L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
Dans ce long entretien elle revient sur les attaques contre la famille qui reprennent de plus belle et qui sont les raisons de la manifestation organisée le 16 octobre à Paris. Réagissant au soutient apporté par Sens Commun à François Fillon dans le cadre de la primaire de la droite, elle souligne l’indépendance de LMPT vis-à-vis des décisions prises par tout parti politique, Sens Commun compris, et déclare que le mouvement n’entrera pas en campagne pour tel ou tel candidat, mais continuera à s’adresser à tous les candidats, quelles que soient leurs étiquettes partisanes.
R&N : Le 16 octobre, 6 mois à peine avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, La Manif Pour Tous battra à nouveau le pavé. Pourquoi ?
Ludovine de La Rochère : La France connaît une crise profonde aux aspects multiples. Mais François Hollande, qui n’a ni la capacité ni la volonté, en réalité, d’agir pour notre pays, n’a qu’un seul objectif : sa réélection. Or la seule possibilité pour lui de rassembler la gauche, c’est le champ sociétal. Cela explique que les offensives anti-famille et éducation reprennent de plus belle alors que nous les avions considérablement freinée depuis 2014, et même stoppées pour certaines : légalisation de la PMA « sans père », adoption pour les couples pacsés et concubins, statut du beau-parent, projet de loi « Familles » de Dominique Bertinotti… autant de projets que la gauche avait renoncé à faire passer. D’où le propos, en mai 2016, du député Erwann Binet à l’hebdomadaire Marianne : « La victoire de La Manif Pour Tous est d’avoir congelé les ambitions sociétales de la gauche ».
Mais ces attaques sont relancées tous azimuts par un Président qui joue son va-tout. Côté famille d’abord : la PMA « sans père », la GPA (François Hollande refuse pour le moment de faire appel de la nouvelle condamnation de la France par la CEDH à ce sujet), un simili statut du beau-parent qui relativiserait la place spécifique des parents, le changement de prénom et d’identité sexuelle sur simple déclaration, la célébration du PACS en mairie qui affaiblirait encore un peu plus le mariage, le prélèvement à la source qui conduirait à l’individualisation de l’impôt, la suppression du statut d’ayant-droit qui déconnecte le conjoint qui ne travaille pas – la mère en général – de son époux du point de vue de la sécurité sociale, etc. Ces menaces qui pèsent sur la famille sont plus que jamais d’actualité. Je ne les indique pas toutes tant il y en a, hélas.
Ces projets, de prime abord sans rapport les uns avec les autres, répondent tous à l’objectif exprimé par Manuel Valls : « la seule question qui vaille, c’est comment orienter la modernité pour accélérer l’émancipation des individus » (L’Obs, 22 octobre 2014). De fait, la gauche de gouvernement considère que la famille est contraire à l’égalité et à la liberté, lesquelles sont ses deux mamelles idéologiques, dans un sens évidemment dévoyé. Le drame étant que tous ces projets nous emmènent vers une société composée d’individus sans liens, sans racines, sans culture… bref, hors-sol. Nous ne pouvons l’accepter.
L’autre vecteur d’intervention du pouvoir en place, c’est l’éducation, autrement dit l’école, dans laquelle il veut intervenir « dès le plus jeune âge ». L’école est en effet la meilleure manière « d’arracher l’élève aux déterminismes familial, social, ethnique, intellectuel » selon le tristement célèbre propos de l’ancien ministre Vincent Peillon. Elle permet en effet, loin des parents, de travailler à la transformation de l’humain (avec la remise en cause de tout, y compris de la réalité sexuée de notre humanité) et de mettre fin à la civilisation chrétienne puisque, soyons clairs, c’est bien l’objectif d’un certain nombre de nos gouvernants. Le reste du propos de Vincent Peillon, moins connu, achève de donner les clés : l’objectif est la « liberté de choix » et celle-ci est un absolu, elle ne devrait connaître ni obstacle ni limite. Or, pour assurer cette liberté, il ne faut rien imposer à l’enfant, autrement dit, ne rien lui transmettre.
