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Jean-Claude Michéa, un intellectuel presque parfait

Beaucoup d’auteurs ont une œuvre de moyenne intensité, avec parfois des fulgurances. Jean-Claude Michéa est quant à lui l’inverse de cela : toute son œuvre est une fulgurance, avec parfois des baisses d’intensité, heureusement extrêmement rares. Prenons ici l’exemple le plus illustrateur, tiré de son livre « Notre ennemi, le capital [1]. Dans la première partie du livre - Entretien, Question 3 -, il revient sur le fait qu’à ses origines le mouvement ouvrier n’appartenait pas au « camp de la gauche » (encore moins tel que l’on entend le mot « gauche » aujourd’hui), ni d’ailleurs à celui de la droite puisque précisément une particularité notable de ce mouvement est d’avoir germé en dehors de cet échiquier typique, nous pourrions dire par la force des choses puisque les forces politiques qui composaient cet échiquier n’avaient rien à proposer qui fût à la mesure de la question ouvrière. Michéa fait alors ce rappel salvateur :

« C’est donc [uniquement, encore une fois] dans le contexte très particulier de l’Affaire Dreyfus, et sous l’influence majeure de Jaurès, qu’allait véritablement prendre forme [...] le nouveau projet d’une intégration définitive du mouvement ouvrier socialiste dans le camp supposé politiquement homogène de la gauche ’républicaine’ et des ’forces de progrès’ ».

Combien de nos contemporains s’imaginent encore, par manque de formation historique et par facilité à se complaire dans des schémas faciles qui permettent à la réflexion de prendre des raccourcis reposants, que « la gauche » est non seulement l’amie historique des ouvriers, voire que c’est pour accompagner ce peuple du travail qu’elle s’est constituée en force militante pour rejoindre le combat politique ? Or l’entretien de cette légende coûte cher, principalement parce qu’elle est le socle sur lequel prennent appuis des forces qui, jusqu’à aujourd’hui, s’attribuent fallacieusement un prestige historique qu’elles font valoir auprès des prolétaires, des travailleurs pauvres, des smicards et de tous les Français qui se serrent la ceinture afin d’obtenir d’eux le soutien et les suffrages dont elles ont besoin pour continuer à exister dans un jeu politique quoiqu’il en soit verrouillé, en grande partie justement parce que les électeurs n’ont jamais les bonnes cartes en main. Lorsque Michéa, livre après livre, tord le cou à cette légende, incontestablement il permet que ces cartes intellectuelles soient mieux distribuées, c’est-à-dire plus lisibles, plus vraies ; ce qui constitue ce qu’il n’est pas outrancier d’appeler une œuvre de salubrité publique nécessaire et même vitale.

