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Mosquées radicales : entretien avec Joachim Veliocas

Directeur de l’Observatoire de l’islamisation et auteur d’une enquête sur Ces maires qui courtisent l’islamisme (Tatamis, 2015), Joachim Veliocas vient de publier Mosquées radicales : Ce qu’on y dit, ce qu’on y lit aux éditions Dominique Martin Morin (novembre 2016). Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & le Noir.

R&N : L’islam radical en France forme-t-il un bloc unique où existe-t-il différentes tendances ?

Joachim Veliocas : Il existe différentes tendances, qui parfois s’entendent, qui parfois privilégient l’intérêt national, chez les turcs notamment. Les Marocains sont regroupés au sein du Rassemblement des Musulmans de France (RMF) dont mon livre démontre la radicalité de certains membres de son bureau. Les Algériens se regroupent au sein de la Grande mosquée de Paris, qui regroupe 700 mosquées algériennes avec des imâms fonctionnaires de ce pays. Les turcs se retrouvent dans le Ditib, qui dépend de l’état turc, ou du Millî Görüs, mouvement islamiste très radical, membre du CFCM ! Enfin, les Frères Musulmans n’ont qu’une patrie, la « nation de l’islam » qui transcende les origines de ses membres, surtout des tunisiens et des marocains. L’UOIF est la branche des Frères Musulmans, tous ses leaders l’ont reconnu par le passé même si ils ne veulent plus l’afficher depuis les révolutions arabes où ils ont montré leur véritable nature. Enfin, les salafistes ne reconnaissent que les cheikhs officiels de l’Arabie Saoudite et de ses émirats satellites.

R&N : S’agit-il d’un islam radical autonome spécifique à la France ou celui-ci est-il un mouvement plus large, en lien avec, voire soutenu par des pays étrangers ?

Joachim Veliocas : Il n’y a aucune spécificité française, les salafistes reçoivent des cheikhs saoudiens, ou lorsqu’il y a des empêchements de visas recourent aux conférences par internet. Les islamistes des Frères Musulmans diffusent les mêmes ouvrages des deux côtés de la Méditerranée, qui ont été traduits en français. Les bouquets de chaines satellites permettent de capter les chaines islamistes comme Iqraa TV et Al Jazeera.

La Turquie finance ses imâms, et les fidèles de cette communauté, des petits commerçants, se cotisent pour bâtir les mosquées. Il n’y a pas d’islam de France c’est l’islam qui est en France, sans inculturation.

R&N : Comment se répartit l’islam radical en France ? Représente-t-il une part marginale de l’islam en France ? Certains territoires sont-ils plus touchés que d’autres ?

Joachim Veliocas : Les salafistes contrôlent 110 mosquées, malgré la grosse vingtaine de lieux de cultes fermés depuis l’état d’urgence. Leur nombre progresse, ils font de l’entrisme et sont en passe de prendre le contrôle de 30 autres. Entre 2010 et 2016, leur nombre a progressé de +170% informe le Service Central du Renseignement dans une note de juin 2016. Ces salafistes actifs seraient plus de 50 000 selon le renseignement. Tout le territoire est touché hormis le Pays Basque, la Manche et les déserts ruraux de l’Auvergne. Je suis même en mesure de vous dire qu’une cellule salafiste existe à Lisieux dans le pays d’Auge ! Les tablighi contrôlent 147 mosquées, et, bizarrement, sont totalement infra-médiatisés alors qu’ils regroupent plus de 40 000 militants prosélytes (chiffre police), dont certains ont déjà basculé dans l’action violente. Les Frères Musulmans de l’UOIF contrôlent une centaine de mosquées, réparties jusque dans les départements ruraux de l’Allier (une mosquée à Vichy) et le Poitou (une mosquée à Poitiers). Une scission de l’UOIF en Seine-Saint-Denis (UAM93), dominée par des tunisiens, regroupe 30 mosquées pour ce seul département. Le Millî Görüs dont l’idéologie est la même que les Frères, a dépassé la vingtaine de mosquées et élargi son maillage avec des mosquées jusqu’à Châteaudun (Eure-et-Loir), Vendôme, Blois, Clermont-Ferrand. Evidemment que les agglomérations de Lyon, Nice, Marseille, Paris, Mulhouse, Bordeaux sont plus touchées que d’autres par l’islam radical. Et il faudrait parler des mosquées marocaines des fédérations du RMF et de l’UMF, qui enseignent une charia tout à fait classique, avec des mosquées jusque dans les zones rurales de l’Orne comme à Vimoutiers.

R&N : Quels sont les éléments centraux du discours radical qui est enseigné dans ces mosquées ?

