L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
23 ans. C’est un peu la toute première étape. Le début est encore proche. Quelle horreur à cet âge encore vierge de toute ride que de voir les ravages du temps. Comme le disait le général, la vieillesse est un naufrage... Je ne peux certes pas me prévaloir de mon expérience, de la résistance, de mon engagement politique rappelé encore et encore, pour faire autorité. Je ne peux pas parler avec autant d’audace dans le langage du conformisme le plus total que ce vieux sage des temps nouveaux. Je me dis en écrivant ces lignes que je n’ai nul besoin d’asseoir mon raisonnement sur des arguments. M. Hessel s’en est bien passé, ce qui n’a gêné aucun des « indignados » qui pullulent dans les cités de notre « village mondial ». Les seuls arguments de cet homme sont son âge et son CV. Et des troupeaux de jeunes le suivent… Il suffit de voir cela pour se convaincre que l’école ne remplit plus son office. Elle produit des hordes d’illettrés incapable de lire plus de trente pages d’indigence. Elle a façonné une génération de consommateurs ayant oublié le fondement du gouvernement de nos régimes libéraux, que d’aucun taxent avec emphase de « démocratie » : la citoyenneté. Ces jeunes en sont la preuve éclatante : à la loi se substitue la vocifération. A la raison s’est substitué un obscurantisme d’un genre nouveau : la religion du zapping, l’indignation à la carte, et si possible pendant les périodes scolaires.
Alors s’indigner… Oui, c’est bien. Mais n’ayons pas l’indignation sélective ! Indignons-nous de tout ! De Wall street ? Très bien ! De la Palestine ? Encore mieux ! Des immigrés ? OUIIIII ! Mais ces milliers de chrétiens massacrés pour leur foi en Malaisie, en Inde, en Irak, en Egypte, et j’en passe ? Cette école qui part à la dérive de toutes les décadences ? La détresse de nos vieux, parqués dans des mouroirs en attendant leur dernier soupir ? Ces enfants que l’on tue impunément, sans vergogne, considérant que leur vie ne vaut rien ? Cette escalade de violence dans nos cités, où des lois religieuses remplacent la loi républicaine ? Les délires d’enfants gâtés d’une jeunesse sans repères qui ne trouve de salut que dans la rue, espérant trouver un remède à son mal-être ? Tout cela n’intéresse personne, visiblement. J’attends avec impatience des indignés qui se préoccupent d’autre chose que de ces questions auxquelles ils ne peuvent apporter aucun remède, alors que leur monde s’écroule sous leurs yeux, et qu’ils ne s’en aperçoivent même pas. Ils tonnent, ils grondent, ils meuglent, ils crachent, ils vomissent leurs slogans prêt-à-vociférer, dans un déchaînement de violence qui ignore le droit, le respect et le sacré. Gustave Lebon et sa psychologie des foules est bel et bien d’actualité. La masse est l’agrégation de la bêtise, la multiplication des égoïsmes. La masse s’indigne de la corruption et coupe des têtes, sans voir que sa prétendue vertu est plus destructrice que la pire des décadences. A côté, une fois sortis de leurs campements de bons soldats de l’indignation, ils ne font rien. Rien. C’est la concurrence du néant, la farandole des nombrils, la génération télé réalité en expérimentation d’un grand loft mondial.
L’indignation a des vertus, certes. Mais résumer l’action publique à l’indignation, c’est en oublier la dimension constructive du politique. S’indigner n’apporte aucune solution. S’indigner, c’est se placer au-dessus de la mêlée, distribuant les bons et les mauvais points, en attendant que d’autres proposent une solution que l’on s’empressera de rejeter. Face à cette dimension qui fait part belle aux instincts les plus vils de l’Homme, existe un chemin bien différent qui, lui, peut changer bien des choses. Cette voie s’appelle la charité. Reprenons cette superbe lettre de saint Paul, plus que jamais d’actualité. Dans sa première épître aux corinthiens, Paul nous dit :
« J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. Un jour, les prophéties disparaîtront, le don des langues cessera, la connaissance que nous avons de Dieu disparaîtra… Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité ».
L’on ne peut mieux dire. Ce n’est pas l’indignation qui sauvera l’Homme, mais la charité. Certes, vous pourrez pointer que mes mots manquent cruellement de charité. Mais ces lignes me sont également adressées. C’est une leçon que je m’administre à moi-même. Je crois davantage en la vertu des petits combats que dans celle des mouvements de foule. Battons-nous contre la solitude de nos vieux, contre la détresse de nos amis, contre le mal qui habite en nous, contre notre violence et notre injustice. La clé de l’indignation ouvre la mauvaise porte : elle mène à des errements et à la fausseté, à la destruction et à la lâcheté, en attribuant ses méfaits aux excès de la foule. Mais, mes chers amis indignés, dans la foule, on ne pense plus. Les idéaux s’effacent pour laisser place à l’instinct. Vous êtes, comme le disait le regretté Philippe Muray, des « mutins de panurge ».
Quant à la charité, elle ouvre l’huis de la paix, de l’amitié véritable, de l’entraide, de la force morale, de la tempérance, de la bienveillance. L’Homme seul agissant avec charité peut sans doute plus que la foule en quête d’indignation. Il apporte le bien là où il le peut, sans vociférer, dans l’ombre, dans le secret de Dieu. Voyez ces exemples : la bienheureuse mère Thérésa, soeur Emmanuelle, saint Vincent de Paul, pour ne citer que bien peu d’exemples « médiatiques ». Eux n’avaient pas le temps de s’indigner, trop occupés qu’ils étaient à venir en aide à leurs prochains... A eux, on ne confiera pas des postes diplomatiques, certes, mais on leur donnera le royaume des cieux. Jésus, dans l’Evangile selon Matthieu, nous enseigne les béatitudes :
« Heureux les pauvres de cœur ; le royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés ! Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! ». A vous tous qui ne croyez pas, et c’est, Dieu merci, votre droit, je vous exhorte au moins à méditer ces paroles. Vous y trouverez l’essence même de la charité. Il ne s’agit pas d’une avenue dont on fait sauter les pavés, mais d’un chemin de pauvreté, de douceur, de larmes, de désillusions, la recherche de paix et de justice, de souffrances et d’insultes. Mais bien sûr, il est plus facile de manifester, on ne s’expose qu’à l’admiration de journalistes complaisants…
A ceux qui feront le XXIe siècle, nous disons avec notre affection :
Résister, c’est aimer à la manière du Christ.
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