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Noël en breton se dit "Nedeleg" mais l’on parle généralement de "An Nedeleg" (avec l’article), de la même manière que l’on emploie fréquemment l’ellipse "la Noël" en français.
La Messe de Minuit se traduit elle par "Oferenn ar Pellgent" (Pellgent signifiant initialement l’aurore) ou simplement "ar Pellgent" tandis que le Réveillon de Noël en Bretagne se dit "Ar Fiskoan" , mot composé de "Fest" (fête) et de "Koan" (repas du soir).
Avant d’être une tradition culinaire glacée, la bûche de Noël était une énorme buche de bois de chêne, de hêtre, d’orme ou d’autres bois dur à combustion lente. Appelée "Kef nedeleg", "skod an nedeleg", "an etev nedeleg" ou encore "tos an nedeleg" en Bretagne, cette bûche était aspergée d’eau bénite et de sel avant d’être brûlée et était destinée à chauffer la veillée de Noël après la messe de Minuit.
Monseigneur Gourvès, ancien évêque de Vannes a fort bien résumé l’historique assez complexe d’une rupture entre l’Église (le clergé breton), la langue et la culture bretonne. Une rupture qu’il situe à partir des années 1950 : « Rupture soudaine , même si le problème a commencé à se poser dès la fin du XIXe siècle » . Un problème que l’on peut imputer, surtout à partir des années d’après-guerre (14/18), à une mutation de la société bretonne, mais plus encore à une volonté jacobine et anti-catholique de destruction de l’identité bretonne, d’autant plus que celle-ci plongeait ses racines dans une identité religieuse toute aussi forte. En feront foi les diverses lois liberticides à l’encontre du clergé lui faisant interdiction d’utiliser la langue bretonne, aussi bien dans ses prêches que dans l’enseignement du catéchisme (loi du 29 septembre1902).
Quoi qu’en disent encore aujourd’hui certains « milieux bretons » ignorant de la question et fixés sur des vieux clichés, l’Église demeurait le seul « espace public » où la langue, la culture bretonne avait droit de cité, et ce fut l’honneur de l’Église, de très nombreux évêques, prêtres, moines, frères d’avoir été, à ces diverses époques, les seuls défenseurs, promoteurs de notre identité bretonne.
Dans ce combat, car c’était bien de cela qu’il s’agissait, nombreux furent les Bretons qui la soutinrent, et ce sont, à de rares exceptions près, les catholiques qui formèrent les seuls « bastions » de défense de notre langue et culture, dans une époque où tout ce qui se disait laïque, républicain, socialiste, progressiste, de gauche se déclarait alors ouvertement anti-breton [1].
Un Passage de La Lanterne (12 novembre 1902) montre bien le contexte anti-bretonnant et anti-clérical de l’époque :
« La Bretagne cléricale prétend se mettre au-dessus des lois et braver la France républicaine. Existe-t-il dans l’administration, un préfet à poigne, capable de mater des brutes fanatisées par les prêtres ? [...] La révolte a assez duré. Il en va de l’honneur et de la sécurité de la République. Les cléricaux bretons nous provoquent. Tapons dessus, de toute la rigueur des lois, de tous les poings des gendarmes... »
Ce texte fut écrit quelques semaines après la parution de la circulaire d’Émile Combes (29 septembre 1902), ministre de l’Intérieur et des Cultes aux préfets des départements bretonnants sur « l’espèce de ténacité que met un grand nombre des titulaires ecclésiastiques de votre département à donner l’instruction religieuse, y compris le catéchisme, en dialecte breton. » [2]
« Le renouveau de la culture bretonne : un défi pour l’église » affirmait en septembre 2003 Monseigneur Gourvès, alors Évêque de Vannes. Rappelant l’histoire chrétienne de la Bretagne, évangélisée à Nantes et à Rennes dès le IIIe siècle puis, à partir du Ve siècle, dans le reste de l’Armorique, Monseigneur Gourvès appelait alors à redonner à la culture et à la langue bretonne sa place dans l’Église et dans la liturgie.
10 ans après, le 10 septembre 2013, le diocèse de Vannes signait la charte « Ya d’ar Brezhoneg » (Oui au breton) de l’Office public de la langue bretonne (Ofis publik ar Brezhoneg), s’engageant à réintroduire la langue bretonne dans la pratique religieuse, le catéchisme et l’information diocésaine.
