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Marie-Christine Arnautu : « La spiritualité manque en politique »

Marie-Christine Arnautu est député européen (FN) et vice-présidente du Front national, chargée des affaires sociales depuis 2011.
Elle a bien voulu répondre aux questions de Corsaire, rédacteur en chef du R&N

Corsaire : Mme Arnautu, bonjour. Vous êtes député européen, sous les couleurs du Front national. Quelles sont vos priorités lorsque vous siégez à Bruxelles ?

Marie-Christine Arnautu : Ma priorité est d’essayer d’accomplir le mandat pour lequel j’ai été élue, c’est-à-dire lutter contre cette Union européenne qui, dans tous les domaines, va à l’encontre du projet de Marine Le Pen et du Front National.
Il s’agit d’abord de lutter contre la détresse de nos compatriotes et cette absence de points de repères dans la société française : ainsi en va-t-il de la destruction du concept de nation, qui se poursuit par la destruction de la valeur de la famille.
Outre les affaires sociales, je siège en commission des transports, qui est un sujet crucial : nous subissons la libéralisation à tout va du transport, le ciel unique européen, la concurrence déloyale... En clair, un concentré de tout ce qui est mauvais dans l’Union européenne. Ce combat est commun aux 23 élus du groupe.
Mon objectif aussi, et c’est important, est de ne pas oublier que nous avons été élus pour rendre compte. Si ce volet est important, c’est que Bruxelles est une bulle faite pour déconnecter les élus de la réalité. Je veux continuer à informer et à faire comprendre à nos compatriotes le lien direct entre cette « secte » qu’est l’UE et toutes les conséquences néfastes au quotidien dur leur vie : fiscalité, famille, abandon de la souveraineté dans tous les domaines. Au niveau social, cette course aux plans d’austérité pour plaire à l’Union européenne et à Mme Merkel nous enfonce non plus seulement dans la détresse, mais dans une véritable misère sociale. Désormais, les impôts que paient les Français ne servent qu’à satisfaire à ces fameux critères d’austérité, dans la perspective plus vaste d’une détérioration annoncée de la vie des français.

Corsaire : Le rôle d’un député européen, a fortiori en l’absence de groupe parlementaire, n’est-t-il pas relativement vain ? N’est-ce pas de la figuration ? Qu’attendre de députés siégeant dans une instance apparaissant si lointaine ?

Marie-Christine Arnautu : Il s’agit évidemment d’une frustration car la vie du groupe est moins entendue au sein même du Parlement européen.
Mais le sens de notre présence est le suivant : les Français n’ont pas de repères, car l’UMPS change d’avis au gré des sondages, selon l’air du temps. Or, nos compatriotes ont besoin d’un parti politique crédible dans ses engagements ainsi que de repères. Or, le FN, à Bruxelles, fait ce qu’il a dit et tient parole. Tous les élus appliquent leur profession de foi. Et quand Marine Le Pen prend la parole au Parlement européen, elle est écoutée et rejointe par d’autres groupes.
Prenons notre temps ! Marine Le Pen a dit qu’elle ferait un groupe lorsqu’elle aura la certitude que les partenaires auront la vision du FN vis-à-vis de l’Europe et satisferont à des critères essentiels. Ce groupe, nous le ferons !

Corsaire : Certains catholiques reprochent souvent au Front national un positionnement très jacobin, et l’invocation régulière d’un concept fort républicain : la laïcité. Qu’entendez-vous, en tant que vice-présidente du Front national, par la laïcité ? N’y a-t-il pas un risque de mettre toutes les religions dans le même panier, et de mettre le catholicisme sur le même plan que l’Islam ? Plutôt que de se draper dans la laïcité, il serait plus judicieux de brandir les racines chrétiennes de notre pays.

Marie-Christine Arnautu : Lorsque nous évoquons la laïcité, nous parlons d’un problème réel en France, qui se manifeste concrètement s’agissant de la présence de porc dans les cantines, des modifications d’horaires dans les piscines, et de la construction de mosquées – construction souvent adoubée par les maires UMP.
Quant aux racines chrétiennes, je vais vous raconter une anecdote au Parlement européen : j’assistais récemment à Strasbourg à une conférence consacrée aux Chrétiens d’Orient. Michèle Alliot-Marie a eu l’honnêteté de dire qu’elle regrettait que l’expression n’ait pas figuré dans la Constitution européenne.
Pour ma part, je revendique que la France a des racines chrétiennes. Mieux : la spiritualité est quelque chose qui manque en politique. Je pense aussi, plus généralement, à ce qu’on appelait à la morale qui, autrefois, était enseignée dans les établissements publics et qui, in fine, permet de discerner entre le bien et le mal.

Corsaire : Comment abordez-vous la situation tragique des Chrétiens d’Orient ? Le Front national est-il capable d’apporter des solutions concrètes ?

Marie-Christine Arnautu : Les Chrétiens en général sont menacés, et ce sans susciter beaucoup d’indignation dans la classe politique française.
Même en France, les Chrétiens sont souvent bafoués, humiliés, sans susciter d’indignation quelconque à droite ou à gauche. Il y a un réveil nécessaire, qui n’a rien à voir avec la laïcité.
La question essentielle est la suivante : va-t-on renier nos racines ?