Les ouvriers, un segment de marché électoral comme un autre

Faire le constat que le camp de la gauche bourgeoise, libérale et progressiste a décidé un jour et pour des raisons contextuelles et intéressées d’embrasser la cause ouvrière ne suffit pas : il faut encore dire pourquoi cette absorption est une mauvaise nouvelle pour la cause en question. Dans son œuvre écrite, Jean-Claude Michéa travaille à décrypter, et disons-le à dénoncer, cette « double pensée » du libéralisme moderne qui prétend tenir en même temps deux positions idéologiques dont les conséquences respectives se percutent pourtant, et d’une certaine manière s’annulent [2]. En quelques lignes, la double pensée est un « mode de fonctionnement psychologique singulier, fondé sur le mensonge à soi-même, qui permet à l’intellectuel totalitaire de soutenir simultanément deux thèses incompatibles », en l’occurrence l’« apologie de l’économie de marché d’un côté, de l’État de droit et de la libération des mœurs de l’autre ». Dans les faits, la gauche moderne, trop acquise aux exigences du marché pour réellement prendre parti pour qui que ce soit de manière exclusive et complète, depuis quelques décennies n’a plus vu dans la misère des prolétaires qu’un segment politique et électoral à contenter ni plus ni moins que tous les autres segments, et d’ailleurs plutôt moins après que la somme de ces segments a augmenté proportionnellement à la libération toujours plus débridée des exigences particularistes (fondées sur la revendication communautaire, sexuelle, religieuse, alimentaire, philosophique, etc.). Cette multiplication des exigences est une conséquence directe et inévitable de l’atomisation de la société, société qui n’est plus qu’un agglomérat improbable où, sous l’invitation de la gauche libérale, chacun est invité à se créer sa propre existence identitaire et son propre mode de vie. Le reste du groupe, lui, est ensuite obligé d’accepter ces manifestations de plus en plus nombreuses et surtout de plus en plus invraisemblables, au nom du « droit à la différence » qui est devenu, en théorie, le dernier et unique axiome moral moderne. Et pour mater ceux que cette profusion finirait par déranger, l’État de droit consolide année après année un appareil juridique de plus en plus rigide et liberticide, où se multiplient notamment les lois visant à condamner tous les mots en -phobe ; homophobe, transphobe, islamophobe, xénophobe, grossophobe, négrophobe, lgbtqphobe, etc. Là où pour fonctionner sainement une société avait pour assurer la coexistence de tous ses membres un corps de valeurs communes, une vision commune et un passé commun, nous n’avons plus aujourd’hui, pour lier entre eux les citoyens, que la dureté intimidante des lois de Dracon - le mot est emprunté à Louis de Bonald. Le paradis de liberté promis par le tout-libertaire ressemble de plus en plus à l’enfer de la guerre de tous contre tous.

En somme le libéralisme de gauche et de droite, composé des traditionnels partis de gouvernement et soutenu, dans la presse et à l’Université, par tout ce qui s’agite en appelant cette agitation de la réflexion et de la pensée, maintenant qu’il a ouvert les vannes doit contenter tout le monde : dans ce tout le monde, le mouvement ouvrier n’est plus qu’un revendicateur parmi des centaines d’autres, et l’audience dont il bénéficie auprès des décideurs politiques, et surtout auprès des forces politiques qui ont longtemps prétendu être du côté des travailleurs, se réduit comme peau de chagrin à mesure que sa voix s’éteint dans le vacarme moderne. Pourtant ces travailleurs existent toujours, toujours précaires, toujours dans la peine, toujours déconsidérés et toujours exploités. L’ouvrier est invité à comprendre que son sort, si pénible lui paraisse-t-il, ne l’est pas davantage que celui de tel transsexuel qui se plaint d’avoir été refusé comme accompagnateur dans une sortie scolaire. Et si ce travailleur veut toutefois continuer de mettre sa confiance dans ces forces politiques de gauche, il doit accepter d’ajouter à son panel militant toute la suite des déclinaisons idéologiques modernes, faute de quoi il se met en marge du parti et s’expose à en être banni, soit symboliquement et intellectuellement s’il n’est qu’électeur, soit réglementairement s’il est en plus membre encarté. Cette adhésion obligatoire aux dogmes progressistes oblige le travailleur qui vote pour améliorer la condition des ouvriers à voter aussi pour améliorer la condition de quiconque s’est déterminé relativement à l’identité qu’il a choisi de mettre en avant et qu’il transforme ensuite en objet de militantisme : les homosexuels, les femmes, la laïcité, les immigrés, les migrants, les Noirs, les opposants à la peine de mort, les Musulmans, les Juifs, les écologistes, les transgenres, des défenseurs de l’avortement, les amis de la forêt, les végans, et ensuite de suite autant que l’imagination peut créer de catégories et de communautés. Et la totalité de cette arborescence est revendiquée par le parti de gauche dans lequel l’ouvrier place ses espoirs d’ouvrier. D’où que ces espoirs sont constamment déçus, évidemment, entre autres parce qu’il y a, dans cette arborescence, des éléments contradictoires qui luttent entre eux, comme par exemple la défense progressiste de l’immigration et de la sacro-sainte liberté de circulation dont l’un des effets est de permettre aux possédants de se créer la fameuse armée de réserve du capital, autrement dit un flot permanent de nouveaux esclaves du salariat dont chaque nouvelle vague est prête à travailler pour moins cher que la précédente.

