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R&N : Qui sont les Survivants ?
Émile Duport : Nés après la loi Veil de 75, nous avons survécu à l’avortement car nous étions dotés d’un projet parental. D’autres n’ont pas eu cette chance.
En hommage à tous ces absents, nous avons constitué un mouvement qui désire changer radicalement le regard que la société pose sur une grossesse imprévue.
R&N : Comment (re)faire de l’avortement un combat culturel plutôt qu’un combat politique ?
Émile Duport : Nous cherchons en premier lieu à répondre à la question du « pourquoi ».
La maternité est un sujet à aborder avec beaucoup de pudeur car il relève de l’intime et du privé, chaque histoire est différente.
Par ailleurs, devenir la demeure d’un autre, et ce quel que soit le contexte, est un mystère, un cheminement psychologique, hormonal et spirituel que le politique ne peut pas réellement appréhender.
Certes, prouver que l’avortement n’est pas perçu comme un droit mais comme un mal nécessaire par les Français relève clairement du combat car les médias, en étroite complicité avec les ministères actuels, s’emploient à dire le contraire.
Si l’on entend que le culturel englobe la vision qu’une société a d’elle même et de son avenir, c’est donc bien le champ à investir car on n’avorte pas pour des raisons objectives et raisonnables mais davantage pour des raisons de perceptions émotionnelles. Je le sens ou je ne le sens pas…
Si nous parvenons à encourager la société à voir la vie du bon côté, si nous arrivons à démontrer que les 220 000 avortements ne sont pas dus à des viols et à des situations de détresse absolue mais bien à la démission et la lâcheté du copain, des amis et de la famille, alors oui nous pourrons réduire considérablement le nombre des IVG.
R&N : Que reprochez-vous aux méthodes de communication des différents groupes opposés, en France, à l’avortement ?
Émile Duport : Nous ne reprochons rien à personne, aux pro-avortement comme aux anti.
Ce que nous avons réalisé, en revanche, c’est que se concentrer sur la défense du statut de l’embryon en tant que personne humaine est improductif et ne contribue pas à diminuer le nombre d’avortements. Pour les raisons évoquées ci-dessus, la considération par la femme de ce qu’elle porte en elle est parfaitement subjectif et c’est par elle-même qu’elle réalise, après coup, et parfois des années après, que ce fameux “amas de cellules” dont elle s’est séparée était probablement un peu plus que cela.
Par ailleurs, parler des souffrances créées indubitablement par l’IVG n’est pas également un élément de preuve assez puissant pour dissuader les femmes, particulièrement les jeunes filles, d’avorter car elles ne peuvent se projeter après l’IVG qui est déjà une souffrance inévitable pour elles.
Notre mission est de démontrer que la démobilisation ou l’aveuglement autour de l’avortement et de la souffrance qu’il provoque est le signe d’un mal de société plus grand.
Nous voulons proposer un rêve de société, une vision, une aspiration, plus que des solutions pratiques, car cela n’est pas de notre ressort.
R&N : Quelle forme de communication préconisez-vous donc ?
Émile Duport : Une communication créative, innovante qui vient rejoindre ce que les gens vivent sans leur imposer ce qu’ils devraient vivre.
Nous ne parlons pas au nom des autres mais en notre nom propre. C’est au nom de notre indignation face à ce secret qui plane dans nos familles sur l’existence d’un frère ou d’une sœur, c’est au nom des avortements qui nous ont blessés et ont blessé nos ami(e)s que nous prenons la parole ; pas au nom d’une doxa ou d’une communauté politique ou religieuse.
R&N : Comment s’explique la quasi inexistence de la mouvance pro-vie française, tandis que, dans le même temps, le mouvement pro-vie américain est structuré et bien visible ?
Émile Duport : Oui, le mouvement pro-vie américain est présent et bien visible mais c’est un vrai business totalement marqué politiquement. Aux États-Unis, soit tu es démocrate et tu es pro-choix, soit tu es républicain et tu es pro-life.
Il est clair que le débat y existe, mais il ne se fait pas sur les mêmes bases qu’en France. Aux États-Unis, on est sur des discussions très concrètes et rationnelles sur la nature de l’embryon et l’on aborde souvent le sujet sous un angle rationnel (fiscalité, science, délais).
Pour nous, l’avortement existera toujours et ne pourra être réglé simplement par une nouvelle loi ou la victoire d’un parti politique. C’est une plaie, une blessure profonde qui pour être guérie nécessite un changement radical de la manière dont les Français considèrent l’avenir et la solidarité sociale face à ceux, toujours plus nombreux, qui viennent les déranger dans leur confort bourgeois.
Face au migrant, au vieux qui pisse dans ses couches, au SDF, au chômeur, à l’enfant à naître qui me trouble dans mes plans de vie, je peux choisir d’expulser/d’oblitérer le problème ou alors de nommer les difficultés et de les affronter.
Notre société externalise le risque, la douleur, la mort, la bienveillance et la solidarité. Il y a des services pour tout et on évite de s’engager trop personnellement dans quelque chose qui pourrait nous attirer des désagréments.
Notre société de la peur ferme la porte à l’inconnu et son leitmotiv désenchanté semble être « Pourvu qu’il ne nous arrive rien ». La réponse que nous souhaitons donner à cela est de sortir du déni.
Nous voulons rentrer dans une dilatation généreuse (versus une rétractation égoïste). Nous voulons opposer à la culture de la performance et du déchet, la culture de la solidarité. Nous voulons encourager une culture qui ne méprise pas la vulnérabilité mais qui l’assume et l’accueille.
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