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Le lendemain de la marche républicaine du 11 janvier, Nicolas Sarkozy, frustré de ne pas avoir défilé au premier rang des chefs d’Etat, était l’invité de RTL. Il fut interrogé par Jean-Michel Apathie sur le financement du terrorisme islamique par le Qatar. L’ancien président de la République eut alors cette réponse lapidaire : « je n’ai aucune preuve ». Le journaliste apathique faisait alors mine de le pousser dans ses retranchements, en lui signalant que le « Département d’Etat américain » (sic) était arrivé à cette conclusion. « Vous savez, je suis attaché à l’indépendance de la France », répondit l’homme qui a remis la France dans le giron de l’OTAN, et a imposé le Traité de Lisbonne.
Ainsi, Nicolas Sarkozy n’a pas de preuve. Soit. Nous allons lui en donner.
En décembre 2013, le Département du Trésor américain (US Treasury), que notre apathique Jean-Michel a dû confondre, a identifié un des mécènes qataris des mouvements djihadistes en Syrie et en Irak : Abdul Rahman al-Nuaimi, homme d’affaires et universitaire. Selon le Département du Trésor américain, ce dernier versait 2 millions de dollars par mois à Al-Qaïda en Irak. Il aurait également fait don de 250 000 dollars aux Shebab, miliciens somaliens qui cherchent à créer une entité islamique sur la Somalie, l’Éthiopie et Djibouti [1].
En septembre 2014, le Département du Trésor américain dénonçait à nouveau le financement par le même Qatari, accompagné d’autres donateurs, de l’État islamique en Syrie et en Irak [2].
Ainsi, la manœuvre est habile : le Qatar, tout comme sa voisine, l’Arabie Saoudite, ne finance pas les djihadistes en tant qu’État. Il favorise et encourage les dons privés de fortunes acquises à leur cause, notamment à travers des fondations islamiques caritatives et des ONG.
La tactique est ancienne. Elle remonte aux années 1980, et au financement des rebelles afghans contre les Soviétiques. Parmi les riches Saoudiens qui paient de leur poche, Oussama Ben Laden. Dans les années 1990, les dons se portent en Bosnie et au Kosovo, également en Algérie et en Tchétchénie.
Mais la ficelle est parfois trop grosse. En novembre 2013, dans son livre Le renseignement français, les nouveaux enjeux, l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini nommait directement des responsables gouvernementaux saoudiens et qataris comme mouillés dans ces financements. Parmi eux, Bandar Ben Sultan, chef des renseignements saoudiens jusqu’en avril 2014.
Dès le déclenchement de la guerre civile libyenne en 2011, le Qatar met sur pied la « brigade du 17 février », composée de djihadistes et commandée par Abdelhakim Belhadj, qui avait été arrêté et torturé par la CIA en 2003 pour avoir combattu au sein d’Al-Qaïda en Irak. Depuis la disparition de Kadhafi et l’émiettement de la Libye, Belhadj est toujours l’homme de main du Qatar, chapeautant plusieurs milices islamistes.
En juin 2014, l’armée de l’air libyenne, en guerre contre les islamistes, diffusait la photo d’avions militaires qataris livrant du matériel de guerre aux hommes de Belhadj. Un site de renseignement américain confirma que les avions qataris étaient arrivés en Libye par le Soudan, l’Égypte étant opposée aux islamistes libyens.
Comme le rappelle Marianne, une note de la Direction du renseignement militaire français (DRM), datée de juin 2012, listait les bénéficiaires de financements qataris en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Tous sont des organisations terroristes reconnues, qui combattent contre l’armée française au Mali : « les insurgés touareg du MNLA (indépendantistes et laïcs), les mouvements Ançar Dine, Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) et le Mujao (djihad en Afrique de l’Ouest) ».
Le Qatar et l’Arabie saoudite ont érigé le wahhabisme comme idéologie religieuse officielle. Le « wahhabisme » vient des enseignements de Muhammad ibn Abd al-Wahhab, réformateur de l’islam d’Arabie centrale, voulant revenir aux pratiques ancestrales de Mahomet. En 1744, il gagne à ses idées Muhammad Ibn Saoud, chef de tribu local. Ses descendants seront installés au pouvoir par les États-Unis en 1945, et dominent depuis l’Arabie « Saoudite ».
Le wahhabisme prône une application puritaine, rigoriste et littérale du Coran. Issu de l’islam sunnite, il prend pour cible les « hérétiques » chiites, alaouites… Il encourage le djihad armé. Il s’applique à détruire les lieux de piété, les sanctuaires de saints et les mausolées, par rejet de « l’idolâtrie ». Ceci explique les destructions par l’Etat islamique et autres djihadistes de mosquées et de tombeaux à Mossoul, en Libye, mais aussi… à Médine et à La Mecque par les autorités saoudiennes : des lieux liés à la mémoire du Prophète ont été détruits, laissant souvent place à des centres commerciaux [3].
Dopé par le financement saoudien, et aujourd’hui qatari, le wahhabisme a prospéré dans le monde musulman, et nourri le terrorisme islamique.
Mais tout cela, Nicolas Sarkozy, disposant de notes de services de renseignement compétents, le sait déjà.
Que les stades soient plus lucides que les assemblées et les gouvernements, c’est un comble.
[1] http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/qatar/11110931/How-Qatar-is-funding-the-rise-of-Islamist-extremists.html
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