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R&N : Vous analysez cinq grand phénomènes idéologico-religieux : le judaïsme, le christianisme, l’islam, le communisme et la franc-maçonnerie. Ces cinq phénomènes sont-ils d’égale importance dans l’histoire des idées et pour notre futur qui se joue actuellement ?
Bernard Antony : Il faudrait que vous précisiez dans quel ordre vous souhaitez que je considère la notion d’importance.
Si c’est dans celui du bien pour les nations et l’humanité et je peux répondre sans hésiter que c’est le christianisme. Par-delà tous ses avatars et les péchés des chrétiens.
Dans l’ordre des idées, je crois comme un Maistre ou un Châteaubriand que le catholicisme est la doctrine qui rend le mieux compte de la nature de l’homme, de ce pour quoi il vit, de ce à quoi il est appelé. Tout tient en quelques mots du Christ : « Je suis la voie, la vérité et la vie ».
Dans l’ordre de l’importance numérique, le phénomène juif est évidemment le moindre. Mais dans celui de ce que, faute de mieux, j’appellerais « l’engendrement religieux et idéologique », c’est le plus important. Je préfère employer la dénomination de « phénomène juif » car, au sens strict, le judaïsme tel qu’on le connaît aujourd’hui est essentiellement la religion post-christique des juifs pour lesquels le message du Christ n’a pas été et n’est pas l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament.
Le judaïsme, en effet, n’a été globalement « fixé » que dans les XIe et XIIe siècles de notre ère avec les grands commentateurs Rachi et Maïmonide, après des siècles de talmud (« étude »). De ce judaïsme a d’abord partiellement procédé l’islam, « secte nazaréenne » judéo-chrétienne, et plus tard, en grande partie aussi, le communisme. Et n’oublions pas le freudisme ! Dans l’ordre de l’abomination totalitaire, l’islam et le communisme sont évidemment les phénomènes les plus importants.
Je n’oublie pas la monstruosité nazie mais je ne l’ai pas abordé dans mon livre car, Dieu merci, il n’est plus un phénomène majeur du monde actuel, même si on en retrouve bien des aspects dans la culture de mort contemporaine avec la légalisation de l’avortement et l’avancée vers celle de l’eugénisme et de l’euthanasie.
Pour ce qui est de la Franc-maçonnerie moderne, la maçonnerie « spéculative », sa perniciosité dans la subversion des idées, des valeurs et des sociétés a été considérable, du moins en Occident. Mais je crois qu’elle a réalisé, hélas, le plus gros de son constructivisme idéologique avec les lois que je viens d’évoquer.
R&N : Quels sont les traits de ce néo-totalitarisme actuel que vous dénoncez ?
Bernard Antony : Dans l’entre-deux guerres, Jacques Bainville, le grand historien et penseur politique, définissait les totalitarismes de son temps (communisme, fascisme, nazisme) par ces deux mots : « l’État déifié ». Le néo-totalitarisme que nous subissons aujourd’hui est bien différent. Il ne se ramène pas à un État « Big Brother » plus ou moins confondu avec le parti dirigeant.
Il n’est pas seulement impulsé du sommet de l’État, mais relève de dimensions plus transversales, d’une connivence très généralisée. Il procède d’une idéologie plus gélatineuse que le léninisme mais omniprésente, celle de l’antiracisme, qui n’est pas l’antithèse du racisme mais un racisme en sens contraire. C’est même le racisme le plus radical. Nous rappelons sans cesse cela à l’AGRIF.
Il est bien plus, en effet, que celui de la haine à l’égard de personnes, de groupes ou de populations en raison de « leur appartenance à une race, une nation ou une religion » selon la loi dite antiraciste. C’est ce que j’appelle le « racisme antihumain », c’est-à-dire, au sens philosophique, celui de la haine nihiliste de l’être. Il procède d’une sorte de conformisme idéologique sourdant aussi bien de l’ENA, de l’École de la magistrature, des écoles de journalisme dans un salmigondis généralisé d’anarchisme bakouninien, de néo-marxisme, d’archéo-freudisme.
Il a pour constante la haine de l’enracinement dont l’admirable philosophe et mystique Simone Weil, si chère à mon maître et ami Gustave Thibon, a magistralement défendu les bienfaits, à l’opposé de ce que les révolutionnaires, depuis les pseudo-lumières, appellent « émancipation » ou encore « désaliénation ».
R&N : Vous évoquez à plusieurs reprise dans votre livre une ’autodestruction catholique’. Qu’entendez-vous par là ? N’est-ce pas faire preuve d’un trop grand pessimisme ?
Bernard Antony : Le mot a été d’abord utilisé par le pape Paul VI faisant à la fin de son pontificat un constat amer de l’évolution de l’Église. Et globalement, la déchristianisation de la France et de l’Europe de l’ouest en général se poursuit. Mais je n’ai pas omis d’évoquer tout ce qu’il y a aussi d’encourageant aussi bien dans le renouveau des monastères du catholicisme traditionnel que dans l’éclosion des communautés nouvelles.
R&N : Comment expliquer que le procès de communisme, totalitarisme majeur du XXe siècle, n’ait pas encore été fait ?
Bernard Antony : Il n’y a eu en effet en France qu’une seule préfiguration de ce que devrait être l’immense procès du communisme pour l’histoire : le procès emblématique du traître-tortionnaire de nos soldats en Indochine, Georges Boudarel. Nous l’organisâmes à Paris le 9 novembre 1997.