« C’est le signe que le diocèse de Vannes reconnaît dans la culture bretonne tout à la fois une source d’inspiration et un champ de mission », souligne Mgr Centène, évoquant l’importance de l’attachement aux racines dans un monde en manque de repères. « Le renouveau culturel autour du breton est un terreau de mission que l’Église ne peut ignorer » [3].
Cette signature a donné le coup d’envoi au Projet Missionnaire Breton proposé par le diocèse : « Pour annoncer l’Évangile dans le Diocèse de Vannes en tenant compte de la culture et de la langue bretonne ». Avec cette interrogation : « L’usage de la langue peut toucher le cœur du peuple qui est confié à l’Église de Bretagne. Pourquoi donc s’en priver ? » Le diocèse de Vannes souhaite ainsi s’appuyer sur le breton pour accomplir sa mission d’évangélisation.
Le Breton, langue liturgique ?
« Jezuz Krist, Doue peurbadel, ha Mab en Tad peurbadel, zo bet ganet é Bethléem Bro Judé, ag er Werhiez Vari : Doue deit de vout Dén ! » [4]
Comme le notait à l’époque la revue Pèlerin, le diocèse de Vannes, en s’engageant à mettre en valeur la culture et la langue bretonnes, rejoint d’autres diocèses qui, comme lui, utilisent les langues régionales pour évangéliser. L’Alsace, la Corse et le Pays Basque utilisent eux aussi leurs langues régionales dans la liturgie et pour le catéchisme [5].
En effet, le concile Vatican II autorise non seulement l’usage des langues nationales dans la liturgie, mais aussi celui des langues régionales.
C’est ainsi que depuis 2013 il existe désormais un missel officiel en breton. Le Saint-Siège a en effet accordé sa reconnaissance à un missel rédigé par un groupe de prêtres et universitaires spécialistes de la langue bretonne et de la liturgie. Il existait cependant depuis de nombreuses années des messes célébrées en breton, mais celles-ci s’appuyaient sur une traduction littérale de l’ordinaire de la messe appelée Nevez de Marsel Klerg qui bénéficiait alors d’une autorisation à titre expérimental.
Les premières épreuves de ce missel breton avaient été présentées à Rome en 1997 par Mgr Clément Guillon, alors évêque de Quimper. La Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements avait refusé de donner son aval, exigeant un texte en breton « unifié », plutôt qu’en breton du Léon (nord du Finistère). Traduire le latin en breton a donc nécessité un consensus entre les tenants du breton vannetais et de celui du Léon [6].
Ce renouveau des racines bretonnes dans la liturgie n’est ainsi pas totalement identique à la situation qui existait il y a encore un siècle : autrefois, seuls les cantiques et le catéchisme étaient en breton, désormais la liturgie l’est elle aussi.
Petit à petit, l’Église bretonne redécouvre son patrimoine et redonne voix à ses milliers de cantiques. Et chaque année plus de paroisses proposent à Noël des messes mêlant le breton au français ou au latin, voire, pour certaines, sont célébrées entièrement en breton [7].
Plusieurs paroisses remettent ainsi les cantiques bretons au goût du jour en favorisant « le maintien du breton dans nos messes avec pour objectif de réapprécier les cantiques. Pour beaucoup de personnes, le cantique breton, c’est la tradition et leur jeunesse » [8]. En voici quelques uns.
Kanamb Noel (Chantons Noël) [9]
Peh trouz zou ar en douar (Quel bruit sur la terre) [10]
[1] Cette partie de notre article est entièrement tirée du site Ar Gedour Mag qui s’attache à l’actualité spirituelle et culturelle de Bretagne, et particulièrement à faire revivre le breton dans la liturgie.
Les cantiques bretons, outil pour la nouvelle évangélisation
[2] Hervé Abalain, Histoire de la langue bretonne, Editions Jean-Paul Gisserot, 2000, pp.42-44
[4] « Jésus-Christ, Dieu éternel et fils du Père éternel, est né à Béthléem de Judée, de la Vierge Marie : Dieu fait homme ! », Martyrologe de la Nativité.
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