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Saint Jean-Paul II proclamait en 1995 dans Evangelium Vitae : « L’euthanasie est donc un crime qu’aucune loi humaine ne peut prétendre légitimer. Des lois de cette nature, non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation grave et précise de s’y opposer par l’objection de conscience. »
Le Rouge & le Noir : Julie Graziani, bonjour. Pourquoi avez-vous accepté de devenir porte-parole de la Marche pour la Vie ?
Julie Graziani : Je suis très honorée d’être porte-parole de la Marche pour la Vie, car l’an dernier j’y étais présente pour la première fois, et c’était en tant qu’anonyme.
Le sujet de l’avortement en général m’a toujours beaucoup traumatisée : lorsque j’étais adolescente, plusieurs amies y ont été confrontées. Ce que j’ai vu alors, c’est la réalité concrète de l’avortement et la manière dont cela se passait pour les jeunes femmes. Les cas que j’ai eu à connaître étaient à mille lieues de ce qu’on nous dit de l’avortement : mes amies ont parfois été forcées à avorter par leurs parents, ou bien contraintes par leur compagnon. On ne parle jamais de ces cas de véritable chantage, qui mènent à l’avortoir. Pourtant, c’est du concret, c’est le réel.
J’en ai eu assez que l’on nous présente sans cesse l’avortement comme une « libération des femmes » alors qu’il s’agit au contraire d’une contrainte.
Ce décalage m’a donné envie de parler du sujet de l’avortement comme d’une donnée factuelle, et de constater librement si l’avortement a servi ou non la cause des femmes. A mon sens, l’avortement a clairement desservi les femmes.
Plus précisément, c’est l’abominable réalité des avortements tardifs qui m’a poussé à m’engager. L’incroyable traitement médiatique de la loi espagnole relative aux avortements tardifs, présentant cette réforme comme une loi rétrograde, a été pour moi la goutte d’eau faisant déborder le vase !
Aujourd’hui l’avortement est un dogme, une vache sacrée du féminisme. Le mot a ainsi absorbé toute la réalité concrète, de sorte que l’on ne peut, hélas, en parler que sur le mode incantatoire. Cela est dramatique car la question de l’avortement reste avant tout un sujet de santé publique. Posons la question aux autorités : quel est leur but, qu’il y ait davantage d’avortement, ou qu’il y en ait moins ?
R&N : Faut-il s’attendre à ce que le thème de la MPV de cette année soit centré sur l’euthanasie ?
Julie Graziani : La Marche pour la Vie tient les deux bouts de la chaîne : le début et la fin de toute vie humaine. Ces deux moment correspondent aux instants où, dans notre civilisation, la vie est la plus menacée car elle y est la plus vulnérable.
Les intéressés ne peuvent se prononcer réellement et, qu’il s’agisse d’accueillir la vie naissante ou d’accompagner la vie finissante, c’est aussi le moment où la vie coûte financièrement le plus cher…
Il y a donc, de notre part, une cohérence parfaite entre nos revendication anti-avortement et notre opposition à l’euthanasie.
R&N : Que répondez-vous aux partisans de l’euthanasie ?
Julie Graziani : Il faut d’abord mettre en avant le problème du consentement et évoquer les trois cas de figure se présentant aux médecins.
Il y a d’abord le malade qui avait donné des directives anticipées, exigeant que s’il se trouvait dans telle situation, il faudrait le faire mourir. Certes, il ne voulait pas être dans cet état-là mais, soyons francs : ses directives étaient hors contexte. Il sera donc otage d’une volonté qu’il avait exprimée auparavant, dans un contexte tout autre. Prenons garde aux directives anticipées, qui empêchent les gens d’accepter leur état de fait et d’adapter leur décision à la situation qu’ils vivent présentement.
La seconde situation est celle de la personne qui n’est pas en état de donner sa volonté, et qui n’avait pas donné de directives anticipées. Le risque, que l’on sent poindre dans le rapport Claeys-Léonetti, c’est que l’on se hasarde à présumer ce que la personne aurait voulu… Ce qui créée une grave insécurité juridique.