Un intellectuel presque parfait

Nul n’est parfait, pas même Michéa. Son travail, qui permet de déconstruire le mythe moderne d’un libéralisme forcément bienfaisant, mérite le respect et à aucun moment de notre propos nous prétendons que ce respect doit être reconsidéré à la lumière de ce qui suit. Tout le bien qu’il fait à la pensée compense largement telle lacune, sur laquelle d’ailleurs il n’est pas exclu qu’il évolue dès lors qu’il aura approfondi le sujet — car nous supputons que son avis hélas lapidaire et laconique est moins le fruit d’un rejet consolidé intellectuellement par la recherche historique, qu’une facilité conceptuelle à laquelle il se plie pour évacuer un sujet qu’il maîtrise moins. Ce sujet, c’est l’état social sous l’Ancien régime. Dans le même chapitre (Entretien, Question 3), distant de la précédente citation de quelques lignes seulement, ce propos apparaît :

« Non que le bilan de cette nouvelle gauche née au lendemain de l’affaire Dreyfus soit entièrement négatif. Loin de là. L’alliance du mouvement ouvrier et de la gauche républicaine bourgeoise [...] a non seulement permis, en effet, d’en finir partout avec les derniers vestiges de l’Ancien régime ou encore de sauver à plusieurs reprises la République libérale des griffes du fascisme ou du lobby colonial. […] »

Michéa se félicite ici de voir la République libérale vaincre et survivre aux assauts fascistes. Ce n’est pas tellement une contradiction en soi, puisqu’il a intégré l’idée, comme Orwell qu’il cite à ce propos, que la forme libéralisée des institutions et de la culture, aussi terrible et dévastatrice soit-elle, est toujours préférable au fascisme. Entre deux maux, il fait le choix de celui qui lui apparaît comme le moindre des deux. En cela Michéa montre qu’il n’est pas entièrement débarrassé d’une vision finalement assez binaire de la narration historique officielle, laquelle continue de mettre sous le mot « fascisme » des régimes qui se sont singularisés, en apparence en tout cas, par un usage de la violence directe et physique. La faiblesse de cette dichotomie entre « régime fasciste forcément violent » et « régime libéral » par définition non-violent, ou beaucoup moins violent, est qu’elle permet aux idéologues et aux régimes qui voudraient régner sans partage de conserver l’apparat démocratique et donc l’onction, en prenant simplement un soin machiavélien à ne pas user des formes de violences jadis opérées par les régimes fascistes. Pourtant il est possible d’asseoir effectivement son monopole et de contraindre les oppositions autrement que par l’envoi de militaires ou de chars dans les rues pour intimider le petit peuple. On peut régner hégémoniquement sans tirer un coup de feu : la démonstration a été faite récemment qu’il suffit simplement de remplacer les armes à feu par des LBD pour obtenir de la même façon la docilité des contestataires. (Mais le véritable silence s’obtient de nos jours par la terreur judiciaire, le zèle des associations délatrices, la peur d’être socialement détruit par une cabale médiatique, etc.).

 Cependant ce n’est pas la partie sur le fascisme qui nous intéresse aujourd’hui - nous nous sommes arrêté sur elle simplement pour introduire, par la preuve, l’idée que Michéa, aussi distant soit-il de l’orthodoxie politico-historiographique, continue d’avoir un pied dedans ; cette parenthèse servira à mieux comprendre la suite de notre propos [3] -, mais celle qui, dans cet extrait, évoque de façon dépréciative l’Ancien régime ; plus exactement, ce que nous reprochons ici à Michéa est son étonnante rapidité à jeter le bébé avec l’eau du bain, comme si tout était inconditionnellement négatif pour le petit peuple avant que le socialisme ne vienne concentrer ses doléances en un corpus programmatique. Autant nous ne pouvons guère lui reprocher d’avoir un avis lapidaire sur le fascisme, autant sur l’état social sous l’Ancien régime, et sur la façon dont le peuple vivait à cette époque du point de vue de sa condition sociale, nous sommes obligés de lui faire des reproches. D’autant que l’historiographie a fait beaucoup de progrès sur cette période, et à moins de vouloir à tout prix s’y accrocher pour des raisons militantes, il n’est plus possible de croire encore aux légendes et aux fadaises fabriquées et véhiculées par le XIXème siècle républicaniste et Michelet. Ainsi, lorsque Michéa reconnaît à la jonction entre le socialisme ouvrier originel et la gauche progressiste son efficacité à « en finir partout avec les vestiges de l’Ancien régime », et que manifestement il interprète cette victoire totale comme une heureuse nouvelle, il déconcerte le lecteur habitué à trouver chez lui le courage intellectuel d’aller à contre-courant de la narration historiographique classique.

