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Eugénie Bastié : « Faites des enfants, pas des courses ! »

Eugénie Bastié lance, avec Gaultier Bès de Berc et Paul Piccarreta, Limite, une revue d’écologie intégrale, en librairies le 4 septembre.

R&N : Quel est l’apport nouveau de Limite dans le paysage médiatique français ?

Eugénie Bastié : L’idée est moins de se faire une « place » dans un paysage médiatique, que de sortir du cadre ! Dans un monde saturé par l’information immédiate, le mot « revue » est important.

Si certains d’entre nous sont journalistes, nous ambitionnons d’accomplir un travail plus intellectuel que journalistique, ou politique. Nous sommes dans le combat culturel, en amont des luttes partisanes, sans être pour autant dans la théorie pure ! Nous souhaitons d’abord briser les clivages traditionnels, et l’obsolète division du monde politique entre droite et gauche. Nous sommes persuadés au contraire que le clivage à venir se situera entre transhumanistes et bioconservateurs, c’est à dire entre ceux qui ont renoncé à la finitude humaine et ceux qui continuent de croire en un monde sans limites qui court à sa perte.

Nous nous voulons également un laboratoire de ralliement de toute une génération, qui se reconnaît dans la voie, à la fois cohérente et radicale, de l’écologie intégrale.

Enfin, nous voulons transmettre. Inscrire notre pensée dans un héritage qui nous dépasse et nous nourrit. Weil, Bernanos, Orwell, Thibon, Chesterton, Illitch, Anders pour les anciens. Hadjadj, Rey, Michéa, Lash, pour les nouveaux. Autant d’auteurs que vous pourrez retrouver dans ce premier numéro !

R&N : Pourquoi une revue papier à l’heure d’internet ?

Eugénie Bastié : Sur la toile illimitée, tout le monde donne son avis, à la vitesse d’un tweet indigné ou d’une image choquante. Il n’existe aucune hiérarchie de l’information, aucun recul. Un sujet chasse l’autre, et le goût de l’inachevé le dispute au sentiment de vanité. Ce que permet le papier, et surtout un rythme de parution espacé, c’est de prendre ce recul et de traiter un sujet problématisé sous des angles variés. C’est de produire un objet fini, complet, tangible et réel. Le papier, parce qu’il est matière, offre un cadre- des limites justement- qui obligent à resserrer la plume, structurer la pensée, faire le tri entre le vain et le nécessaire ; de choisir un sujet et de s’y tenir.

R&N : Le sous-titre du premier numéro est « Décroissez et multipliez-vous ». Est-ce une réponse au malthusianisme qui envahit actuellement l’écologie ?

Eugénie Bastié : Je ne suis pas sûre que le malthusianisme « envahisse » l’écologie. Mais il est certain que la démographie est une problématique critique de la décroissance. Le mot « décroissance » est un mot choquant, tabou, qui vient heurter le dogme de nos sociétés libérales, à savoir la croyance en une forme de progrès économique illimité, dans un monde fini. C’est un mot qui choque aussi les catholiques, plus habitués à l’ « écologie humaine » ou la défense des « valeurs ». Le pape François n’a pourtant pas hésité à l’utiliser dans son encyclique Laudato Si, ce qui nous a agréablement surpris. Car l’ambition de ce numéro est justement de confronter le concept de décroissance à l’anthropologie chrétienne.

On prête au christianisme et à ce fameux verset de la Genèse (« croissez et multipliez vous »), l’origine de la domination de l’homme sur la nature repris par Descartes et sa raison instrumentale, pouvoir illimité de l’homme devenu Dieu. Nous essayons de déconstruire cette injustice, et de montrer que christianisme et écologie ne sont pas seulement compatibles, mais indissociables.

Comment réconcilier la nécessité d’une forme de décroissance avec la fécondité consubstantielle au christianisme, religion de vie ? Nous ne voulons pas être de ces radins austéritaires qui comptent ce qui leur reste dans leur bourse, mais montrer qu’une forme de simplicité volontaire est la meilleure façon de rendre nos vies belles. Certains pensent l’écologie comme un exutoire pour aigris, n’aimant ni la vie ni l’avenir. Nous au contraire disons : faites des enfants, pas des courses !

R&N : Comment se pense, se construit puis se lance techniquement une nouvelle revue ?

Eugénie Bastié : La revue Limite est née d’une rencontre, celle de la génération d’avant-garde, qui avait fondé Immédiatement à la fin des années 1990 (Jacques de Guillebon, Falk Van Gaver, Luc Richard, Sébastien Lapaque) et d’une génération, je dirais « post-Manif pour tous », qui a souhaité poursuivre le combat sous une forme culturelle, et intégrale, qui dépasse la question de la loi Taubira pour s’inscrire dans une critique globale de la civilisation libérale-libertaire.

Plus concrètement, cela fait maintenant plus d’un an et demi que nous travaillons sur ce premier numéro. Nous avons recruté des plumes venues de tous les bords politiques : écolos, gauche orwelienne, anarchistes chrétiens, chrétiens de gauche, royalistes, et j’en passe. Jean-François Colosimo, et les éditions du Cerf, ont accepté de nous faire confiance, et nous voilà dans toutes les bonnes librairies ! Nous faisons une soirée de lancement à la Cité Universitaire ce samedi 5 septembre. Au menu : discussion avec les auteurs, chansons écolos de Fabrice Hadjadj, accordéon, et d’autres surprises ! Venez et vous verrez, comme disait l’autre !

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