La situation est bien plus dramatique s’agissant des Chrétiens d’Orient qui, au XXIè s. sont opprimés uniquement à cause de leur foi. Mais peut-être cela n’est pas assez « vendeur »…
A titre personnel, je pense que les Chrétiens d’Orient veulent rester là bas, c’est-à-dire chez eux, et ne pas être déracinés. Le fait de dire « on les accueille » participe d’une certaine lâcheté car, soyons clair, cela signifie qu’ils n’ont plus leur place en Syrie, en Irak ou bien en Egypte.
Notre position a toujours été claire : depuis que les régimes autoritaires d’Orient ont été abattus par l’Occident, Etats-Unis en tête, ces régions sont devenus le terreau du terrorisme islamique, culminant aujourd’hui. C’est une véritable poudrière : la position géopolitique du FN aurait du être plus écoutée.
La responsabilité de la France, si le FN était aux affaires, serait d’intervenir pour que le Chrétiens d’Orient vivent librement et sereinement sur place.

Corsaire : Le Congrès du FN se tiendra à Lyon les 29 et 30 novembre. Faut-il s’attendre à un changement de cap ?
A une poursuite de la « dédiabolisation » ? A quel prix ?

Marie-Christine Arnautu : Changer le nom du FN ne correspond à rien. Ce serait une erreur, d’autant que les deux mots Front et national prennent tout leur sens en ce moment. Nous sommes dans une guerre d’idées dans laquelle l’enjeu est le maintien ou non de la nation française.
Je n’apprécie guère le terme « dédiabolisation » : depuis le temps que je connais Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen, je n’ai jamais eu le sentiment de côtoyer le diable. C’est la presse qui a dédiabolisé le Front national. Et alors ?
Il n’y aura surement pas de changement de cap. Relisez le projet construit par Marine Le Pen en 2012 : à aucun moment il n’y a de changement de cap, de recul ou de contradictions.
La seule évolution notable se situe sur le plan économique puisqu’à la lumière des différents traités européens, la situation économique nationale a radicalement changé. Dans ces conditions, le Front national ne peut défendre la position qu’elle tenait dans les années 80, que l’on avait qualifiée de « libérale ».
Le Front national ne s’est pas renié pour autant.

Corsaire : Le FN est-il un parti de droite ? Quelles fractures idéologiques peut-on noter au sein du parti, et notamment selon les régions ? Il serait tentant d’observer des différences entre un FN très identitaire dans le Midi, une faction plutôt traditionnelle à Lyon et un Front aux fortes préoccupations sociales dans l’Est et le Nord.

Marie-Christine Arnautu : Aujourd’hui, quelle différence note-t-on entre droite et gauche ? A l’Assemblée nationale comme à Bruxelles, on ne voit clairement pas la différence. Prenons un exemple symptomatique : un député du PPE parlait récemment de « bouillie nationale »...
Aujourd’hui, et tant mieux, il y a le FN d’un côté, et les autres. En paroles comme en actes, peu de différence entre droite et gauche. Immigration, souveraineté, valeurs, fiscalité, Hollande n’a fait que mettre ses pas dans ceux de Sarkozy.

Revenons au Front national. La base militante ne connaît pas de fractures idéologiques selon les régions d’implantation. Je me rends compte de cette réalité lorsque je me rends dans les fédérations.
Cela est logique : les préoccupations sociales sont indéniablement liées à la politique d’immigration et à la sécurité. La disparition de la classe moyenne vaut autant en PACA que dans l’Est de la France ou dans le Nord. Notre discours est ainsi accueilli avec une adhésion totale des participants, d’un bout à l’autre de la France.
Ce qui préoccupe les Français au quotidien a trait à l’immigration et l’insécurité. Ils souhaitent des solutions concrètes car l’insécurité devient une privation de liberté.

Corsaire : Quels sont vos espoirs pour 2017 ? Ne peut-on pas prédire un essoufflement du Front national ? Le Front national, s’il arrivait aux affaires, ne risquerait-t-il pas d’être terriblement esseulé ?

Marie-Christine Arnautu : Les résultats du Front national n’ont fait que progresser depuis les cantonales de 2011. En 2014, le FN a percé à l’occasion des municipales, des européennes mais aussi des sénatoriales.
La route sera difficile car l’abstention va se poursuivre.Toutefois, avant l’échéance présidentielle, il est possible d’accéder à des postes à responsabilité à l’échelle régionale, notamment en PACA et dans le Nord-Pas-de-Calais. Mais ne nous attendons pas s’attendre à une route pavée de pétales de roses.

Si Marine Le Pen devient présidente de la République, il y aura naturellement des alliances : non pas entre partis, mais individuellement, entre personnes, dès lors qu’il s’agit de personnes ayant au cœur de leurs préoccupations viscérales la préservation de la nation France.

Corsaire : Quelles leçons tirez-vous du succès de librairie d’Eric Zemmour ?

Marie-Christine Arnautu : Son succès, qui dénote, est encourageant. Tout comme l’afflux de personnes ayant manifesté lors des Manifs Pour Tous, à chaque fois ces sursauts sont émouvants mais aussi réconfortants.
Les Français ont l’impression à juste titre d’assister à un suicide collectif. Le fait que des gens comme Zemmour aient ce succès (tant en librairie qu’en terme d’audimat) permet à nos compatriotes de sortir de cette anesthésie causée par la censure (rappelez-vous l’entre deux tours d’avril 2002) commence à sérieusement s’ébranler et tant mieux.
Eric Zemmour a contribué à libérer les Français de cette honte dans laquelle on avait cherché à les enfermer.

Corsaire N’assistons-nous pas justement à un renouveau de la presse grâce à l’Internet ?

Marie-Christine Arnautu : Absolument. Désormais, grâce à Internet, les Français ne peuvent pas dire qu’on les empêche de se construire leur propre opinion. Celui qui veut vraiment s’informer grâce à ces sites, peut bénéficier d’une information véritablement libre.

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