Joachim Veliocas : La haine des lois de la république transpire depuis la loi de mars 2004 contre les signes religieux à l’école. L’UOIF avait qualifié la loi de « scélérate » dans un communiqué officiel ! L’UAM93 rencontrée amicalement par François Fillon en octobre 2014, écrit sur son site à propos de l’interdiction du niqab : « les grands muftis de la République laïque pourront toujours aboyer cela n’empêchera pas la caravane islamique de continuer son chemin jusqu’à sa destination finale. ». Dans un autre article, on hume un parfum de guerre civile : « le port du niqab en France est l’objet d’une guerre sans merci entre les forces républicaines et celles des musulmans ».

Le soutien aux combattants du djihâd, les moudjahidines, est affirmé par un imâm marocain de Montpellier (d’ailleurs en sympathie avec le maire En Marche ! Philippe Saurel). A la mosquée de Torcy on parle de la mise en place d’un rapport de force avec les élus, qualifiés « d’ennemis dans le sens de la logique civilisationnelle ». A la mosquée des Mureaux et Longwy, un « savant » saoudien rappelle qu’il faut tuer les apostats qui ont abjuré l’islam. Dans les mosquées de l’UOIF, le principal conférencier itinérant, Hassan Iquioussen, pousse au « jihâd contre les hypocrites », nie le génocide arménien et milite ouvertement pour un nouveau califat politique. Ce ne sont que quelques exemples, les lecteurs du livre en apprendront beaucoup.

R&N : Les exemples que vous donnez de prêches radicales donnent l’impression que ceux-ci ne s’en cachent même pas. Ont-il un sentiment d’impunité ?

Joachim Veliocas : Oui l’impunité est grande. Le pouvoir socialiste d’Emmanuel Macron n’osera fermer ces mosquées, elles ont été un puissant levier électoral pour lui apporter des voix. Les quelques salles de prières fermées allaient trop loin en hébergeant des djihadistes et n’édulcoraient pas leurs prêches, les islamistes intelligents font des prêches lisses.

R&N : Vous évoquiez dans un précédent livre ces maires qui courtisent l’islamisme. Quelles relations les élus locaux entretiennent-ils avec ces mosquées radicales ?

Joachim Veliocas : Il faut lire le livre pour le savoir car c’est difficile de résumer. En gros, il s’agit de subventions aux associations culturelles musulmanes, et de mise à disposition de terrains municipaux. Les relations sont toujours très amicales avec le passage obligé de l’inauguration de la mosquée et des ruptures de jeûne partagées. Les élus LR et PS des grandes villes sont les plus concernés.

R&N : Votre enquête montre clairement que des discours incompatibles avec ’les valeurs de la République’ - pour reprendre une expression récurrente du gouvernement - sont tenus en toute tranquillité sur le territoire français alors même que les attentat terroristes frappent régulièrement le pays. Comment expliquez-vous le peu de fermetures de mosquées radicales ou d’expulsions de prêcheurs étrangers ?

Joachim Veliocas : Il y aurait à peu près 600 mosquées à fermer sur 2600, le phénomène a dépassé le seuil où les choses auraient pu se régler sans grands heurts. On imagine que les vocations djihadistes se multiplieraient chez les islamistes qui se sentiraient injustement persécutés. Les exemples des prières de rues ingérables et des menaces, comme à Saint-Gratien, Clichy-la-Garenne ou Argenteuil, sont dans la tête des tous les préfets.

R&N : L’appel de l’UOIF à voter Macron a provoqué de nombreux remous sur la toile et dans une partie de la classe politique française. On observe par ailleurs la présence de candidats musulmans (qui vont de l’islam un argument de leur campagne) aux législatives. Peut-on parler de l’apparition d’un islam politique en France ?

Joachim Veliocas : Certains candidats et responsables départementaux de En Marche ! sont liés aux islamistes comme à Mulhouse, dans le Pas-de-Calais, Val d’Oise et Seine-Maritime (voir le dossier très précis de Mohamed Louizi), et ils ont déjà obtenu l’autorisation du voile à l’université et peut-être dans les entreprises si le nouveau président confirme ses propos tenus en meeting. Un parti musulman va présenter quelques candidats, l’Union des démocrates musulmans de France. Mais la stratégie généralement adoptée reste l’entrisme et le lobbying, comme dans les mairies de Beauvais, Aubervilliers, Strasbourg et Marseille où des conseillers municipaux de la majorité sont membres des associations pilotant la mosquée de la ville ou un « campus islamique » pour Strasbourg. A Argenteuil, on se souvient du « conseil des cultes » intégré à la mairie pour salarier deux militants musulmans ! Les cas sont nombreux. Cette dernière stratégie a prouvé son efficacité.

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