Toujours pour des motifs d’égalité, Najat Vallaud-Belkacem a supprimé notamment les internats d’excellence, les bourses au mérite, l’enseignement classique du latin et du grec, une partie de notre l’orthographe, les classes bi-langues (partiellement maintenue finalement). A cela s’ajoutent la refonte des programmes et la catastrophique réforme du collège avec laquelle, entre autres choses, les travaux interdisciplinaires auront désormais plus d’importance que les disciplines fondamentales dont le nombre d’heures hebdomadaire est réduit. Sans oublier la volonté de la Ministre de faire passer l’école hors-contrat d’un statut déclaratif à un statut d’autorisation, ni celle de surveiller au plus près ceux qui font l’école à la maison.
Certes, l’actualité économique et internationale comme l’insécurité et le terrorisme orientent l’attention des Français sur des questions en apparence plus brûlantes. En réalité, elles sont parfaitement liées : sans famille, pas d’éducation, pas de formation, pas de dynamisme ni d’innovation, pas de nation prospère. Et sans famille, pas d’identité, pas d’éducation, pas de société, pas de paix, etc. En clair, nous sommes pris entre le matérialisme et le libertarisme d’un côté et l’islamisme de l’autre. Et nous devons nous garder de tomber d’un côté comme de l’autre, même si le danger est plus visible du côté islamiste.
Pour en revenir au contexte politique, il y a donc urgence à stopper cette déconstruction accélérée par l’approche des élections. Par ailleurs, à droite, l’absence de vision, de cap et de programme pour la famille et l’éducation sont quasiment aussi inquiétantes.
Comme vous le constatez, cet événement du 16 octobre est incontournable : nous devons tous, aussi largement qu’en 2013 et 2014, descendre dans la rue. La loi Taubira et tout ce qu’elle implique (genre, PMA « sans père », GPA…) était inacceptable il y a 4 ans. Elle l’est tout autant aujourd’hui. Notre mobilisation doit donc être absolument massive pour peser : ce sera le moment ou jamais !
R&N : Qu’est-ce que la proposition de loi APIE que vous dénoncez ?
Ludovine de La Rochère : Il s’agit d’une proposition de loi qui avait été débattue et votée en première lecture à l’Assemblée nationale au printemps 2014. Elle vise à satisfaire une vieille revendication des associations LGBT sur le statut du beau parent, lequel ouvrirait une brèche sur la coparentalité puis vers la pluri-parentalité, celle-ci étant un des objectifs de l’inter-LGBT. Grâce à notre mobilisation, cette proposition avait été mise de côté en 2014 : elle n’avait jamais été transmise au Sénat. Hélas, François Hollande a promis le 30 juin dernier aux associations LGBT de remettre l’ouvrage sur le métier. La navette parlementaire va donc redémarrer dans les semaines qui viennent.
R&N : S’opposer aux nouvelles “avancées sociales” et à leurs conséquences inévitables est-il suffisant ? Ne faut-il pas désormais une véritable politique de reconstruction de la famille ?
Ludovine de La Rochère : A l’orée de cette année très politique, il est en effet essentiel d’exposer ce que nous voulons pour la famille et l’éducation, aussi bien en termes d’objectifs, de fondements, de principes d’action que de mesures concrètes. La Manif Pour Tous rendra donc public, dans quelques jours, un rapport « Politique de la famille et intérêt de l’enfant ». Sans en révéler le contenu, je peux vous dire qu’il contient près de 40 propositions chocs à la hauteur des enjeux. Nous devons avoir une ambition forte pour la famille et donc pour la politique de la famille.
R&N : Peut-on lutter efficacement contre la PMA et la GPA sans que la loi Taubira ne soit abrogée ?
Ludovine de La Rochère : La PMA « sans père » et la GPA sont les suites inéluctables de la loi Taubira. On a fait croire au peuple français que le mariage ne concerne que le couple. En réalité, il concerne bien entendu les enfants. D’’ailleurs, lorsque l’officier d’état civil célèbre un mariage, la plupart des articles du code civil qu’il est tenu de lire concernent les enfants. Incontestablement, le sens du mariage est bien de fonder une famille. La loi Taubira implique donc un « droit à l’enfant », c’est-à-dire le recours à la PMA « sans père » et à la GPA, deux hommes ou deux femmes ne pouvant fonder une famille sans recourir à un tiers. Pour ces raisons, lutter contre ces pratiques suppose nécessairement l’abrogation de la loi Taubira. D’autres mesures sont nécessaires aussi bien-sûr : la GPA, par exemple, n’est pas acceptable non plus pour un célibataire ou un couple homme-femme.
