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R&N : « Xénophobe », « populiste » [1], provocateur [2], coupable d’appliquer la censure [3] : peu de qualificatifs dépréciatifs ont été épargnés au gouvernement de Viktor Orban, dont la politique de limitation de l’immigration semble déplaire aux plateformes médiatiques françaises. L’immigration est-elle le seul facteur susceptible de susciter l’ire de cette oligarchie ?
Ferenc Almassy — C’est bien le principal point. Mais en effet pas le seul : le FMI a été expulsé après remboursement de la dette, les OGM sont bannis, le dialogue se fait avec l’ouest comme avec Moscou… Cependant, il est vrai que Victor Orbán est un provocateur. Un trait politique hongrois assumé. À l’instar de la Corse, la Hongrie est souvent conquise mais jamais soumise. La Hongrie est depuis son effondrement au XVIe siècle soumise à des puissances étrangères. L’Empire ottoman, l’Empire des Habsbourg, le IIIe Reich, l’Union soviétique, et maintenant l’UE. Toutes ces puissances ont subi la Hongrie et ont fini par disparaître. Et les tauliers de la dernière puissance citée, celle dominant actuellement la Hongrie, le savent et le craignent. La Hongrie a une tradition d’esprit de dissidence, le pays a comme inscrit dans son ADN un esprit de guérilla passive, de piques et de révoltes ponctuelles et efficaces contre ses oppresseurs. Et cela a toujours fonctionné. Orbán est un héritier de cet esprit rebelle, et la Hongrie est derrière lui comme un seul homme si l’étranger menace le pays d’une façon ou d’une autre. On avait vu l’Europe centrale comme un Tiers-Monde blanc, et son insoumission imprévue et incomprise irrite.
R&N : Dénonçant la « soviétisation » de l’Union Européenne, Viktor Orban semble favorable à un retour de la primauté des États-Nations au sein du conglomérat. Un retour qui ne pourra s’opérer que dans une perspective de réhabilitation de ses racines. « Il n’y a pas d’Europe libre sans États-nations et sans les milliers d’années de sagesse dues au christianisme », déclarait ainsi le chef du gouvernement fin octobre [4]. En quoi cette posture dissone-t-elle en regard de celle de ses voisins européens ? Après tout, un parti comme le Front National ne reconnaît les racines chrétiennes de la France qu’à l’ombre une laïcisation opérée par les Lumières ... [5]
Ferenc Almassy — Oh, cela ne dissone pas de tous ses voisins ! Ceux qui ont subi le joug communiste savent le prix de la liberté, la valeur de l’indépendance et le rôle du politique. Ils estiment également bien mieux leur propre héritage. Et en particulier, ils se souviennent mieux de ce que leur a apporté le christianisme.
Victor Orbán est d’ailleurs un Européen convaincu. Ses positions sur le christianisme – se rappeler que la Hongrie est un pays séculier et non laïc ; la Transylvanie hongroise à d’ailleurs proclamé en premier la liberté religieuse – sont également celles d’un homme qui a connu l’athéisme d’État et le rôle de la foi dans la lutte contre la folie matérialiste du communisme. Sauf que cette folie matérialiste a muté et c’est au tour du nihilisme occidental, pour reprendre l’expression du premier ministre, de menacer l’Europe jusque dans son essence même. La Hongrie est un ancien royaume apostolique. Elle connaît et se rappelle ses racines païennes. Et le catholicisme et le calvinisme se sont entrelacés à travers le pays, soudés par l’agresseur mahométan.
Je pense que Victor Orbán a conscience que sans verticalité, pas de salut possible.
R&N : A l’issue de la journée organisée par Polémia, vous apporterez votre témoignage sur cette voix discordante que porte haut le gouvernement hongrois. Quel témoignage souhaitez-vous apporter à votre auditoire ?
Ferenc Almassy — Outre certains éléments détaillés plus haut, j’entends expliquer pourquoi la Hongrie reste fondamentalement une nation européenne malgré les coups de poignard dans le dos, ou encore comment elle fait pour tenir tête à des grandes puissances. La Hongrie est un pays fascinant qui a de nombreuses particularités, dont une résilience à toute épreuve. Je détaillerai aussi cela et l’illustrerai par quelques exemples concrets de réussites locales de militants, ayant eu une influence à échelle européenne.
