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Jacques Bompard : « Il existe un suicide économique de notre pays qui n’est pas imputable à l’euro »

Jacques Bompard est maire d’Orange et député (non inscrit) de Vaucluse. Président de la Ligue du Sud, M. Bompard a bien voulu répondre aux questions du Rouge & Le Noir.

R&N : La défense de la famille et de la vie chrétienne sont au cœur des valeurs politiques portées par la Ligue du Sud. Mais leur défense peut-elle prendre de l’ampleur sans une large prise de conscience de la valeur spirituelle de la foi qui aille au-delà d’un simple attachement identitaire ?

Jacques Bompard  : On atteint là une des limites de la vocation politique. L’homme politique est au service de la cité avec pour motif la promotion et la défense du bien commun. Il ne lui appartient pas de discuter ou de définir celui-ci, sinon sa bonne volonté n’aboutit jamais qu’à des réponses décevantes. La défense de la vie et de la famille est la condition à tout politique vertueuse. Ainsi, l’explosion des familles, notamment par le divorce de masse, a largement endommagé la société ! La négation constante de la différence des sexes complète une visée cosmopolite de l’indifférenciation. L’avortement érigé en principe organisateur de la cité, l’instrumentalisation des actions de la recherche scientifique par le transhumanisme condamnent, de facto, notre société au chaos.

En somme, la défense de l’anthropologie chrétienne n’est pas un combat identitaire, elle est la seule fondation possible pour une action politique juste. L’évangélisation relève d’un autre charisme que je respecte assez pour ne pas y introduire des mandats. Reste à espérer que les clercs fassent de même.

R&N : La proposition de loi que vous avez récemment déposée pour lutter contre toutes les violences faites aux femmes a été qualifiée, entre autres, par vos ennemis politiques de “texte réactionnaire qui repose sur un argumentaire bancal, truffé d’amalgames.” On vous reproche notamment de faire de la théorie du genre “une autre violence éthique contre la féminité”. Encourager les filles à faire la guerre est-il vraiment une violence au même titre que le viol physique ?

Jacques Bompard  : Il y a une violence qui touche directement les êtres, il en est une autre qui s’attaque insidieusement à leur personne. L’horreur du viol de la chair doit être traitée avec la plus profonde fermeté, c’est pourquoi je demande une aggravation des peines dans cette proposition de loi. Mais mépriser les violences faites à la conscience et à la Nature, c’est avoir une conception abîmée de l’humanité. Et l’intrusion de l’État, voire de quelques sectes, dans la plus profonde intimité des femmes, est une violence intolérable qui, au moment où elle fait système, ne peut qu’engendrer les pires drames humains. Enfin, il est évident que ces violences se cumulent et qu’une conception dissociée de l’Homme et de l’humanité est l’une des sources de l’ensauvagement de notre société.

R&N : Le choix du Gouvernement de proposer au constituant de réviser la norme suprême pour élargir le champ de la déchéance de nationalité vous paraît-il opportun ?

Jacques Bompard  : La question de la déchéance de la nationalité est un cas limite car elle pose en profondeur la question du contractualisme. Et François Hollande savait parfaitement qu’il piégerait la droite en lui demandant ce qu’était un Français. Cela n’a pas manqué : on a vu un spectacle affligeant conviant l’émotion, le sentimentalisme, le républicanisme éploré. Tout cela, comme à l’habitude, sans la moindre véracité historique. En somme, le piège est simple : soit l’on admet que le fait d’être Français est une citoyenneté, c’est-à-dire une idée, soit une nationalité, c’est-à-dire un tout confus mais chaleureux de reconnaissance inclue à la communauté. Et la réponse tient évidemment à un équilibre entre les deux puisque ne peut être membre de la communauté nationale celui dont la communauté répute dans sa très grande majorité qu’il n’en est pas membre. Et la loi est justement là pour interdire que les passions de la communauté nationale n’aillent trop loin dans la subjectivité. Le fait est que désormais, la loi envahit les corps sociaux et veut réformer toutes leurs positions. On l’avoue dans le champ des droits des binationaux ou non.

Alors oui à la déchéance de nationalité, mais surtout oui à la refonte des politiques qui conduisent à ce hiatus insupportable.

J’ajoute, par ailleurs, que le Grand Remplacement, fruit du cosmopolitisme, balaie largement l’importance de ces discussions. Une déclaration légale, si juste soit-elle, ne peut rien face à un trait de civilisation, ou plutôt de dissolution de la civilisation.

R&N : Concernant les liens entretenus par la France avec l’Arabie séoudite, le ministère des Affaires étrangères vient récemment de réaffirmer “la nécessité pour nos deux pays de développer leur coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Le Président de la République a exprimé à cette occasion son attachement à l’amitié entre la France et le Royaume d’Arabie saoudite, et son souhait de renforcer nos liens politiques et économiques avec ce partenaire majeur de la France.” Cette position vous paraît-elle justifiée ?

