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Aujourd’hui François Hollande a prononcé au Bourget ce qui devait être un discours fondateur. De fait, le pari semble à peu près remporté pour le candidat socialiste. Les diverses conditions ont été bien tenues : une grande filiation avec des références au Général de Gaulle ou à Albert Camus [1], et celle, plus évidente, à François Mitterrand ; une démonstration d’autorité avec des accents sécuritaires (les « caïds » n’ont plus qu’à bien se tenir) ; une vision – même indigente – de l’histoire avec une longue digression sur la Révolution française ; une série de propositions claires pour sortir de ce fameux « flou » ; une mise en avant de la République, de sa force, et une mise au pilori de la finance amorale ; un interminable plaidoyer pour l’égalité ; force références à son « rêve français » et le déploiement d’un jeunisme très appuyé.
Au fond, François Hollande est en train d’opérer ce que fit Nicolas Sarkozy en 2007. Ce dernier s’était aventuré sur les terres de Jean Jaurès et Léon Blum : François Hollande veut lui ravir le Général, la République jacobine et la France méritocratique des instituteurs de la IIIe République. L’enjeu d’une présidentielle, c’est à présent un grand combat pour déterminer celui qui pourra au fond être le plus centriste et s’approprier au mieux les grandes personnalités qui se détachent de l’histoire et forment un arc de Danton et Jaurès jusqu’à Jeanne d’Arc et de Gaulle. Il est notable de voir comment l’ensemble des candidats tentent de se placer sur ce terrain : le Sarkozy de 2007, la Marine Le Pen de 2012 comme son demi-frère Jean-Luc Mélenchon.
En somme, c’est sans doute Jean-Marie Le Pen qui avait le mieux résumé l’exercice : un grand combat d’illusionnistes. Quel que soit le candidat qui sera élu, de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande, la politique menée sera la même : on naviguera entre la social-démocratie et le « républicanisme », entre Valls et Mélenchon, comme le président actuel hésite entre la Droite humaniste et la Droite populaire.
Plus la démocratie est prégnante dans notre pays, dans les institutions comme dans le peuple, plus notre pays se dégrade. Cela est au fond parfaitement logique. La démocratie porte son propre mal en son sein. Le nivellement vers la médiocrité qu’elle provoque l’empêche de faire naître de grandes choses. L’abaissement des élites va de pair avec celui du peuple : sans foi ni morale. Il est plaisant de voir la façon dont tout le monde s’en prend aux spéculateurs et aux banquiers. Mais y a-t-il beaucoup de Français, qui, à leur place, se seraient comportés d’une autre façon ? Les banquiers ont été élevés dans les mêmes écoles issues de Mai 68, dans les mêmes familles décomposées, devant la même télévision destructrice de tout idéal. Voilà le cœur de ce qui fait la faillite de la démocratie : le pluralisme est source d’amoralité de la société. L’amoralité des hommes rend amorale leur gouvernement. Et voilà que les ambitions personnelles naissent, que l’argent prend le pouvoir, que la soif démoniaque du pouvoir noie les plus grands citoyens.
La situation politique actuelle, qui place le mot démocratie sur toutes les bouches, mais a soustrait celle-ci de l’isoloir, tant il est vrai que les votes de « rupture » sont de plus en plus difficiles ; la situation politique actuelle, dis-je, illustre parfaitement l’heure des grands démagogues. Lesquels sont du reste sans doute moins où on les accuse d’être. Les démagogues sont ceux qui sont bien vus dans les médias ; ceux qui n’entendent pas être autre chose que les gestionnaires d’une lente décadence.
François Hollande a beau dire que « "Français"est le plus beau nom qu’on puisse donner à un citoyen du monde », que « l’égalité n’est pas l’assistanat » ; nous savons au fond qu’il ne gèrera pas le pays d’une façon bien différente de celle de Nicolas Sarkozy. Tous deux n’ont qu’un credo : ce qui plaît au peuple. Il n’est plus temps d’imposer au peuple comme de Gaulle, ce que celui-ci a cru bon pour lui. Il n’est que temps de commander une étude sondagière et de dire ce que la masse veut entendre.
Certains pensent qu’un nouveau clivage s’établira, entre les libéraux et les illibéraux. Mais la politique économique française n’a jamais oscillé qu’entre une planification gaullienne et un timide libéralisme chiraquien. Et sur le plan des mœurs, il n’y a plus guère qu’une grosse moitié de la droite pour s’opposer à l’hédonisme et à l’esprit de jouissance qui traverse la société. Quant à la vision de l’État, fort ou minimal, c’est la conjoncture économique qui le déterminera. Du vote populaire, il n’y a rien à attendre, sinon la mort.
[1] Albert Camus n’est pas de droite ; mais il est attendu qu’à gauche, on lui préfère Jean-Paul Sartre.
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