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R&N : Présentez-nous votre formation.
R.F. : Après un baccalauréat littéraire, j’ai obtenu une licence d’histoire. Jeune mariée, je travaillais pour un journal et je rédigeais des articles sur la vie culturelle parisienne et sur l’art de vivre à la française. Puis lorsque je suis devenue mère, je me suis consacrée à l’éducation de mes enfants. Nous avons quitté Paris et ce déménagement fut pour moi l’occasion de m’investir dans la paroisse.
J’avais le devoir de transmettre ce que j’avais reçu de mes parents, mais aussi au sein du scoutisme, et c’est naturellement que j’ai proposé mon aide pour le catéchisme et les visites des églises.
Lorsque nous aimons notre patrimoine religieux et que nous comprenons qu’il est présent pour témoigner du saint mystère, alors nous devons transmettre le beau et le vrai. J’ai suivi une formation à Ichtus durant deux ans : Transmettre. En déclinant la méthode de l’"Apprendre à Voir", structurée par Jean Ousset, nous apprenions à connaître les grandes permanences de notre histoire pour ensuite en parler autour de nous et notamment aux jeunes générations, mais aussi aux populations étrangères qui viennent en France.
R&N : Vous donnez des cours de français à des religieuses vietnamiennes, présentez-nous la communauté des sœurs.
R.F. : La congrégation des Sœurs Amantes de la Croix fut fondée en 1670 par Monseigneur Lambert de La Motte, membre fondateur des Missions Étrangères de Paris.
C’est une congrégation religieuse de droit diocésain, uniquement de femmes, dont la mission est à la fois tournée sur l’enseignement et sur l’hospitalité. La plus nombreuse communauté se trouve au Vietnam. Cinq points caractérisent la mission des sœurs : unir leur vie pénitente au Seigneur pour demander la conversion des infidèles, instruire les jeunes filles et femmes du pays, prendre soin de celles qui sont malades, baptiser les enfants moribonds et sortir les jeunes filles et femmes de la rue - débauche, marchandisation du corps, dépendance à la drogue, etc.
En France, leur mission est différente et s’apparente davantage à de l’aide matériel, bien qu’elles prient beaucoup pour les conversions. Elles sont présentes pour le catéchisme et l’aumônerie, elles font un peu d’accueil paroissial et de l’accompagnement auprès des familles lors des obsèques, l’animation musicale des messes et elles portent également la communion aux personnes isolées ou malades. Toutes ces missions favorisent la création d’un tissu social, ce qui est aussi un devoir du chrétien.
R&N : Et concrètement, qu’apportez-vous aux religieuses ?
R.F. : Un enseignement très scolaire, mais surtout une assimilation culturelle. L’enseignement scolaire passe évidemment par l’apprentissage de la langue française, avec de la lecture et notamment l’usage de la méthode Boscher, pour la méthode syllabique. Pour l’assimilation culturelle, si nous omettons cet aspect de l’éducation, alors c’est que nous ne sommes pas pleinement investis dans notre mission. Transmettre notre culture et notre mode de vie appartient aussi à l’enseignement.
L’instruction est simple : des cours de cuisine française, la découverte des us et coutumes et de nos arts - peinture, musique, sculpture et architecture. Les arts sont des vecteurs de notre civilisation, il faut largement en user pour éduquer.
R&N : En conclusion, pouvez-vous évoquer la situation de l’Église au Vietnam ?
R.F. : Cela fait environ cinq cents ans que la foi catholique est présente au Vietnam et ce pays est animé par une grande ferveur : les églises sont remplies du matin au soir. Les cours de catéchisme sont nombreux et donnent de belles vocations religieuses. Pour autant, la liberté religieuse est loin d’être respectée.
Le 19 juin 1988, le pape Jean-Paul II canonisa 117 martyrs du Vietnam, qui sont célébrés le 24 novembre. Parmi eux, il y avait dix français. Un jeune prêtre vietnamien constatait cela : « Ce qui nous sauva, c’est le communisme : en nous persécutant, il a maintenu notre foi ».
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