Jacques Bompard  : L’Arabie Saoudite est une puissance orientale indéniable. Elle ne dégage ni les droits, ni les devoirs, ni la conception de l’Homme qui permettent un dialogue apaisé entre deux États. Il faut poursuivre en disant que certaines puissances à Riyad participent à la déstabilisation de notre pays en projetant des moyens financiers et humains, notamment en direction de franges islamistes de notre territoire. En réalité, l’Arabie Saoudite essaye de nous « libaniser ». Je sais, par ailleurs, que l’Arabie Saoudite est elle-même en proie à de graves tiraillements internes qui n’améliorent ni son comportement auprès de ses voisins (guerres odieuses en Syrie et au Yémen) ni sa politique interne. L’alliance unilatérale avec les monarchies sunnites du Golfe a rompu la politique d’équilibre qui relève de la vocation de la France dans la région. Aussi, avant de coopérer plus avant dans la lutte contre le terrorisme, les Français ont le droit à une investigation sur les ressorts des relations entre nos deux pays, histoire que les Français sachent.

R&N : Quelles sont selon vous les vraies causes de la crise agricole ? La solution à cette crise passe-t-elle par le localisme ?

Jacques Bompard  : La première victime de la Ve République c’est l’agriculture. La mécanisation outrancière, le mépris affiché pour les savoir-faire ancestraux, la rupture avec les lignées paysannes ont entrainé une rupture dans les tissus économiques et géographiques de notre pays. Que veulent réellement les paysans ? Vivre de leur travail. Or les exploitations agricoles sont aujourd’hui victimes : du racket fiscal, des distorsions normatives, de la mondialisation malheureuse.

Une affaire récente l’a d’ailleurs parfaitement incarné : du vin chilien sera vendu sur le tour de France. Le localisme est une des conditions sine qua non du rétablissement d’une partie du monde paysan. Les circuits courts, les identités locales, la rationalisation de la consommation sont autant d’éléments primordiaux que nous devons mettre en avant ! Perico Legasse l’exprime d’ailleurs avec brio dans son récent ouvrage : A table citoyens !

R&N : Les Français restent majoritairement attachés à l’euro. Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a récemment réaffirmé que “tout le monde au Front national est pour la fin de l’euro” et que la France aurait “une monnaie nationale” au bout de six mois au maximum s’il arrivait au pouvoir. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Jacques Bompard  : Florian Philippot confond la confrontation au réel, c’est-à-dire la politique, avec les jeux vidéo. Comme l’une des figurines qu’il doit apprécier, le numéro deux du Front National poursuit des totems. Or, la question économique réclame mieux que quelques imprécations monétaires parsemées de résumés pseudo-savants d’Alternatives Économiques.

« Un mouvement dont la présidente dit ne pas être de droite, n’est pas de droite. Et je suis le premier à regretter que des militants courageux et dévoués en soient prisonniers. »

D’ailleurs, la droite nationale ne l’a pas attendu pour rappeler que l’Union Européenne ne serait jamais une zone monétaire optimale, que la concurrence du dollar passait par un projet de puissance de tous les corps sociaux, que l’Europe allemande ne valait finalement pas beaucoup mieux que l’Europe américaine.

Mais les faits sont là et l’Europe existe, pénalisant pour partie notre économie. En faire toutefois la cause unique de nos déboires économiques, c’est oublier une grande partie des errements provoqués par la cohorte d’énarques et de dirigeants cooptés : le marché du travail est étouffé par une réglementation excessive, les ménages sont harcelés par le racket fiscal, les indépendants subissent des inventions législatives toujours plus obséquieuses.

Il existe donc bien un suicide économique de notre pays qui n’est pas imputable à l’euro. Promettre aux Français le plein emploi et l’abondance une fois sorti des débats de Frankfort et Bruxelles, c’est mentir, c’est tromper, et c’est avouer son incompétence.

Par ailleurs, le retour à une monnaie nationale en six mois est absolument irréaliste : les parités monétaires, les coûts d’étiquette, les libellés de compte devraient être modifiés pour une plus longue période.

Alors recouvrer notre souveraineté monétaire un jour, oui ! Fantasmer et manipuler, non, en tout cas pas à droite.

R&N : Dans le cas où, à l’issue des élections législatives qui interviendront un mois après l’élection présidentielle de 2017, aucune majorité ne se dégageait sans y inclure des députés élus sous des étiquettes autres que celles du Parti socialiste et des républicains, une union des droites telle que celle que vous avez toujours prônée serait-elle possible ?

Jacques Bompard  : Elle est hautement souhaitable mais malheureusement aujourd’hui je crois que les consortiums partisans dits de droite s’y refuseront. Ils s’y refuseront parce qu’ils sont membres d’un Système ou les intérêts acquis priment sur les idées. C’est une position qui fera hurler les militants, mais la vie politique française fonctionne ainsi. Je vois, ci et là, les initiatives se développer pour rendre cette perspective possible. Il faut les encourager et y travailler.

J’ajoute que cette union sera possible quand sur des territoires donnés, nous représenterons une certaine hégémonie. C’est en effet en se confrontant à la politique concrète et réelle que nous gagnons l’affection et la confiance des électeurs. C’est la seule méthode louable à mon sens.

R&N : Plus largement, le Front national peut-il encore être qualifié de parti de droite ?

Jacques Bompard  : Un mouvement dont la présidente dit ne pas être de droite, n’est pas de droite. Et je suis le premier à regretter que des militants courageux et dévoués en soient prisonniers.

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