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Carol Ardent : Quel est votre rôle au sein des manifestations actuelles ?
Philippe Vardon : Dès le 6 mai au soir, nous avions lancé une grande campagne « Hollande n’est pas mon président », remettant déjà en cause la légitimité d’un président socialiste élu par seulement 33% des Français en âge de voter (une fois enlevés du décompte les électeurs de Sarkozy, les abstentionnistes et les non-inscrits) pour mettre en place des réformes aussi fondamentales que le droit de vote des étrangers ou le mariage unisexe. Cette campagne, volontairement transversale, avait connu un succès dépassant largement nos propres rangs et permettant déjà des prises de contact et des convergences désormais à l’œuvre dans la lutte contre la loi Taubira.
Ainsi, nous sommes engagés depuis les premières heures contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, notamment à travers le Collectif Identité et Filiation. Nous considérons en effet, simplement, que le mariage est le lieu (idéal) de la procréation et donc de l’établissement de la filiation, qui est le premier siège de l’identité. On se définit tout d’abord comme fils de, inscrit dans un lignage et un héritage dont notre identité dans sa dimension collective est aussi tributaire.
Au sein de ce formidable élan populaire, incarné centralement par la Manif pour Tous mais où se développent pléthore d’initiatives périphériques, nous avons décidé de nous engager à la base (et notre présence est particulièrement significative dans certaines villes de province) partout où nous le pouvions et de soutenir toute démarche nous semblant positive.
Finalement, vous pourrez retrouver des identitaires « à tous les étages », c’est-à-dire dans toutes les initiatives et singulièrement dans nombre de celles (ou bien à des postes) où on ne les attend pas forcément. Il ne me semble pas utile de me livrer ici à une énumération servant davantage à informer les services de M. Valls que vos lecteurs, mais ceux d’entre eux qui ont participé aux différentes formes de mobilisation ont sans doute côtoyé des militants identitaires, parfois sans le savoir car nous n’avons jamais cherché à nous accaparer le mouvement global de quelque manière que ce soit.
Carol Ardent Nous avons remarqué que les identitaires s’effaçaient admirablement derrière la cause commune, ce qui est admirable pour des militants. Pourtant, vous, Philippe Vardon, avez été pointé du doigt par Frigide Barjot sur Canal +, quelle est votre réaction ?
Philippe Vardon : Canal + s’est débrouillé pour mettre Frigide Barjot en condition en balançant beaucoup d’images auparavant, n’ayant rien à voir avec les identitaires, dans le but d’aboutir à cette condamnation franchement abusive, et surtout émotive. Il faut savoir, en amont, que les « journalistes » du Petit Journal sont remontés après nous, et moi en particulier, depuis que nous leur avons refusé l’accès à notre Convention Identitaire de l’automne dernier. Nous avions posé comme condition pour leur accréditation sur notre événement que l’un de nous puisse venir répondre au reportage à charge, qu’ils ne manqueraient pas de faire, sur leur plateau. Yann Barthes a refusé, et dès lors j’ai été obligé de leur expliquer en bas des escaliers qu’ils n’étaient pas les bienvenus et qu’Orange était une magnifique cité à visiter… Il semblerait qu’ils m’en veuillent encore !
Même si je regrette les propos de Frigide Barjot (il n’est jamais agréable de se voir ainsi jeter en pâture et amalgamé, elle le sait d’ailleurs tout autant que moi), j’ai aussi conscience de la pression à laquelle elle doit faire face. Elle est menacée, ainsi que sa famille (je suis bien placé pour savoir ce que cela peut faire, c’est actuellement mon cas avec des islamistes…) et elle n’y était pas forcément aussi préparée que des militants politiques comme nous, habitués à vivre dans une certaine tension permanente. Pour ma part, je garde la tête froide. Je crois qu’il est simplement nécessaire que chacun comprenne que des gens différents peuvent jouer des rôles différents et que, pour autant, il n’est nullement nécessaire de se jeter des anathèmes au visage et de se traiter de « mous » ou de « durs » pour se faire mieux voir des uns ou des autres. Face à cette rupture anthropologique fondamentale que constituent le mariage et l’adoption par les couples de même sexe (et les suites évidentes que seront la PMA et les mères porteuses), nous n’avons pas besoin de division mais de diversité, nous n’avons pas besoin d’uniformisation mais d’unité.
Il me semble utile de préciser que dans le cadre de notre opposition à la loi Taubira – tout comme dans nos autres champs d’action par ailleurs – nous nous sommes toujours situés dans une optique de résistance pacifique, ou plus exactement non-violente. Une large partie des méthodes employées dans le cadre de la défense de la famille et de la filiation actuellement se situent totalement dans la continuité de notre répertoire militant habituel, que l’on pense aux happenings divers et variés ou à l’utilisation accrue des réseaux sociaux et des médias alternatifs (chacun aujourd’hui, grâce à un simple téléphone, peut devenir lui-même un média et l’on a pu constater à quel point cela avait pu être utile pour démontrer les excès policiers).