R&N : Sens Commun, présenté par les médias comme un mouvement « issu de La Manif Pour Tous », a apporté officiellement son soutien à François Fillon dans le cadre de la primaire de la droite. La Manif Pour Tous soutient-elle officiellement un candidat à la primaire ?
Ludovine de La Rochère : La Manif Pour Tous n’a pas changé depuis sa fondation en octobre 2012 : le mouvement est a-partisan, indépendant de tout parti politique, seul décideur de sa stratégie et de ses actions. C’est indispensable pour garantir notre liberté, impérative dans le combat essentiel que nous menons. J’ajoute que la France, c’est 18 millions de familles. Je veux dire par là que l’enjeu que nous défendons se situe au-delà de tel ou tel parti politique. Cette cause nous concerne tous, elle suppose de s’adresser à tous, ce qui explique d’ailleurs le nom du mouvement « Manif Pour Tous ». Pour ces raisons, le mouvement n’entrera pas en campagne pour tel ou tel candidat, mais continuera à s’adresser à tous les candidats, quelles que soient leurs étiquettes partisanes.
En revanche, nos sympathisants nous demandent de leur indiquer très précisément les positions de chacun des candidats sur le mariage, la filiation, la famille, l’éducation... Établies à partir des déclarations des candidats, ces positions seront rendues publiques et mises à disposition des Français en temps et en heure pour chaque échéance électorale à venir.
R&N : Quels sont les différents points que vous scruterez dans les programmes des candidats à la présidentielle ? Parmi ces points, quel est le point le plus important ?
Ludovine de La Rochère : Nous scruterons tout ce qui concerne la famille et l’éducation. J’ajoute que les parents étant les éducateurs de leurs enfants, nous veillerons aussi à tout ce qui concerne l’école : en effet, les parents doivent pouvoir déléguer l’instruction de leur enfant à l’école en toute confiance comme ils doivent pouvoir choisir l’établissement scolaire auquel il confie leur enfant.
L’essentiel, c’est une conception de la politique respectueuse de l’Homme et des valeurs de notre civilisation. Ce qui implique, bien entendu, la défense du mariage homme-femme, de l’adoption par un couple marié homme-femme, de la filiation père-mère-enfant, et tout ce qui en découle, de la vision de la société.
R&N : Quels outils LMPT fournira-t-elle aux électeurs pour se faire une idée claire des positions des différents candidats ?
Ludovine de La Rochère : Nous lancerons dans quelques semaines un site internet dédié aux élections dont l’objectif essentiel sera d’informer sur les prises de position précises de chacun des candidats : chaque électeur saura en quelques instants ce qu’ont déclaré les candidats sur tous les sujets suivis par La Manif Pour Tous. Mais la mobilisation du 16 octobre sera essentielle pour cette année politique. Depuis plus de 3 ans, nous avons bloqué les projets du gouvernement. Face à de nouvelles offensives, nous devons intervenir à nouveau massivement. Et entamer la reconstruction !
R&N : L’Université d’été de La Manif Pour Tous aura lieu les 17 & 18 septembre 2016. Quels y seront les thèmes abordés ?
Ludovine de La Rochère : Cette Université d’été 2016, qui aura lieu à Etiolles au Sud de Paris, va revêtir une importance particulière : elle sera un temps de préparation et de réflexion autour des enjeux du 16 octobre et de l’année politique qui s’ouvre. Nous serons donc concentrés sur les sujets qui nous préoccupent : Denis Tillinac évoquera la déconstruction en cours, Jean de Belot et le Pr Drago évoqueront les risques politiques et législatifs. Nous aurons aussi un état des lieux du système scolaire français par Olivier Vial et une analyse de Chantal Delsol sur la « parentalité » et la filiation. Et comme les bouleversements qui touchent notre société sont directement liés à la logique transhumaniste, celle-ci sera l’objet d’un débat contradictoire entre Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et chroniqueur au Monde, et Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita. Ce sera passionnant : j’attends ces interventions et ce débat avec beaucoup d’impatience ! D’autres acteurs de la société civile, comme Joseph Thouvenel, Vice-Président d’une confédération syndicale, seront présents. La 4e université d’été de La Manif Pour Tous s’annonce comme un grand millésime, à ne pas rater !
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