 Or, tout le tableau de l’Ancien régime est-il assez noir pour qu’il faille se féliciter que rien n’a pu survivre à l’action conjuguée du socialisme ouvrier et de la gauche bourgeoise progressiste ? Posée autrement, la question devient : la République bourgeoise, jacobine et industrielle, pour installer son hégémonie, n’a-t-elle pas eu intérêt justement à détruire ce qui, dans l’ancien monde, dérangeait ses plans ? Ce qui implique que l’on trouvait, dans cet ancien monde, des us, des pratiques, des habitudes, une organisation générale et des organisations particulières qui précisément contraignaient l’instauration du libéralisme capitaliste et empêchaient les bourgeois de consolider leur société idéale. La vérité est que la vie sociale sous l’Ancien régime, c’est-à-dire avant que le jacobinisme œuvre à son grand plan d’uniformisation et de centralisation des provinces et des institutions locales, n’était pas ce que l’école républicaine en a dit postérieurement. Les travailleurs de l’époque, qui étaient essentiellement ruraux, partageaient leur temps entre le labeur et le repos, repos qu’ils avaient d’ailleurs, en nombre de jours dans l’année, en quantité plus grande que sous l’ère industrielle, où effectivement la vie s’est terriblement compliquée pour les anciens ruraux absorbés par l’usine. Un mot sur la religion : tant qu’elle a joué un rôle important dans la construction sociale, les travailleurs jouissaient d’un nombre conséquent de jours de repos, la plupart liés aux prescriptions religieuses, aux fêtes locales, aux célébrations des saints, etc. Ce n’est certes pas par hasard si la République bourgeoise, acquise à l’industrialisation, a travaillé — parallèlement à l’édification de son système — à la destruction de l’Église et des législations, des juridictions et des assemblées locales, lesquelles empêchaient que tout le peuple de France puisse être entièrement placé sous le contrôle d’une autorité unique et centrale. La fin des corporations, des communautés, des fraternités, la fin des corps intermédiaires et en réalité la fin de tout ce qui constituait un obstacle entre le peuple et le pouvoir central, ne fut pas programmé autrement que pour garantir un contrôle total sur tous. En cela, Jean-Jacques Rousseau est coupable d’avoir donné des idées totalitaires en théorisant dans son Contrat social l’abolition de toutes les libertés en dehors de celles commandées par une autorité toute puissante, (la loi Le Chapelier de 1791, de ce point vue, est typiquement l’horreur rousseauiste faite loi : interdisant les groupements professionnels, les organisations ouvrières et les associations de métiers, elle laissait le travailleur sans interlocuteur direct et sans soutien face au jacobinisme bourgeois. Le texte de présentation de cette loi reprenait mot pour mot des passages du Contrat social).

