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Reynald Secher : « Les lois d’extermination de la Vendée n’ont pas été abrogées »

Historien spécialiste des guerres de Vendée, docteur ès lettres, écrivain à succès et éditeur, Reynald Secher n’est plus à présenter.
Son célèbre ouvrage Le génocide franco-français : La Vendée-Vengé, publié en 1986, fait encore parler de lui aujourd’hui. Entre autres publications, Reynald Secher signait en 2012 un ouvrage introduisant la notion de mémoricide, s’agissant de la Vendée militaire.
M. Secher est également le conservateur du Musée de la Chouannerie, de la Vendée et des Guerres de l’Ouest, à Plouharnel (Morbihan).

R&N : Qu’y a-t-il encore à découvrir dans notre connaissance du système d’extermination et d’anéantissement de la Vendée ?

Reynald Secher : Ma thèse sur le génocide des Vendéens a été un coup de tonnerre dans la recherche sur la Révolution. A l’époque, j’avais dit que ce n’était qu’une première étape. Depuis, on a considérablement avancé dans notre connaissance y compris au niveau de la Vendée.
Je prends un exemple. En 1985, j’avais décrit avec minutie le plan d’extermination et d’anéantissement dit de Turreau qui s’étale du 21 janvier au 13 mai 1794. Je pensais qu’il n’y en avait qu’un. En fait, et le l’ai découvert il y a 3 ans, il y en a 4 qui s’étalent du 26 juillet 1793 au mois de décembre 1794, soit 17 mois. Si nous maîtrisons relativement bien les 3 premiers, nous ne connaissons quasiment rien sur le quatrième qui est mixte c’est-à-dire qu’il s’appuie sur des camps retranchés d’où partent des colonnes infernales. J’ai lancé un étudiant sur cette recherche et d’ici deux ans nous en saurons un peu plus. Il reste beaucoup à faire. Par exemple, nous connaissons très mal la flottille sur la Loire, le système de noyade, l’affaire des gaz, etc.

R&N : Qu’appelez-vous un « mémoricide » ?

Reynald Secher : Si vous permettez, je vais revenir à 1793. Un certain nombre de contemporains scandalisés que l’on puisse, au nom des droits de l’homme et de la Révolution, concevoir et mettre en œuvre des plans d’extermination et d’anéantissement de masse dénoncent ces crimes contre l’humanité. C’est le cas de Babeuf. Comme ce crime est nouveau et qu’on a pas de mot pour le dénoncer, il invente le néologisme « populicide ».
Malheureusement, comme la France a gommé ce crime de son histoire, ce mot extraordinaire car adéquat a été oublié. Il a fallu attendre 1943 pour qu’un juriste, Raphaël Lemkim, crée un nouveau mot, « génocide », mot repris et défini par la Convention de Nuremberg.
En fait, on a trois crimes de génocide : la conception ou la réalisation ou la complicité tant dans la conception que dans la réalisation de l’extermination partielle ou totale d’un groupe humain de type ethnique ou racial ou politique ou religieux. À aucun moment n’a été abordé et défini le problème de la manipulation de la mémoire. En travaillant sur la Vendée, puis sur d’autres crimes de même nature notamment sur le génocide des Juifs, j’ai constaté que dans tous les cas, il y avait les mêmes manipulations. Faute de mot, j’en ai créé un - mémoricide - et lui ai donné une définition.

R&N : C’est-à-dire ?

Reynald Secher : Juridiquement un mémoricide peut se définir comme un crime contre l’humanité qui consiste à concevoir, à réaliser, être complice tant dans la conception que dans la réalisation, partielle ou totale, d’une volonté ou d’un acte dont la finalité est de nier, relativiser, justifier, partiellement ou totalement, dans le temps un acte premier de génocide. Il s’agit bien là d’un quatrième crime contre l’humanité qui devrait permettre à l’avenir, enfin, de faire face, entre autres, aux manipulations historiques.

R&N : Pourquoi demander la reconnaissance légale du génocide vendéen ? Dans la mesure où écrire l’Histoire n’est pas la mission du législateur et où les lois mémorielles brident la liberté des historiens, n’est-il pas absurde de demander la reconnaissance du caractère génocidaire des massacres ?