R&N : Née de la rencontre des rois de Bohême, de Pologne, de Hongrie au XIVe siècle, le groupe de Visegrad s’est reconstitué en 1991 pour favoriser l’intégration de ces pays à l’Union Européenne [6] . Cette réunion de différents pays de l’Est (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) a fait pâlir les journalistes et les politologues de l’Occident, qui accuse la coalition de « multiplier des propos antimusulmans, [...] rejeter les quotas de réfugiés par pays imposés par Bruxelles », ne pas avoir confiance en « ce modèle occidental d’une société multiculturelle » (Jacques Rupnik). Faut-il voir derrière le Visegrad une union « dissidente » ? Quelles sont ses capacités d’action concrètes ?
Ferenc Almassy — Il ne s’agit pas d’une union formelle, plutôt d’une entente. Ces pays ont des problématiques et des intérêts communs, mais aussi une vision civilisationnelle commune. Dès lors elles forment automatiquement un bloc dissident. Mais comme je le disais plus haut, il s’agit d’altereuropéens. Ces pays ont lutté pour leur indépendance récemment encore et sont beaucoup plus sensibles, voire hypersensibles, comme le disait l’ancien président tchèque Václav Klaus à Stockholm le 4 novembre, aux dérives d’un système qui ne remplit plus sa mission originelle, qui est celle des « pères fondateurs » dont finalement Orbán est un des meilleurs représentants actuels…
Enfin, les dirigeants du groupe de Visegrad ont littéralement lutté contre l’Union soviétique. Et ils ont réussi. Dès lors la question est plutôt de savoir quels sont les moyens dont dispose l’UE pour les contrer…
Concrètement, leur résistance commune est déjà en train de créer un effet boule de neige. Ils ont brisé autour du dogme immigrationniste. En moins d’un an. La suite arrive. C’est la fameuse « contre-révolution culturelle » voulue par Orbán et Kaczynski.
R&N : Lorsqu’elle n’est pas sujette à une attention trop crédule portée au serment doctrinal de la sphère médiatique, la société civile propose des initiatives allant à l’encontre de mesures gouvernementales qu’elle juge inique. La société civile hongroise s’immisce-t-elle de la même façon dans la vie politique nationale ?
Ferenc Almassy — Elle essaye et a eu des opportunités pour s’installer et se créer des bases solides dans les années 90 et 2000. La déboulonner n’est pas évident. Cela dit, il y a deux ans Orbán a déjà fait une première attaque contre les ONG sociétales libéral-libertaires en bloquant les financements norvégiens.
R&N : Dans une lettre envoyée aux députés français, Amnesty International s’alarme du fait que la commission européenne n’ait toujours pas clôturé sa procédure en manquement engagée à l’encontre du pays concernant la situation des réfugiés et migrants en Hongrie. « S’en abstenir ferait le jeu des partis politiques xénophobes et populistes », indique l’association. En somme, parce que le gouvernement n’adhère pas aux conditions d’accueil imposées par l’Union Européenne, on en appelle à une condamnation immédiate. Pour quelles alternatives la Hongrie peut-elle opter pour échapper à cette férule ?
Ferenc Almassy — Amnesty se coule en se politisant de la sorte. Leur combat ridicule qui relève de la diffamation est perdu d’avance. Si cette procédure n’aboutit pas, c’est bien parce que la Hongrie est pratiquement irréprochable dans l’affaire des migrants. Elle a appliqué les accords de Schengen à la lettre. Elle a d’ailleurs reçu de l’argent pour cette barrière… De plus la Hongrie n’a pas été hypocrite contrairement à d’autres pays qui donnent des leçons sur l’accueil des clandestins... puis laissent se développer de multiples camps de fortune, jusque dans leur capitale.
La Hongrie – qui plus est forte du soutien de plus en plus de gouvernements européens sur cette question – n’a donc qu’à sereinement continuer de faire ce qu’elle fait, c’est-à-dire l’application à la lettre du droit international .
[1] Lettre d’Amnesty International aux députés français datée du 21.10.2016.
[4] « Hongrie : Orban dénonce la soviétisation de l’Union Européenne et défend ses frontières », le Figaro, 24.10.2016.
[6] « Le Groupe de Visegrad, une union nationaliste dans l’Union Européenne », L’Humanité, 12.02.2016.
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