 Nous ne le répéterons jamais assez : si la République libérale a détruit ces libertés locales et vraies, si elle a estimé que ces intermédiaires devaient être abolis, ce n’était pas, contrairement à la légende construite notamment par Michelet, pour assurer l’émancipation du peuple. Jean-Claude Michéa, au lieu de se féliciter de la fin totale et définitive des vestiges de l’Ancien régime, devrait véritablement se demander pourquoi la République libérale qu’il accuse à juste titre de dégâts catastrophiques, a travaillé à cette destruction programmée des structures sociales antérieures. Il devrait aussi se demander si le laboureur d’antan, ou le menuisier, n’était pas plus heureux à l’ombre de son clocher, à mener une vie locale, communale et paroissienne, familiale et fondée sur la proximité, qu’il ne l’a été ensuite après que la bourgeoisie libérale a pris le contrôle des affaires. Au sujet de cette substitution, rappelons ce mot de Gustave Thibon :

« Arrêtons-nous par exemple un instant sur le mythe démocratique du « peuple souverain ». Tous les bons esprits ont vu là depuis longtemps une formidable supercherie : d’une main, on donne au peuple un pouvoir pour lequel il n’est pas fait et qui, par conséquent, reste toujours quelque chose de spectral et de platonique, et, de l’autre, on lui enlève les droits qui conviennent à son rôle exact dans la cité. Le bulletin de vote a fleuri sur la tombe des libertés communales et corporatives [4]. »

Michéa fait l’éloge, à juste titre, des gens ordinaires. En faisant du libéralisme l’un des outils de destruction de ces gens ordinaires, et en argumentant comme il le fait, il donne une direction intellectuelle pertinente. Le fait qu’il soit également soucieux de ce qu’il appelle, à la suite de Orwell, « la décence commune », atteste qu’à ses yeux le bonheur ne se mesure pas seulement à l’étendu des biens matériels et à la fiche de salaire. Il y a, au cœur de la pensée de Michéa, un souci honnête de considérer humainement ses semblables, réellement pour leur bien et véritablement parce qu’il les tient en considération. Tous les intellectuels ne sont pas habités par cette empathie. Notre propos ici n’est pas de contester à Michéa la sincérité de sa démarche ; nous voulons « simplement » l’inviter à revoir son avis, que nous estimons mal inspiré, mal renseigné, sur ce qu’était, dans toute sa complexité, la vie sociale quotidienne des Français sous l’Ancien régime. Afin qu’il juge, par lui-même, qu’avoir tout détruit des structures de l’Ancien régime n’a sans doute pas permis d’améliorer la vie des Français, à plus forte raison dans la dimension sociale de cette existence. Et probablement même que cette destruction a accéléré l’avènement du libéralisme total, par un effet mécanique que nous pourrions appeler effet de vases communicants : tout ce que le libéralisme a détruit, il l’a détruit pour le remplacer ; tout ce qui aurait survécu à ses assauts aurait pu lui mettre des bâtons dans les roues. Faut-il être royaliste pour le prétendre ? Assurément non ; comme il n’y a pas besoin d’être fasciste pour constater, avec Michéa, le désastre libéral.

Jonathan Sturel

[1Jean-Claude Michéa, Notre ennemi, le capital, Flammarion, Coll. "Climats", 2017.

[2Jean-Claude Michéa, La double pensée, Flammarion, Coll. "Champs-Flammarion", 2008.

[3Sur le fascisme : Michéa ne s’attarde pas sur la question, il est par conséquent difficile de mesurer le degré de confiance qu’il accorde à la distinction habituelle entre régimes fascistes et régimes libéraux ou démocratiques. Cette classification habituelle n’est pas seulement fondée sur l’analyse historique ; elle est aussi et prioritairement motivée politiquement. La République a effectivement fourni un appareil méthodique d’une simplicité confondante : puisqu’elle incarne la liberté et la démocratie, tout système qui s’oppose institutionnellement à elle est par définition un système fasciste. Aussi pour qu’une option politique soit rangée ou non dans la case « fasciste », il suffit de vérifier si elle remet ou non en question la nature monopolistique de la République jacobine, laïque et libérale. Avec cette façon de faire, nous imposons l’idée que tout ce qui n’est pas la forme républicaine actuelle est le Mal, et celle que tout ce qui est le Mal est définition autre chose que la forme républicaine actuelle. De cette manière, la République bourgeoise a quoiqu’il en soit toujours le bon rôle.

[4Gustave Thibon, Retour au réel. Nouveaux Diagnostics, Lardanchet, 1943.

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