne faut lésiner sur aucun des moyens qui nous sont donnés. Une grave tentation serait de diminuer la réalité des actes illicites. Pourtant, « le péché véniel, c’est déjà une désobéissance à Dieu [43] ». Et ce seul fait de désobéir au Créateur devrait nous faire chavirer dans le remords et la plus vive contrition, et par conséquent redoubler d’esprit de pénitence et chercher la réconciliation suprême. Dans la même veine, si la fuite du monde est désirable et reste une piste empruntée par de nombreux saints au cours de l’histoire de l’Église, le chrétien doit agir à son humble échelle dans la Cité et sur la société, selon son état, sa classe et sa vocation – ne serait-ce donc que par la prière ou la mortification. Il est illégitime d’abandonner le siècle à lui-même et le monde à son prince d’un temps : « Qu’est-ce que le règne de Satan ? C’est le règne du scandale, mais le scandale au sens propre, c’est-à-dire dans le sens de ce qui nous amène au péché et par conséquent nous conduit en enfer [44]. » Ne minimisons donc surtout pas la force et l’importance des mesures politiques ayant de profondes répercussions sur la société.
Contre la déréliction du péché, une planche de salut nous est offerte : le Christ. Elle nous invite, non seulement à éviter les fautes, mais à avancer sur la voie de la sainteté et de la perfection, pour le bien de sa propre âme et celui de tous – une composante essentielle de la communion des saints et de la dimension sociale de l’être humain. « Vous verrez qu’à mesure que vous aimerez davantage Notre-Seigneur, que vous vivrez davantage avec lui, vous vous apercevrez davantage de vos défauts. Notre-Seigneur lui-même jettera la lumière sur les choses qui lui déplaisent en vous [45] ». Qui demeure indifférent vis-à-vis du mal, y compris des fautes légales, n’aime pas le Créateur, quoi qu’il puisse prétendre : « si l’on aime Dieu, on déteste tout ce qui éloigne de lui [c’est la définition même du péché]. Or le péché nous éloigne de Dieu. Par conséquent, par l’acte de charité que nous avons pour Dieu et pour Notre-Seigneur, nous devons à la fois détester nos péchés, et aimer toujours davantage celui qui est l’auteur de notre être et de la grâce qui est en nous [46]. » De même, gardons-nous de laisser notre prochain dans l’ignorance ou sous le joug du monde : « C’est affreux de penser qu’on peut passer toute sa vie dans l’erreur, dans l’illusion la plus complète, dans la méconnaissance des choses les plus importantes à connaître [47] ». Vraiment, « l’on doit toujours refuser l’erreur partout où elle est. Et donc on doit faire tout son possible pour que Notre-Seigneur triomphe [48]. »
Ce perfectionnement du chrétien est l’objet même de la vie spirituelle, de la vie de la grâce : « La vertu entraîne à la croissance. Or la vie spirituelle est une croissance de notre être vers la perfection [49]. » Point de spiritualité possible sans inclination à la pratique des vertus. Il faut éviter tout relativisme et tout relâchement ; il importe de ne pas suivre ses impressions, ni de prendre ses rêves pour des réalités. On ne fait pas une petite religion de pacotille à sa sauce. C’est la Tradition qu’il faut suivre : « Ouvrez vos livres de théologie, vous trouverez l’Écriture et la Tradition, qui sont les deux sources de la Révélation, et on vous indiquera, dans le chapitre de la Tradition, la norma fidei, la norme de la foi. Donc ce n’est pas nous qui décidons ce que nous devons croire, mais nous recherchons ce que l’Église nous dit. Elle nous le dit à travers les professions de foi d’abord, le Credo de Nicée, le Credo de saint Athanase, puis aussi à travers les conciles dogmatiques, et enfin par tout ce qui a été enseigné solennellement et infailliblement par le magistère de l’Église [50]. » Malheur, donc, à qui voudrait retrancher un seuil iota à la loi du Christ ! La responsabilité est encore plus grave pour les pasteurs qui vacillent : « Malheureusement, s’il est une valeur qui aujourd’hui est mise en cause et combattue, c’est bien la foi. C’est avec douleur que nous constatons que ceux qui ont la charge de répandre la foi et de la défendre s’acharnent au contraire à la détruire [51] ». C’est dans cette corruption de la foi que l’on peut identifier le péché du libéralisme :
Le libéral manque de foi, ou il a une foi fausse, une foi sentimentale. Il met la foi dans le sentiment, alors que la foi est une adhésion de l’intelligence et de la volonté à Dieu qui révèle, donc à quelque chose qui s’impose à nous extérieurement. Le libéral, lui, met la foi dans un sentiment religieux. Ce sentiment religieux est tout à fait subjectif, si bien qu’il dépend de chacun. C’est une inversion de la foi. Le libéral critique toujours ce que l’Église enseigne. Alors il ne peut pas vraiment se sanctifier. C’est pourquoi sa charité est fausse, parce qu’il est condescendant envers l’erreur, alors que la charité serait précisément de communiquer cette foi aux autres, cette révélation absolument incroyable de Dieu se faisant connaître à nous par Notre-Seigneur, par l’Église, nous annonçant toutes les richesses, la vie éternelle qu’il veut nous donner [52].
