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R&N : Quels sont les motifs de santé publique qui rendent nécessaire la prévention de l’avortement ?
Grégor Puppinck : L’avortement a des conséquences en matière de santé publique, mais aussi pour la société tout entière : en matière économique, sociale, démographique, pour l’avenir du pays, des familles, etc. Si plus de 40 % des femmes tombent en dépression après un avortement lorsqu’elles ont moins de 25 ans, cela va affecter leur vie personnelle mais aussi leur comportement social ; le suivi psychologique va générer un coût pour la société. L’avortement comporte par lui-même des risques médicaux, propres à toute opération médicale mais il entraine aussi d’autres risques pour l’avenir de la femme, comme des grossesses prématurées, des grossesses extra-utérines, des cancers, etc. Des risques qui, dans d’autres domaines comme la santé alimentaire, justifieraient une politique de prévention de l’État.
R&N : Les politiques de prévention de l’avortement par la promotion de la contraception (éducation sexuelle, facilité d’accès pour les mineurs, remboursement par la sécurité sociale...) ont échoué. Quelles nouvelles politiques de prévention de l’avortement proposez-vous ?
Grégor Puppinck : Ce constat d’échec est clairement établi à travers notre ouvrage et commence à être admis. Nous recommandons une éduction qui responsabilise. Nous sommes libres parce que nous sommes responsables. La responsabilité sexuelle ne peut pas être réduite à l’usage de la contraception. Il faut donc modifier l’éducation sexuelle. Car aujourd’hui c’est ’éduquer pour inciter’. Les rapports sexuels précoces devraient être découragés. Certains élèves de collège et lycée aujourd’hui ne savent pas que la sexualité a pour fin intrinsèque la procréation. C’est le résultat de 30 ans d’éducation sexuelle publique.
Une autre action, parmi d’autres, toujours dans le domaine éducatif porte sur l’enseignement de la beauté de la vie et du corps, des cycles naturels, du développement prénatal de l’être humain, etc. Cette valorisation de la sexualité et du corps permet aussi de faire prendre conscience de la gravité de l’avortement
Enfin, de nombreuses mesures sociales sont nécessaires pour protéger les femmes des pressions matérielles et affectives qui les poussent à avorter, pour responsabiliser les hommes, etc.
R&N : La notion même de prévention de l’avortement est-elle abordée au sein des instances européennes ? Il semble que la promotion de l’avortement y importe bien plus que sa prévention.
Grégor Puppinck : La promotion de l’avortement pour l’imposer comme un ’droit’ est effectivement souvent dominante. Lorsque la prévention est abordée, c’est systématiquement pour favoriser la contraception et la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. La liberté sexuelle est devenue un absolu, et l’avortement sa garantie. Le malthusianisme n’est pas étranger à la volonté de promouvoir l’avortement plutôt que sa prévention, car ’prévenir’ pourrait conduire à garder l’enfant.
R&N : Quel rôle joue la CEDH sur la question de l’avortement en Europe ? Quelles grandes tendances observez-vous de l’étude de sa jurisprudence sur le sujet ?
Grégor Puppinck : La CEDH a clairement dit que la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait s’interpréter comme contenant un droit à l’avortement et que les États pouvaient « légitimement choisir de considérer l’enfant à naître comme une personne et protéger sa vie ». Néanmoins, en utilisant des cas extrêmes, cette Cour a été utilisée par des groupes militants pour tenter d’obliger la Pologne et l’Irlande à libéraliser l’accès à l’avortement, notamment en cas de danger pour la vie de la femme. Cela étant, la Cour a quand même résisté à l’instrumentalisation ; on ne peut pas dire qu’il existe un « droit fondamental à l’avortement » au titre des droits de l’homme ; c’est faux. D’ailleurs, lorsque la Convention a été rédigée, presque tous les États signataires condamnaient l’avortement volontaire.
R&N : De manière surprenante, vous consacrez une partie de cet ouvrage à ’l’avortement en raison du sexe de l’enfant’. Cette réalité souvent évoquée pour la Chine et l’Inde existe-t-elle aussi en Europe ?
Grégor Puppinck : Effectivement, cette pratique existe, même si elle demeure pour l’instant à une échelle largement moindre qu’en Chine et en Inde. Elle est liée en Europe à certaines communautés étrangères, à des traditions, mais également à des phénomènes de mode. En Chine, c’est principalement la politique de l’enfant unique qui est responsable du déficit de filles qui ont été avortées. Cette pratique est aussi appelée à se répandre dans les pays industrialisés car il devient aisé de connaître très tôt le sexe de l’enfant : la culture du droit à l’enfant et du contrôle maximal de la procréation nous mène à cela. Nous avons tendance à vouloir ne plus rien laisser au hasard en matière de procréation.
Malgré une condamnation de principe, l’inaction des gouvernements contre l’avortement sélectif est un révélateur de nos contradictions.
R&N : Plusieurs pays européens sont parvenus à réduire très sensiblement le recours à l’avortement. Ont-ils réussi à le faire uniquement avec une politique de santé publique ou cela s’est-il aussi accompagné d’une remise en cause du droit à l’avortement ?
Grégor Puppinck : Principalement par une politique de santé publique. Dans le cas de l’Allemagne ou de l’Italie, c’est par une politique différente. Il est difficile à un tel niveau international, avec les flux migratoires, l’âge des populations, les variations annuelles et tous les autres facteurs, d’établir des liens de corrélation clairs et définitifs entre une loi prise et le nombre d’avortements l’année suivante. On peut dire que les aides sociales pour la femme enceinte, la sensibilisation à la vie qu’elle porte et la prévention des rapports sexuels précoces fonctionnent et ont permis à ces deux pays de diminuer le nombre d’avortement. Mais la loi a également un pouvoir très fort et la Pologne, après la chute du rideau de fer a tout simplement abrogé les lois autorisant l’avortement et est devenue l’un des pays européens ayant le taux d’avortement le plus faible.
R&N : On observe en France une remise en cause de la liberté d’expression et de la liberté de conscience dès qu’il s’agit du ’droit à l’avortement’. Est-ce un phénomène uniquement français ou est-il plus général au sein de l’Union Européenne ?
Grégor Puppinck : La politique française fait figure d’exception en Europe. Le gouvernement actuel est dans une logique dogmatique et idéologique de l’avortement. Le délit d’entrave numérique à l’IVG qui est actuellement envisagé porte atteinte à la liberté d’expression, au droit à l’information et à la liberté en général. Il est fort probable que si cette loi est portée un jour devant la Cour européenne des droits de l’homme, la France sera condamnée comme l’a été récemment l’Allemagne pour avoir censuré une personne qui comparait l’avortement à l’holocauste.
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