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R&N : Qu’est-ce qu’un exorciste ? Comment le devient-on ?
Père Gilles Jeanguenin : Un exorciste est un prêtre, qui, au nom de l’évêque diocésain, reçoit, écoute et conseille les personnes qui viennent à lui pour être délivrées du Malin. Dans les cas de possession diabolique, c’est l’exorciste qui prie au nom de l’Église et profère les prières d’exorcisme pour chasser le démon. Cette pratique s’enracine dans les Évangiles, qui nous rapportent les actes libérateurs du Christ. C’est par une parole d’autorité — ordre impératif comme « Sort de cet homme » — que Jésus met en fuite l’esprit mauvais qui avait pris pouvoir sur le possédé (Évangile de Marc 1, 25).
Je ne suis pas devenu exorciste par choix personnel : j’ai répondu à l’appel de mon évêque, car c’est à lui que revient la tâche de choisir le ou les prêtres qui vont accomplir ce ministère dans le diocèse. L’évêque engage sa propre responsabilité dans la nomination de l’exorciste : il lui donne « une permission particulière et expresse » — selon l’expression et les normes du droit canonique (canon 1172) — pour pouvoir prononcer licitement des exorcismes sur les possédés.
R&N : Depuis combien de temps exercez-vous cette charge d’exorciste ? Comment cela a-t-il changé votre vie de prêtre ?
Père Gilles Jeanguenin : Depuis près de 20 ans. Ce ministère m’a beaucoup apporté soit au niveau de ma propre vie de prière, soit au niveau de la connaissance des âmes et des réalités spirituelles. La rencontre avec des milliers de personnes, qui luttent et qui souffrent, m’a permis de me remettre en cause et de progresser dans la voie de l’amour et du don à l’autre.
R&N : La figure de l’exorciste n’est-elle pas en train de disparaître dans notre monde actuel pour ne devenir qu’un personnage de film d’horreur ?
Père Gilles Jeanguenin : Elle ne disparait pas, bien au contraire, car les nominations d’exorcistes sont en augmentation depuis quelques années. Nos contemporains sont tellement désespérés dans ce monde moderne, qui est dominé et envahit par la technologie et le matérialisme athée. Le "spirituel" resurgit, et l’homme est à nouveau confronté au perpétuel dilemme : le bien et le mal.
R&N : Vous évoquez un matérialisme athée. Celui-ci est-il la cause de la si grande place du mal dans notre monde moderne ?
Père Gilles Jeanguenin : Si l’athéisme est la religion du matérialisme, ne nous étonnons pas si l’homme moderne se déshumanise de plus en plus. Sans la foi en Dieu, l’homme laisse entrer en lui ce mal qui le ronge et l’empêche de s’épanouir vraiment : l’appât du gain, la production effrénée, la compétitivité à outrance, l’individualisme et l’égoïsme ambiant, sont autant de portes ouvertes au démon et à son influence néfaste sur le monde.
R&N : Comment établir la limite entre la simple tentation et la possession démoniaque ?
Père Gilles Jeanguenin : La tentation est une sollicitation à accomplir une mauvaise action, qui souvent ne vient pas du démon lui-même, mais de nos mauvais penchants. La possession, est une présence démoniaque qui perturbe l’individu du dedans, en utilisant ses sens pour exprimer sa haine de Dieu et des hommes.
R&N : Le diable existe ! avez-vous écrit. Mais vous avez aussi écrit sur l’existence des anges. Que peut-on dire de l’existence de ce monde surnaturel ?
Père Gilles Jeanguenin : Le monde surnaturel, pourrait-on dire, est infiniment plus vaste que celui où nous vivons : il est infiniment plus beau pour ceux qui sont au Ciel avec le Christ et il est infiniment plus triste pour ceux qui sont en Enfer avec les démons. Ce monde spirituel est mystérieux pour nous : en fait, nous ne savons de lui que ce que nous apprennent les Écritures.
R&N : Les gens ne croient certes plus au diable, mais celui-ci exerce pourtant une fascination indéniable (comme le montre par exemple la multiplication des séries : Supernatural, Constantine, Lucifer, ...). Y a-t-il un risque à remplir notre imaginaire de la présence du surnaturel ?
Père Gilles Jeanguenin : Je pense que la plupart des gens croient en l’existence d’entités négatives. Depuis toujours l’homme est fasciné par ce qui lui fait peur et par ce qui lui est inaccessible. Le mystérieux, le miraculeux et ce qui est inexplicable rationnellement font recette aujourd’hui. Les films ou séries télévisées nous en donnent une preuve indéniable. Certains vivent dans un flou religieux, d’autres cherchent à influencer la réalité à travers des rites magiques : la superstition ou le recours à l’ésotérisme sont de vrais fléaux ! L’homme ne solutionne aucun de ses problèmes, mais les aggravent en s’adressant au démon et à ses acolytes… Il faut donc revenir à Dieu et lui faire confiance !
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