Mais malgré le succès de cette journée, cela ne fut pas repris chez nous pour deux raisons, je crois :
Pour ce qui est, enfin, des pays anciennement soviétisés que j’évoque, dans beaucoup il y a eu aussi une sorte de tractation plus ou moins implicite pour que la fin du système se passe selon une douce transition, permettant la meilleure reconversion possible des apparatchiks bolcheviques, même des plus criminels.
Il n’y a guère qu’en Lituanie qu’il y a eu une sorte de véritable procès du régime communiste comme le président Landbergis me l’avait promis alors qu’en avril 1991 je l’avais rejoint à Vilnius dans son quartier général assiégé par l’Armée rouge.
Mais la question du procès international n’est pas terminée. Voici venir l’année 2017 et donc le centenaire de la révolution d’octobre. Je pense que ce sera l’heure du bilan d’un siècle d’oppressions, de persécutions, d’exterminations et de génocides perpétrés par les trois grands Satans de la Trinité du mal : Lénine, Staline, Mao et par tous leurs émules démoniaques de la Roumanie à l’Indochine.
R&N : L’islam qui s’étend en Europe est régulièrement comparé au communisme. Une telle comparaison est-elle vraiment pertinente alors que s’ajoute en réalité une composante majeure qui est l’immigration massive ? Cette donnée ne compromet-elle pas en réalité tout espoir de voir l’islam s’effondrer comme l’a fait le communisme ?
Bernard Antony : « Ce » fut Jules Monnerot, grand penseur de droite venu du communisme qui disait à la fin du XXe siècle : « Le communisme est l’islam du XXe siècle ». Il faisait naturellement allusion à la nature totalitaire de leur système, et à leur puissance d’expansion. Car il y avait une dimension religieuse dans le communisme avec ses dogmes, avec ses clergés et ses liturgies. De même l’islam est simultanément un système dans lequel ce qu’il faut « rendre à césar » n’est pas distinct de ce qu’il faut « rendre à Dieu ». Tout y est enchevêtré sans distinction : la politique, la religion, la culture, la morale.
Le phénomène de ses immigrations massives a succédé dans l’islam aux conquêtes d’antan des « cavaliers d’Allah » ou des Ottomans. Mais de même que le communisme, c’est essentiellement de l’intérieur qu’il pourra peut-être s’effondrer un jour, au moins dans sa forme actuelle. Cela passera par la remise en cause de la sacralité de ses textes, publiquement et prophétiquement souhaitée, par le maréchal Sissi dont je cite les admirables paroles dans mon livre.
R&N : Parler d’une Franc-maçonnerie ’en fin de course’ n’est-ce pas paradoxal alors même qu’elle semble avoir gagné tous ses combats et être arrivé au bout de ses revendications (laïcisme, égalitarisme, disparition des normes sociales, ...) ?
Bernard Antony : Ma réponse est dans votre question et à vrai dire j’y ai déjà répondu !
Il n’y a rien de paradoxal dans l’idée qu’ayant à peu près atteint l’essentiel de ses objectifs de dissolution sociétale, la franc-maçonnerie n’a plus grand-chose à obtenir. Si bien qu’on s’ennuie de plus en plus dans les loges souvent réduites à n’être plus que des lieux de bla-bla politicien, des clubs d’affairisme sous couvert de bienfaisance.
Bien sûr, elles vont encore longtemps pernicieusement servir à concocter des hiérarchies parallèles. Mais il n’y a plus d’élan révolutionnaire. Il y a là quelque analogie avec ces bêtes qui meurent après avoir craché tout leur venin.
R&N : Vous évoquez par ailleurs (p.144) une intelligentsia néo-païenne pratiquant la désinformation culturelle vis à vis du christianisme. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Bernard Antony : J’ai évoqué les courants de ce que l’on rangea jadis sous le vocable de « Nouvelle Droite », qui d’une certaine manière pourtant remonte loin, puisque se référant sous la Rome antique aux accusations faites aux chrétiens de saper les fondements de l’Empire par leur pacifisme et leur refus de sacrifier au culte de l’empereur déifié et des dieux. On pourrait aborder ici le cas de l’empereur Julien l’Apostat.
Or, on sait que, de fait, non seulement les chrétiens ne furent pas la cause de la fin de l’Empire, mais qu’au contraire ils en furent en Occident les derniers et plus fidèles défenseurs, et en Orient les mainteneurs de sa civilisation christianisée.
Cela dit, un peu comme Nietzsche dont ils se réclament volontiers non sans le caricaturer et en trahir bien des aspects, les penseurs de la Nouvelle Droite ont pu somme toute jeter d’utiles défis à l’intelligence chrétienne. D’autres, de moindre dimension dans cette mouvance, sont un peu excusables d’avoir confondu le catholicisme et ce que Chesterton appelait « les idées chrétiennes devenues folles » longtemps par trop dominantes dans un clergé passé en trop grand nombre à la barbarie marxiste.
Cela dit, si certains ont été très véhéments contre le christianisme et quelquefois très ennemis des chrétiens fussent-ils de droite, j’observe que bien des adeptes du romantisme viking ou germanique dans leur jeunesse ont mis, non pas heureusement de l’eau dans leur vin mais un peu de bon vin chrétien dans leurs hanaps.
R&N : Quel sera le programme de la grande journée de l’AGRIF prévue le 20 novembre à Paris ?
Le grande journée de rencontre dans l’amitié française de l’AGRIF aura lieu le dimanche 20 novembre 2016 de 11h30 à 18h, Espace Charenton, 327, rue de Charenton – 75012 Paris.
Rencontres sur les stands – Signatures de livres – Présence des patrons d’émission exclus de Radio-Courtoisie
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