Le troisième cas de figure concerne les personnes en état d’exprimer leur volonté (C. Sébire par exemple), mais, par hypothèse, , elles se trouvent dans un tel état de faiblesse physique ou psychologique que l’on touche clairement du doigt l’abus de faiblesse. Le bon sens nous dit qu’aux frontières de la mort, on n’est pas en capacité de décider vraiment.
Ensuite, sur l’argument du « droit de mourir » agité par les partisans de l’euthanasie, soyons clairs. Décider que l’on veut mourir, c’est une chose. Obliger quelqu’un à vous donner la mort, c’en est une autre. Se donner la mort car on le souhaite, cela a hélas toujours existé. Mais ce que réclame l’ADMD, c’est le fait de pouvoir obliger quelqu’un d’autre - les médecins- à donner la mort.
Les médecins n’auront pas l’objection de conscience. Mettez-vous dans la peau de ces médecins : comment peuvent-ils accepter que la décision d’un tiers s’impose à eux, afin de les obliger à donner la mort, alors qu’eux-mêmes, en tant que médecins, ne le souhaitent pas ?
R&N : Marcher pour la Vie est une excellente chose mais, en dehors de cette manifestation, comment peut-on concrètement donner de la voix pour la vie ?
Julie Graziani : Il serait formidable d’apporter davantage d’aide aux femmes enceintes. Ces dernières subissent souvent de graves pressions financières. Il faut lutter contre la pauvreté, qui est l’une des premières causes d’avortement.
Favorisons également une meilleure connaissance de leur corps par les femmes. Depuis quarante ans, ce que l’on nomme « éducation sexuelle » a clairement manqué sa cible.
Quant à l’euthanasie, les infirmiers et médecins doivent se mobiliser et, au quotidien, poser des gestes simples, rappelant qu’ils entendent voir leur liberté respectée. Des cellules de résistance doivent se monter dans ces professions afin de dire : « Non, on ne veut pas avoir de sang sur les mains ».
Enfin, visitons les personnes âgées, les personnes seules. Il est capital d’apporter de la chaleur humaine. La fin de vie est avant tout un enjeu de solidarité humaine.
R&N : Que vous inspire la récente adoption d’une résolution faisant de l’avortement un « droit fondamental » ?
Julie Graziani : Paradoxalement, cette résolution est, in fine, plutôt encourageante. Elle montre que les partisans de l’avortement sont très crispés sur ce sujet là, au point d’en faire un « droit fondamental », d’en achever la dogmatisation, de le graver dans le marbre. Or, s’ils sont si anxieux et désireux d’arrimer l’IVG au corpus des droits fondamentaux, peut-être est-ce en raison d’un certain sentiment d’illégitimité.
Ce « droit à l’avortement » finira par s’écrouler sous le poids de ses contradictions internes. Présenté comme absolu et donc sans limites, ce « droit » finira par heurter les Français lorsqu’ils prendront conscience de la réalité des avortements, et notamment des avortements tardifs. Il faut montrer l’horreur de l’avortement, non pour le plaisir de choquer, mais pour assumer le réel. Certes, l’argumentaire pro-vie doit évoquer l’accueil de vie, mais il faut aussi montrer ce qu’est réellement un avortement et comment l’on s’y prend, concrètement, pour tuer des enfants.
R&N : Avez-vous un message pour les personnes en détresse qui seraient tentées de rompre avec la culture de vie, soit en permettant un avortement, soit en succombant à la tentation de l’euthanasie si celle-ci venait à être légalisée ?
Julie Graziani : Pensez aux autres. Rappelez-vous que chaque geste abortif ou euthanasique qui est posé en appelle un prochain. On banalise ces actes et on en prépare d’autres. On oublie trop souvent l’effet d’entrainement. S’agissant des couples et des femmes confrontées à l’avortement, je leur dirai que je ne connais pas de femmes qui regrettent d’avoir eu son bébé, alors que tant regrettent d’avoir avorté.
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