Pour continuer notre promenade à travers les vertus théologales, nous nous devons de citer celle d’espérance. Pour le diable, la meilleure façon de l’amoindrir a été de la contrefaire sur un mode terrestre. L’espérance disparaît dès lors que les espoirs et projets matériels se démultiplient : « La vertu d’espérance disparaît aujourd’hui parce que l’homme moderne a tendance à mettre toute son espérance ici-bas. Maintenant les grands thèmes de la prédication portent sur le progrès social, la justice sociale, le progrès matériel, la distribution des biens de ce monde, alors que ce n’est pas pour cela que nous sommes faits [53] ». La doctrine hérétique d’un enfer vide n’y est sans doute pas pour rien : si le salut est automatiquement assuré et pour tous, non seulement il n’est plus nécessaire de se rapprocher de Dieu, mais on peut verser dans l’idéologie marxiste qui ne s’intéresse qu’à l’ici-bas, en faisant l’essentiel de l’existence et de la vocation humaine. Pourtant, cette contrefaçon n’a rien à voir avec l’original : « L’espérance nous fait désirer d’être unis à Notre-Seigneur Jésus-Christ pour l’éternité. Elle nous fait désirer d’entrer dans la gloire de la Trinité Sainte par Notre-Seigneur Jésus-Christ, en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce n’est pas une petite chose. Si nous vivions davantage dans l’espérance, nous n’aurions pas la crainte de la mort. Beaucoup craignent la mort, l’ont en horreur, alors qu’elle est au contraire une délivrance et que nos âmes vont vers ce pour quoi elles ont été créées, vers leur bonheur éternel [54] ».
L’auteur passe ensuite à la description et à l’enracinement des autres vertus morales, à l’instar de la prudence (opposée à l’activisme, à l’avarice, à l’attachement aux biens de ce monde), de la justice et de la force. En toute chose, il nous donne des conseils après avoir donné des définitions précises et pérennes. Une somme magistrale sur les sacrements de l’Église et les fins dernières conclut le tout.
En bref, cet ouvrage atteste bien du fait que monseigneur Marcel Lefebvre a prodigué des enseignements spirituels de haute volée, bien construits, vraisemblablement à l’image de sa propre vie intérieure. Rien de plus naturel pour un spiritain ! Le pari réussi d’une compilation de cet ordre, de prime abord difficile à tenir, montre que la FSSPX, à l’instar d’ordres religieux plus anciens ou soulevant moins de polémiques, draine une spiritualité catholique très forte, qui semble plus que jamais adaptée à notre temps. On pourra la creuser encore en étudiant avec Cristina Siccardi [55] le sacerdoce selon Marcel Lefebvre, dont la pensée est particulièrement exigeante en matière de réforme des mœurs du clergé. Un bel antidote contre les novateurs et les tenants du « mariage des prêtres », entre autres horreurs.
[1] LEFEBVRE (Mgr Marcel), La Vie spirituelle. « Nous avons cru dans la charité », Suresnes, Clovis, 2014, 496 p., 22 €. La préface est de monseigneur Bernard Fellay.
[2] Ibid., p. 127.
[3] LEFEBVRE (Mgr M.), conférence spirituelle, Écône, 6 juin 1974.
[4] Ibid., p. 16.
[5] Ibid., p. 93.
[6] Ibid., p. 92.
[7] Ibid., p. 112.
[8] Ibid., p. 153.
[9] Ibid., p. 203.
[10] Ibid., p. 208.
[11] Ibid., p. 15.
[12] Ibid., p. 17.
[13] Ibid., p. 20.
[14] Ibid., p. 18.
[15] Ibid., p. 26.
[16] Ibid., p. 28.
[17] Ibid., p. 31.
[18] Ibid., p. 188.
[19] Ibid., p. 38.
[20] Ibid., p. 43.
[21] Ibid., p. 115.
[22] Ibid., p. 49.
[23] Ibid., p. 115.
[24] Ibid., p. 57.
[25] Ibid., p. 124.
[26] Ibid., p. 64-65.
[27] Ibid., p. 71.
[28] Ibid., p. 89.
[29] Ibid., p. 102.
[30] Ibid., p. 123.
[31] Ibid., p. 109.
[32] Ibid., p. 111.
[33] Ibid., p. 74.
[34] Ibid., p. 82.
[35] Ibid., p. 122.
[36] Ibid., p. 130.
[37] Ibid., p. 131.
[38] Ibid., p. 240.
[39] Ibid., p. 153.
[40] Ibid., p. 156-157.
[41] Ibid., p. 165.
[42] Ibid., p. 166.
[43] Ibid., p. 168.
[44] Ibid., p. 173.
[45] Ibid., p. 177.
[46] Ibid., p. 182.
[47] Ibid., p. 191.
[48] Ibid., p. 195.
[49] Ibid., p. 185.
[50] Ibid., p. 190.
[51] Ibid., p. 194.
[52] Ibid., p. 195.
[53] Ibid., p. 199.
[54] Ibid., p. 200.
[55] SICCARDI (Cristina), Maestro in sacerdozio. La spiritualità di Monsignor Marcel Lefebvre, Milan, Sugarco, 2011, 232 p., 23 €.
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