Enfin, oui c’est vrai, nous avons choisi de participer à un combat d’ensemble sans chercher à nous attirer particulièrement la lumière. On ne doit qu’à Manuel Valls, et dans une certaine mesure au Petit Journal et à Frigide Barjot, d’apparaitre ainsi de manière plus visible. Depuis 15 jours, nous avons refusé plus de 10 demandes d’entretiens ou de reportages. Pour nous, il est hors de question d’être instrumentalisés par le Régime. Certains se prêtant malheureusement merveilleusement au rôle d’épouvantails, en se faisant dès lors les complices objectifs de nos ennemis… avec comme seule rétribution la gloire d’un article ou d’un reportage leur vomissant dessus ! Nous préférons œuvrer, aider, soutenir, agir, là où nous sommes utiles.
Carol Ardent : Quel message aimeriez-vous adresser au milieu catho aujourd’hui ?
Philippe Vardon : Je ne crois pas qu’il soit bon en politique de segmenter son message selon des niches ou – pire – des clientèles. C’est bien cette logique d’ailleurs qui nous a amenés à la loi Taubira… tout comme à la soumission de certains élus « de droite », tel le maire (UMP) de Nice Christian Estrosi qui d’une main a voté contre la loi Taubira pour de l’autre subventionner les associations LGBT et annoncer une fois la loi adoptée qu’il serait « ravi de célébrer le premier mariage homosexuel ».
Je n’aime pas non plus dépeindre les catholiques comme un « milieu ». Bien entendu, je connais et conçois (et trouve à bien des égards tout à fait sympathique) ce à quoi vous faites référence. Mais il se trouve, par exemple, que je suis pour ma part catholique mais ne suis pas du tout issu de ce « milieu », et pour tout dire je ne sais même pas danser le rock ! Loin de moi l’idée de caricaturer, car c’est aussi au sein de cette communauté (qui se définit sur des bases un peu plus solides qu’une « communauté gay » n’ayant comme seule valeur fondatrice qu’une préférence sexuelle) – je préfère de loin ce terme – que l’on trouve encore des îlots de liberté et de résistance, tels que ceux décrits par Jean Raspail dans sa formidable tribune dans Le Figaro, lorsqu’on lui demandait ce que signifiait à ses yeux être Français. J’appelle simplement les catholiques à faire de leurs îlots des bases de départ, pas de repli, pour participer à la reconquête.
Je considère qu’aujourd’hui être catholique a pris une dimension nouvelle, militante presque : on est catholique parce qu’on le veut, plus seulement parce qu’on a (éventuellement) reçu la Foi en héritage. Tout dans la société nous invite à nous débarrasser du lourd fardeau… alors quand on décide de porter sa croix (au sens propre comme au sens figuré) c’est aujourd’hui un choix fort, fondamentalement politique. D’autant que le catholique, si on en vient à le considérer comme un croyant mais aussi donc comme un militant (au sens de la Mission), est un militant politique mais aussi culturel et bien sûr social. Les catholiques d’aujourd’hui, et cette belle « Génération Benoît XVI » que l’on voit s’illustrer avec détermination et courage (je pèse mes mots, j’ai baigné dans l’activisme depuis mes 14 ans mais j’ai vu ces dernières semaines des garçons et des filles dont le courage force le respect, et dont bon nombre de révolutionnaires de salons fort éloquents n’ont pas le dixième !), ressemblent, et ressembleront encore davantage dans l’avenir certainement, aux dissidents catholiques de l’Ukraine soviétique ou à une sorte de nouvelle chouannerie. Après les prêtres réfractaires peut-être aurons-nous d’ailleurs nos maires réfractaires ?
Alors, pour conclure, mon message ne s’adressera pas qu’aux catholiques, mais j’espère qu’il leur parlera. Je réponds à cet entretien en ce mardi noir, qui a vu une majorité gouvernementale folle défier la nature. Pour autant, je ne sais exactement comment tout cela va se terminer… Le combat n’est en tout cas pas derrière nous, mais bien devant nous. Car le combat vient de débuter ! Il ne s’agit pas là du dernier tour de piste de la France réactionnaire, mais de l’entrée en lutte de la nouvelle France. J’exhorte tous ceux qui me lisent à faire leur cette idée : nous ne sommes pas l’arrière-garde mais l’avant-garde, nous ne sommes pas le dernier carré mais la première ligne. Quelle que soit l’issue de cette bataille contre la loi Taubira, un beau Printemps français s’est levé et les fleurs auxquels il donne naissance actuellement vont porter du sens dans le débat public, peser et s’imposer, dans les mois et les années à venir. S’ils gagnent cette bataille législative, c’est sans doute en amorçant notre victoire prochaine… Foi et Espérance.
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