Reynald Secher : Je suis d’accord à ce sujet et je suis contre les lois mémorielles. Cependant, elles sont là et il faut les utiliser. Mon combat, en fait, est autre. En effet, je me suis rendu compte que les lois d’extermination et d’anéantissement n’avaient jamais été abrogées et donc qu’elles font toujours partie de notre arsenal juridique ce qui est, pour le moins, stupéfiant pour le pays des droits de l’homme. Il s’agit de faire passer une loi pour les abroger. A priori, ce devrait être simple. En fait, c’est très compliqué, car abroger c’est reconnaître.

R&N : Que nous apprennent les guerres de l’Ouest, et notamment l’épopée vendéenne et le génocide ?

Reynald Secher : La modestie. Nul n’est à l’abri de commettre l’incroyable, l’impensable et c’est pour cette raison qu’il faut être vigilant et prudent, et respecter l’autre pour ce qu’il est.

R&N : Un colloque consacré au "Pardon vendéen" se tenait les 5 et 6 février derniers à la Roche-sur-Yon. L’affiche du colloque figurait la statue de la grâce de Bonchamps, par David d’Angers. Quel était l’objet de ce colloque et quel jugement portez-vous ?

Reynald Secher : L’objet même du colloque était très intéressant car source de réflexions. Quant à l’exemple pris pour la Vendée, c’est une réécriture scandaleuse de l’Histoire, un exemple type d’un acte mémoricidaire.
En quelques mots : les Vendéens, fracassés par la politique d’extermination et d’anéantissement mis en œuvre dans le cadre du premier plan conçu par le Comité de salut public, décident de franchir la Loire les 18 et 19 octobre 1793 afin de trouver refuge sur la rive droite. Ils ont 5 000 soldats bleus prisonniers qui sont des assassins ayant appliqué à la lettre les ordres reçus du Comité. Ils doivent être exécutés. Le général Bonchamps, qui est à leur tête, mortellement blessé, décide de les gracier et de les libérer, ce que ses soldats font. À aucun moment, il n’a accordé le moindre pardon pour des raisons évidentes. Le faire croire est mensonger. L’idée qui anime ces pseudo historiens est simple : avec ce pardon, plus de crime, donc plus de bourreaux, plus de victimes et on réduit cette phase des événements à une simple guerre civile. En fait, ils tuent deux fois ces Vendéens. Qui plus est, à aucun moment n’a été abordée la suite des événements. En effet, le Comité de salut public, en apprenant cette grâce accordée, exige deux choses de la part des soldats graciés.
Premièrement : ils doivent dire qu’ils ont été libérés par les soldats républicains et qu’ils ont été maltraités par les Vendéens.
Deuxièmement, pour réparer le crime qu’ils ont commis d’avoir accepté cette grâce, ils sont sommés de massacrer tous les habitants du pays, ce qu’ils feront minutieusement les semaines suivantes.
On aurait pu imaginer que le Comité revienne en arrière sur son plan d’extermination et d’anéantissement. Non seulement, il n’en a rien été mais au contraire, le 11 novembre 1793, il conçoit, en conscience partagée, un plan spécifique d’extermination pour ces Vendéens qui avaient franchi la Loire et avaient grâcié les Bleus. Ce plan va donner naissance à des boucheries notamment celle du Mans.

R&N : Sur quels sujets travaillez-vous en ce moment ?

Reynald Secher : Je travaille sur deux niveaux : la recherche et la vulgarisation de l’Histoire. Au niveau de la vulgarisation de l’Histoire, je viens de faire paraître une bande-dessinée sur François Ier dont on commémore le cinquième centenaire de l’avènement. Quant à l’histoire scientifique, je travaille sur les crimes commis par la Terreur comme la déportation des Basques, l’anéantissement de villages, les camps de concentration révolutionnaires, etc...
D’ailleurs, si vos lecteurs ont des exemples à me donner, qu’ils n’hésitent pas à me contacter.

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